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Matthieu Beucher (Klaxoon) : « Une entrée en Bourse, pourquoi pas ! »
Interview Rennes # Informatique # Levée de fonds

Matthieu Beucher PDG de Klaxoon Matthieu Beucher (Klaxoon) : « Une entrée en Bourse, pourquoi pas ! »

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En annonçant une levée de fonds de 43 millions d'euros le 31 mai dernier, Klaxoon a fait grand bruit dans le monde de la "tech". Trois ans après le lancement de son produit visant à réinventer les réunions de travail, la start-up rennaise s’affiche en futur champion global. L’entreprise, qui a fait des États-Unis la base arrière de son déploiement à l’international, vise des dizaines de millions d’utilisateurs à moyen terme. La philosophie de Matthieu Beucher, président et fondateur : « Être à la hauteur des idées et ne pas les gâcher ! »

Matthieu Beucher, PDG de Klaxoon : "Nous visons des dizaines de millions d’utilisateurs dans les années à venir." — Photo : Baptiste Coupin

Le Journal des Entreprises : Comment Klaxoon est parvenu à lever 43 millions d'euros auprès d’investisseurs alors que le ticket moyen au sein de la French Tech était de 6 millions en 2017 ?

Matthieu Beucher : Cela nécessite de se replonger au début de l’aventure qui démarre en 2008-2009. On aurait sans doute pu lever plus avant mais je ne me voyais pas trop rencontrer des investisseurs avec un projet qui n’était pas bouclé. On avait un domaine d’activité qui n’était pas « tendance ». On parlait de formation, de partage de connaissances, de B to B. Ça n’était pas très à la mode. On est passé par des cycles d’apprentissage en faisant nous-mêmes et on a appris à devenir une entreprise rentable. Je ne le regrette pas. Évidemment, c’est dangereux. Mais ça renforce. La levée de fonds est venue bien plus tard. Après le lancement du projet R & D et la construction de notre business model. On passe par un parcours atypique mais on n’aurait pas pu décrocher une levée de fonds de cette dimension sans ce parcours atypique. On a des montants qui sont équivalents à ceux de la côte Ouest des Etats-Unis. Dans la levée de fonds, on a réussi à bâtir autour de notre projet une grande confiance, y compris des investisseurs. Pour la suite, une entrée en Bourse à horizon deux ou trois ans n'est pas à exclure.

Cette augmentation de capital vous fait clairement changer de dimension…

M.B. : Oui, on change de dimension mais on veut rester ce qu’on est. Se donner les moyens d’avoir de bonnes idées et de bien les exécuter. La bonne nouvelle, c’est qu’on garde le contrôle (Matthieu Beucher est actionnaire majoritaire, NDLR). Le marché que l’on adresse a énormément de potentiel dans les dix prochaines années. On pourrait avoir une stratégie à très court terme qui serait de se dire « Prenons ce qu’il y a à prendre et dans deux ans on solde tout ». Mais ça n’est pas notre philosophie. On vise déjà plus gros que cette levée.

Vos visées sont claires. Vous souhaitez conquérir le monde…

M.B. : Oui, nous avons un plan de déploiement international. 120 pays, 1 500 organisations clientes et un million d’utilisateurs se sont appropriés nos outils. Nous visons des dizaines de millions d’utilisateurs dans les années à venir.

Photo : Baptiste Coupin

Quels sont les marchés clés de votre déploiement international ?

M.B. : On commence par les États-Unis. En tout cas l’Amérique du Nord, qui nous apprend pas mal de choses. À commencer par un marketing hyper-musclé. On a ouvert un bureau à New York il y a un an. Nous avons cinq collaborateurs là-bas. On va multiplier par dix les effectifs dans les vingt-quatre prochains mois. Et puis il y a l’Europe et des pays comme l’Angleterre, l’Allemagne ou la Suède avec lesquels on interagit déjà fortement. On a beaucoup de distributeurs qui voudraient travailler avec Klaxoon. On va aussi se projeter sur l’Asie du Sud-Est, dans un deuxième temps, avec Singapour et Tokyo comme points d’entrée.

Avez-vous des alliances industrielles qui favorisent votre développement sur ces marchés ?

M.B. : Oui, je peux vous donner l’exemple du « Meeting board » lancé en janvier dernier en partenariat avec Samsung. C’est une offre intelligente, un écran tactile géant que l’on couple avec notre technologie et qui rend l’ensemble autonome. On approche le millier d’exemplaires. L’objectif c’est de faire des réunions participatives n’importe où en dehors des espaces de travail. C’est vers cette logique-là que l’on va. On a eu trois premières années de validation du concept. On sait aujourd’hui que notre marque est performante. On a envie d’aller plus loin avec des « grands ».

« Nous visons 500 à 1 000 collaborateurs à plus ou moins long terme. »

Parlons un peu des outils Klaxoon. En quoi avez-vous révolutionné la pratique de la réunion en entreprises ?

M.B. : On travaille sur les méthodes "agiles" initiées par Toyota dans les années 60 et basées sur l’écoute et l’expérience de chacun. Il y a deux points clés chez Klaxoon : permettre à chacun de s’exprimer et réussir à se comprendre. Avec nos outils, on initie des réunions d’un nouveau genre où les gens participent davantage. On n’est pas sur une révolution dans le sens où on découvre une nouvelle façon de travailler. On permet de travailler naturellement où chacun peut donner son point de vue, sans que ça dure des heures.

Le produit a-t-il beaucoup évolué depuis sa mise en commercialisation il y a trois ans ?

M.B. : Klaxoon 1 a été lancé en mars 2015 et Klaxoon 2 en mai 2017. La première version était très orientée salles de réunion et usage unique. Klaxoon 2 a ouvert l’usage et initié un nouveau type d’utilisation en dehors de la salle de réunion. C’est une nouvelle réunion où chacun peut participer en complétant un point de vue. Notre slogan, c’est « de l’idée à l’action ». En un temps plus court, on va capter « X » idées. Dans les usages, tous les types de réunions sont concernés.

« On a connu une hypercroissance. Heureusement qu’on était à Rennes pour le faire ! »

Qui sont vos clients ?

M.B. : Nos clients ce sont 50 % de grands comptes et 50 % des entreprises, de toutes tailles, jusqu’aux indépendants et aux TPE. On parle à tous les métiers au-delà des pôles marketing ou commercial. On a un grand écart qui va d’Emmaüs à McDonald’s. Ils ont des contextes très différents mais ils ont la même volonté de vouloir mieux communiquer !

Exemple de réunion avec l'outil La Loupe de la start-up Klaxoon, qui peut transformer n'importe quel écran en support d'échange en ligne — Photo : Klaxoon

Vous nous accueillez au sein du « Klaxoon campus » de Cesson-Sévigné, près de Rennes. C’est le siège social et vaisseau amiral de l’entreprise avec 150 collaborateurs. Votre accélération se traduit aussi par un renforcement de vos équipes ?

M.B. : Oui, on recherche une centaine de collaborateurs supplémentaires. Principalement à Rennes, pour le gros des effectifs. Ce sera un tiers de R & D (hardware, software), un autre tiers d’accompagnement client et un troisième tiers sur le développement commercial. Après la levée de fonds, on sait qu’on se situe sur une entreprise avec 500 à 1 000 collaborateurs à plus ou moins long terme.

Klaxoon symbolise aujourd’hui la réussite des start-up « made in Rennes Saint-Malo ». Quel est votre regard sur l’écosystème du territoire et en êtes-vous partie prenante ?

M.B. : J’ai toujours été très impliqué auprès de mon entreprise. Pour Klaxoon, ce n’est que le début... Mais j’adore l’idée de valoriser l’esprit « French Tech » dans une logique de valorisation de la France. Moi ce que je défends, c’est un travail d’équipe efficace. Je trouve qu’à Rennes et en région, on a un écosystème assez extraordinaire. Si j’ai fait le choix de ne pas développer l’entreprise à Paris, c’est parce que j’y ai vu des limites. En confort. En termes de concurrence de moyens, de lieux. On a connu une hypercroissance. Heureusement qu’on était à Rennes pour le faire ! Les équipes à Paris sont saturées ou sous tension. On ne les envie pas forcément. C’est pour ça que je leur dis : « Venez nous voir à Rennes. On a trouvé simple pour faire mieux ». Je crois vraiment au modèle breton !

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