Les entrepreneurs bretilliens inspirés par le modèle danois
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Les entrepreneurs bretilliens inspirés par le modèle danois

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Le Medef 35 revient de son voyage d’affaires au Danemark, au cours duquel il a embarqué 125 chefs d’entreprise bretilliens à la découverte de l’économie danoise. Petit pays d’Europe du Nord, le Danemark n’en est pas moins un modèle. Pour son engagement sur les transitions, notamment.

La ville de Copenhague, capitale du Danemark. 125 chefs d’entreprise bretilliens sont venus goûter à sa douceur de vivre et explorer son modèle économique — Photo : Baptiste Coupin

"Dream Danemark". Voilà le nom du projet d’entreprise qu’a mis en place, début 2022, la société de marketing digital rennaise MV Group (400 salariés, 53 M€ de CA), qui a pris comme modèle le Danemark pour lancer une politique visant à "développer le bien-être des équipes", rend compte Olivier Bonnin, fondateur et directeur associé de l’agence Good Buy Media, filiale de MV Group. Le nouveau siège de l’ETI bretonne à Cesson-Sévigné, à l’ambiance zen et privilégiant les espaces de travail collaboratifs, répond à cela. Les membres du Codir se sont rendus à Copenhague en 2019 pour trouver l’inspiration. La mise en place d’un modèle "flex" chez le même MV Group, basé sur la flexibilité des horaires, le télétravail ou la semaine des 4 jours, vient aussi du Danemark.

Si ce petit pays nordique de 6 millions d’habitants qui fait face à la Suède suscite l’intérêt, cela ne doit rien hasard. "Le Danemark est considéré comme le pays où les habitants sont les plus heureux au monde. Et le bonheur se cultive jusque dans les entreprises", rapporte Samuel Vaillant-Jørgensen, directeur de la chambre de commerce franco-danoise. Ce Rennais d’origine, expatrié de longue date, s’est exprimé au siège de la DI, la Confédération de l’industrie danoise, devant une délégation de 125 chefs d’entreprise bretilliens venus découvrir Copenhague, du 12 au 14 octobre 2022, à l’occasion des 21es rencontres internationales du Medef 35. Au Danemark, les travailleurs recherchent un meilleur équilibre vie pro/vie perso. Aller chercher ses enfants à la sortie de l’école (à vélo) ou profiter des bords de la mer Baltique dès 16 heures, avec des amis, n’est pas mal vu. Dans un pays où la confiance est le maître-mot, les employeurs y verront le signe que leurs salariés sont à jour dans leur travail - ils leur donnent des méthodes organisationnelles qui ont fait leurs preuves pour cela - et qu’ils savent s’épanouir aussi dans leur vie privée et sociale.

"Avoir valeur d’exemple"

Avec un taux de chômage de 3 % et une croissance de 5 % en 2021 (2 % prévue en 2022), le Danemark est également remarqué pour son économie solide. Et même très solide pour un pays fortement dépendant du commerce extérieur (La France est son 9e fournisseur et 9e client) en raison de la petite taille de son marché intérieur. "Le premier point d’étonnement, c’est de voir qu’ils ont des fleurons dans tous les secteurs", remarque Joëlle Laïk, directrice du bureau Business France Danemark. Dans l’agroalimentaire, la santé ou l’industrie notamment, le Danemark a réussi à fabriquer des champions mondiaux (Lego, Carlsberg, Maersk, Velux…). Pas mal pour un pays qui était en récession dans les années 1980. Mais le Danemark est surtout scruté pour sa capacité à concilier développement économique et développement durable.

Le quartier Nordhavn de Copenhague, bordant la mer Baltique. Il symbolise l’alchimie architecturale entre moderne et ancien — Photo : Baptiste Coupin

Surnommé "l’ange climatique", le Danemark est le premier fabricant mondial d’éoliennes et compte des objectifs environnementaux très ambitieux. Il prévoit de réduire de 70 % ses émissions de gaz à effet de serre en 2027 et de produire, à cette même échéance, 100 % de son énergie grâce aux énergies renouvelables. "C’est une petite nation mais qui cherche à avoir valeur d’exemple", relève Claire Camdessus, cheffe de service économique à l’Ambassade de France à Copenhague.

Innovations et opportunités

Dans le sillage de la visite officielle d’Emmanuel Macron dans le pays en 2018, les chefs d’entreprise bretilliens sont venus regarder de près l’économie danoise et sa capacité d’innovation dans cette veine responsable.

Nolwenn Lam-Kermarrec, présidente de la société rennaise Kermarrec Promotion (33 salariés, 32 M€ de CA), s’est ainsi promenée dans le quartier moderne de Nordhavn - autrefois zone industrielle austère -, pour découvrir les spécificités danoises sur l’habitat durable. "Je suis venue ici pour prendre de l’avance sur le bien construire", exprime la dirigeante qui met en exergue "les îlots en nature ainsi que les espaces partagés, collectifs et collaboratifs". "La réutilisation des matériaux (sur la brique, les panneaux métal…) dans la réhabilitation de projets est aussi une voie à suivre", poursuit-elle. William Gouesbet, président cofondateur de Kerlink (92 salariés, 20 M€ de CA), fabricant de solutions d’infrastructures réseaux pour l’Internet des objets (IoT) à Thorigné-Fouillard, est aussi venu prendre le pouls de ce que fait le pays en matière d’environnement, notamment sur l’optimisation de la gestion des énergies (gaz, électricité, eau). "C’est une région dynamique et à la pointe sur la télérelève des compteurs", a-t-il constaté. L’entrepreneur distribue ses produits au Danemark depuis quatre ans, pour les besoins des collectivités en premier lieu. Il souhaite aussi pouvoir répondre aux industriels, qui utilisent de plus en plus l’IoT pour l’efficacité opérationnelle de leurs usines, sites ou chaînes d’approvisionnement.

Échanges au siège de la DI, la Confédération de l’industrie danoise — Photo : Nathalie Potin - Medef 35

"Le modèle danois et les enjeux de transition sont une source d’opportunités dont il faut s’emparer. Ça nous donne des perspectives demain pour nos entreprises", prévient le président de l’organisation patronale bretillienne Éric Challan-Belval, qui a fait des transitions l’enjeu majeur de son mandat.

Pragmatisme danois

Pour beaucoup d’entrepreneurs bretilliens, la connexion à l’écosystème danois était une première. Certaines PME ont profité de ce voyage d’affaires pour explorer de nouvelles opportunités business. C’est le cas de Maison Felger (15 salariés, 100 000 euros de CA), fabricant de chaussures de luxe à Parigné. Ses dirigeants, Maria et Cyril Karunagaran, ont constaté que les Danois avaient un fort pouvoir d’achat (le pays figure dans le Top 10 mondial sur le PIB par habitant) et que le grand magasin Illum (l’équivalent du Printemps) de Copenhague se prêterait bien à l’ouverture d’un "corner" pour leur enseigne. Cyril Karunagaran a déjà esquissé un prévisionnel de ventes : "Avec un panier moyen de 2 500 euros, nous pourrions espérer faire 20 000 euros de ventes avec une quinzaine de clients à l’année. C’est comparable à ce que l’on fait au Moyen-Orient". En attendant, la PME bretonne a saisi l’opportunité de ce voyage du Medef 35 pour exposer quelques objets de sa collection dans le hall de l’hôtel Radisson. Valéry Jeuland, cogérant de l’entreprise SCD Luisina à Servon-sur-Vilaine (150 salariés, 50 M€ de CA), spécialisée dans la fabrication d’équipements de cuisines, a lui rencontré le réseau Business France dans l’intention de trouver un distributeur plus important. "Au niveau de l’équipement de la maison, le Danemark est un marché très intéressant", indique-t-il.

Les dirigeants de Maison Felger exposant leur collection, à l’hôtel Radisson de Copenhague — Photo : Baptiste Coupin

Les intentions business sont là. Il ne reste plus qu’à accélérer. "Venez investir et faire du commerce avec les descendants des Vikings. Ce sont des gens pragmatiques", sourit Christophe Parisot, nouvel ambassadeur de France au Danemark. Si le pays présente une TVA de 25 % sur la majorité des biens et des services, il réserve en revanche aux entreprises locales un impôt sur les sociétés à 22 % (contre 28 % en France) et des cotisations patronales réduites.

En attendant les entreprises bretonnes, une entreprise nantaise a déjà avancé ses pions dans le pays aux oies sauvages. La société Lhyfe (82 collaborateurs), pionnier européen et pure player de l’hydrogène vert, a été choisie pour faire partie du nouveau parc industriel danois "Green Lab", l’une des premières zones d’essai énergétique en Europe. Lhyfe et ses partenaires y installeront un site de production d’hydrogène équipé de 24 mégawatts d’électrolyse fin 2022.

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