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Mäder : "La crise a rendu l'innovation encore plus nécessaire qu'auparavant"
Interview Nord # Industrie # Fusion-acquisition

Corinne Molina vice-présidente du groupe nordiste Mäder "La crise a rendu l'innovation encore plus nécessaire qu'auparavant"

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Corinne Molina est vice-présidente du groupe nordiste Mäder, qu'elle a lancé en 1993 aux côtés de son mari, Antonio Molina. Elle revient sur les enjeux de la crise sanitaire pour ce fabricant de peintures, résines et composites, qui exporte 80 % de sa production dans le monde.

Corinne Molina, vice-présidente du groupe nordiste Mäder, fabricant de peintures, résines et composites — Photo : Mäder

Le groupe Mäder a installé en 2019 sa R & D et son siège dans les anciens locaux de l’Ifmas, à Villeneuve-d’Ascq (Nord), c’est un atout ?

Le groupe était auparavant installé dans un hôtel particulier, rue Anatole France, à Lille. C’était un bel immeuble art déco, mais il ne correspondait pas à notre activité industrielle. Une opportunité s’est présentée sur ce bâtiment de 2 400 m² dans le cadre de la liquidation de l’Ifmas (Institut français des matériaux agro-sourcés, NDLR). Le laboratoire a laissé quatre espaces complètement équipés, avec des machines intéressantes, comme des essais au brouillard salin. Mäder est arrivé ici en avril 2019, avec une quarantaine de salariés, répartis sur 1 200 m² de bureaux et 1 200 m² de laboratoires. Cette installation nous a permis de ramener dans les Hauts-de-France notre R & D qui était située à Mulhouse. Surtout, nous avons rassemblé dans un même lieu la recherche concernant nos différents produits : peintures, résines et composites. C’est un atout majeur pour nous démarquer de la concurrence, car les autres acteurs sont spécialisés sur l’un ou l’autre de ces produits. Nous sommes capables de concevoir des systèmes complets pour nos clients, pour le nez du TGV par exemple.

La crise sanitaire a-t-elle fait évoluer votre stratégie ?

La crise a rendu l’innovation encore plus nécessaire qu’auparavant, avec une prise de conscience accrue des enjeux environnementaux et la recherche d’une plus grande compétitivité dans un contexte de guerre des prix. . Le groupe Mäder innovait déjà avant la crise, puisque notre métier c'est de développer des solutions pour répondre aux besoins exprimés par les clients en matière de peinture, résine ou composite. Nos principaux clients sont dans le ferroviaire (20 % de l’activité), l’automobile (20 %) et les énergies et utilités (20 %), les autres étant dans l'industrie générale, la cosmétique et les revêtements. Chaque année, nous investissons près de 10 % de notre chiffre d’affaires, qui s’élève à 190 millions d’euros, dans la R & D. Et 15 % de nos 800 collaborateurs y sont dédiés. Le groupe compte 13 centres de recherche dans le monde, le plus important étant à Villeneuve-d’Ascq. L’innovation n’est donc pas un sujet nouveau mais les choses évoluent rapidement.

Comment se traduit au quotidien cette accélération de l’innovation ?

La réglementation européenne Reach fait régulièrement disparaître des matières de la liste de celles autorisées pour fabriquer nos produits. Il nous faut donc développer d’autres formules… Quand il a par exemple fallu remplacer les solvants par de l’eau pour les peintures du TGV, la partie n’était pas gagnée. La crise a également entraîné une pénurie de matières premières, ce qui a renforcé la guerre des prix. C’est la course au fabricant qui répercutera le moins cette hausse de prix sur le prix final pour garder ses clients. Les marges se resserrent. Il nous faut donc innover pour que le groupe soit plus compétitif, mais aussi pour proposer aux clients des produits avec une meilleure efficacité économique, par exemple en réduisant le nombre de couches de peinture nécessaire, le temps de cuisson des peintures UV, etc.

Des investissements supplémentaires sont-ils à l’ordre du jour en matière d’innovation ?

Nous entamons actuellement la digitalisation de notre process de formulation chimique, car il va falloir aller de plus en plus vite. Le groupe possède près de 15 000 formules, que nous voulons gérer à travers un système global. L’idée est d’avoir une base de données pour connaître ces formules, leurs caractéristiques, mieux les maîtriser et gagner du temps en ne réinventant pas ce qu’on a déjà. Cette base de données va être couplée à une intelligence artificielle et à un robot : nous devrions passer commande fin 2021, pour un investissement de près de 6 millions d’euros. Il sera par exemple capable de déterminer les matières premières qui se marient bien pour obtenir une caractéristique recherchée par nos chimistes.

Quels sont les autres piliers de développement de Mäder ?

Le groupe va poursuivre la politique d’acquisitions qu’il mène depuis ses débuts, en 1993. En 2019, nous avons acquis la société normande BS Coating, un fabricant de peinture de tuyaux, car nous sommes persuadés que l’eau est un secteur de plus en plus stratégique. Or cette société a développé un procédé qui permet de réparer les tuyaux sans les déterrer. Début 2021, nous avons aussi racheté la société Unimarket, qui distribue des peintures et composites en Pologne, ce qui nous a permis de mettre le pied dans ce pays. Ces acquisitions doivent soutenir l'expansion du groupe à l’international, en suivant les besoins de nos clients. Elles sont aussi guidées par l’acquisition de nouvelles technologies ou le renforcement des nôtres. La crise a par ailleurs entraîné une plus forte concentration du marché. Un acteur qui ne grossirait pas aujourd’hui court le risque de se faire racheter demain. Or, notre ambition est de rester un groupe familial indépendant, sur un marché où les plus gros acteurs font 13 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Nous préparons d’ailleurs la transmission du groupe à notre fils Julien.

Nord # Industrie # Banque # Chimie # Fusion-acquisition # Innovation # International # Investissement