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De Soflacobat à Eridium : Annick Berrier, la bâtisseuse
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De Soflacobat à Eridium : Annick Berrier, la bâtisseuse

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Lauréate du palmarès Women Equity pour la deuxième année consécutive, Annick Berrier est une chef d’entreprise nordiste aussi atypique qu’emblématique. Celle qui a osé fonder une entreprise de gros œuvre seule, en 1981, est à présent à la tête d’un groupe de 160 salariés. Et elle reste passionnée comme au premier jour. Portrait.

Annick Berrier préside le groupe de BTP nordiste Eridium, qu’elle a fondé en 1981 — Photo : Elodie Soury-Lavergne

Dotée d’une voix fluette et d’une silhouette frêle, Annick Berrier est bien loin de l’archétype du dirigeant de BTP. Mais derrière son apparente discrétion, on sent vite poindre une passion et une détermination à toute épreuve. Cette cheffe d’entreprise au sourire facile, qui n’a pas hésité à bousculer les codes durant sa carrière, est à la tête d’un groupe de 160 salariés. Baptisé Eridium et positionné sur le gros œuvre, il a réalisé en 2020 un chiffre d’affaires de 23,8 millions d’euros et devrait atteindre, dès cette année, les 25 millions d’euros.

Ce groupe, basé à Caëstre (Nord), Annick Berrier l’a fondé seule après avoir fait ses armes dans un groupe de BTP. "C’était en 1981, j’ai démarré avec six salariés, raconte-t-elle, et ça n’a pas toujours été simple. J’ai dû travailler d’arrache-pied pour faire reconnaître mes compétences. Une femme n’a pas le droit à l’erreur. J’ai dû faire tomber quelques stéréotypes, aussi."

Lauréate du palmarès Women Equity

Ce parcours lui a valu d'être deux années de suite, en 2019 et 2020, lauréate du palmarès Women Equity, qui met en avant 50 dirigeantes d'entreprises françaises de PME ou ETI à la croissance rentable. "C’est une grande fierté. Ce palmarès met en avant des PME et des ETI pas toujours visibles et pourtant performantes, souligne Annick Berrier. Je ne suis pas féministe, mais il se trouve que les entreprises dirigées par des femmes affichent en général une meilleure rentabilité que leurs équivalentes dirigées par des hommes", glisse-t-elle en souriant. Cette reconnaissance a également des retombées auprès des partenaires du groupe, notamment financiers : "C'est comme un label car nos partenaires savent que les finances des entreprises concernées ont été passées au crible."

Si son parcours est une réussite, il était pourtant loin d’être une évidence. Les femmes cheffes d’entreprise ne sont pas légion en 1981, et encore moins dans le BTP. Si les années ont passé, certaines choses ont peu évolué : "C’est toujours difficile d’être une femme à la tête d’une entreprise. Nous sommes 30 %, contre 27 % il y a dix ans. Cela avance, mais à la vitesse d’un escargot fatigué", regrette la dirigeante, convaincue que la mixité est un gage de performance des entreprises. "Le message que je voudrais faire passer aux femmes est d’avoir davantage confiance en elles : pour prendre des risques, échouer, se relever et rebondir. Il faut aussi qu’elles soient davantage présentes dans les réseaux car ce sont des outils exceptionnels, dont elles n’imaginent pas la puissance." Annick Berrier affiche d’ailleurs plusieurs mandats au sein d’institutions professionnelles des Hauts-de-France : CCI de Région, Fédération du bâtiment, Initiative France, Comité consultatif de la SMABTP et présidente de clubs d’affaires.

Une passion de longue date pour le bâtiment

Pourtant, l’aventure était loin d’être toute tracée. Issue d’une famille de céréaliers, Annick Berrier voyageait beaucoup, quand elle était enfant, avec sa famille. Les visites d’édifices en tout genre, notamment des cathédrales, lui ont donné le goût des bâtiments. Celle qui n’aimait pas vraiment l’école a fini par s’orienter vers un DUT génie civil : "j’étais la seule fille dans la promotion", se souvient-elle. Un choix pas forcément bien accueilli dans son entourage, mais peu importe : " j'étais une jeune fille rebelle ".

Rebelle, Annick Berrier l’est d’ailleurs restée durant toute sa carrière. Comme cette fois où elle a décidé de recruter des femmes au poste de maçon et a tenu bon, malgré les réticences des équipes, qui y ont d’abord vu "un problème supplémentaire". Cet autre trait de caractère qui ne l’a pas non plus quitté, c’est la passion. Une passion pour son métier qui reste entière, comme au premier jour. "L’intelligence artificielle, c’est bien, mais n’oublions jamais ces métiers, comme ceux du bâtiment, qui demandent de mettre en œuvre à la fois la tête, le cœur et les mains. Ils existeront toujours", plaide celle qui reste également très attachée aux métiers de la terre : "au moment des récoltes, je suis toujours heureuse de troquer les engins de chantier contre les engins de culture."

Préparer la transmission

Si le groupe Eridium affiche à présent une croissance rentable, de l’ordre de 29 % entre 2019 et 2020, l’aventure n’a pas toujours été un long fleuve tranquille. Soflacobat, l’entreprise créée initialement par Annick Berrier, a dû s’adapter et se diversifier pour passer différentes crises. Positionnée historiquement sur le segment des maisons individuelles, elle s’est ensuite orientée, au fil du temps, vers la construction de logements collectifs et de bâtiments industriels et commerciaux, dans les Hauts-de-France et en région parisienne.

Le groupe Eridium, quant à lui, est né en 2015, après une première opération de croissance externe réalisée auprès de l’entreprise Arteic (CA 2019 : 4,9 M€), un couvreur, étancheur et bardeur basé à Dunkerque. Une troisième entreprise a été ensuite créée pour compléter le groupe : Betapref, une usine de préfabrication de béton structurel et architectonique prêt à l’emploi, dont le seul client est Soflacobat. Un fournisseur intégré qui a notamment permis au groupe de ne pas souffrir de retards en matière d’approvisionnements durant la crise sanitaire du Covid. Une crise que le groupe traverse d’ailleurs sans trop de dégâts : "Cela affecte un peu notre rentabilité, du fait par exemple des procédures de nettoyage, mais le chiffre d’affaires reste très bon", assure la dirigeante.

Ce sont plutôt les défis de demain que prépare Annick Berrier, aux côtés de son fils, dans le cadre d’une transmission à venir. La dirigeante voit notamment arriver une période électorale - les élections départementales et régionales de juin - qui se traduit habituellement par un ralentissement de l’activité. Sans compter les enjeux liés à la mise en œuvre de la nouvelle réglementation thermique RT 2020, à la lutte contre l’artificialisation des sols ou encore à la décarbonation imposée au BTP à l’horizon 2030. Pour l’heure, le groupe Eridium poursuit son développement, ce qui est plutôt un signal positif : "Quand le bâtiment va, tout va", résume Annick Berrier.

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