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Transition écologique : comment le VTE vert peut aider les PME et ETI à passer (vraiment) à l'action
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Transition écologique : comment le VTE vert peut aider les PME et ETI à passer (vraiment) à l'action

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Dans le catalogue des primes à l’embauche, le VTE vert est loin d’être le plus connu. Et pourtant, ce "volontaire territorial en entreprise", affecté à des missions environnementales, peut s’avérer un renfort de poids pour accélérer sa transition écologique à moindre coût. D’autant que le montant de l’aide vient tout juste d’être revalorisé.

Chez AP Composites (Isère), le personnel s’est récemment agrandi avec l’arrivée d’une VTE vert, chargée de mettre en place des actions environnementales très concrètes, mais aussi de faire avancer l’entreprise sur la voie des produits écoresponsables — Photo : Renaud Kressmann

Renouveler l’éclairage de ses locaux, changer de prestataire pour l’évacuation de ses déchets, tester une résine biosourcée à base de pin et de lin, et même remporter une subvention de 50 000 euros… En 2021, AP Composites ne s’est pas économisée, pour tenter d’accélérer sa transition écologique et abaisser son empreinte environnementale. Et pourtant, l’entreprise de plasturgie est une petite PME iséroise, aux ressources a priori limitées (14 salariés, 1,2 M€ de CA). Son secret pour mener de front autant de chantiers annexes ? Il tient en deux mots - VTE vert - et prend les traits de Kathleen Bauters, apprentie de 22 ans, arrivée en septembre 2020.

Le VTE vert, une aide à l’embauche pour l’environnement

Dans la grande famille des aides au recrutement, le VTE vert n’est, certes, pas la plus connue, ni la plus populaire. Mais sa récente revalorisation (12 000 euros, au lieu des 8 000 accordés jusqu’ici) devrait l’aider à gagner en notoriété. D’autant que ce Volontariat territorial en entreprise, d’un genre bien particulier, se trouve au carrefour de deux enjeux majeurs pour les PME et ETI, auxquelles il s’adresse : l’accès aux compétences et la transition écologique.

Le dispositif, lancé fin 2020, consiste en effet à financer l’embauche, à temps plein, d’un diplômé (titulaire d’un bac + 3 minimum depuis deux ans), engagé soit en CDD d’au moins un an, soit en CDI, ou d’un alternant (en cours de formation pour un bac + 3 minimum), en contrat d’apprentissage ou de professionnalisation de dix mois ou plus. Dans tous les cas, la jeune recrue doit être mobilisée sur des missions environnementales (réduction de l’impact des biens et services produits, sobriété des process industriels, approvisionnement et logistique responsables), en lien direct avec l’équipe dirigeante. La demande de subvention se fait en ligne.

Un dispositif sélectif pour passer à l’action

Jusqu’à présent, seuls 100 contrats de VTE vert ont été conclus, sur les 1 000 espérés avant 2025. Un démarrage poussif, dû aussi à la grande sélectivité du dispositif : "Nous sommes exigeants sur la nature des emplois proposés par les entreprises, reconnaît Guillaume Mortelier, directeur exécutif de Bpifrance, en charge de l’accompagnement. Nous voulons éviter tout greenwashing." Pour s’en assurer, les entreprises soutenues doivent ainsi fournir un descriptif de poste détaillé avant l’embauche et un compte rendu de fin de mission, un an plus tard, avant de pouvoir obtenir les fonds.

« Le chef d’entreprise doit avoir une vision claire de là où il veut aller, même s’il ne sait pas forcément comment y parvenir. »

Ce VTE écolo n’est donc pas à mettre entre toutes les mains. "Il convient aux PME et ETI qui disposent déjà d’une forme de maturité sur les questions climatiques. Avec lui, l’entreprise n’est plus dans la prise de conscience. Elle est a minima dans la structuration d’un plan, sinon dans la mise en œuvre d’actions concrètes." Bref, pas question de faire de ce volontaire territorial la caution environnementale de la société. "L’enjeu de la transition écologique ne se délègue pas, tranche Guillaume Mortelier : le chef d’entreprise doit avoir une vision claire de là où il veut aller, même s’il ne sait pas forcément comment y parvenir."

Des actions concrètes avec impact immédiat…

Le dirigeant d’AP Composites correspond en tout point à ce profil de patron. Julien Kressmann entend faire de sa PME "l’un des leaders français du composite écoresponsable". Mais avec une équipe resserrée (11 salariés dédiés à la production, sur 14), pas facile de faire avancer cet objectif de long terme. La donne change à l’été 2020, lorsqu’il recrute sa nouvelle apprentie, sur un poste qui sera, quelques mois plus tard, labellisé VTE vert. "Clairement, ce dispositif a été un élément facilitateur, confirme Julien Kressmann. Un moyen de pousser plus loin notre réflexion et de mettre en œuvre notre vision."

« Dans une petite boîte comme la nôtre, nous n’avions pas forcément le temps de mettre en place ces mesures pourtant très concrètes. »

En préparation d’un bac + 3 au sein de Polyvia, l’organisme de formation de la branche plasturgie, Kathleen Bauters a ainsi été chargée de déployer 8 des 12 actions identifiées préalablement par AP Composites, à la suite d’un Diag Éco-flux, un audit de ses consommations d’eau, d’énergies, de matières et de déchets. C’est sous son impulsion qu’en 2021, l’entreprise est, par exemple, passée à l’éclairage LED et a remplacé les connectiques défectueuses de son réseau d’air. Résultat, "les compresseurs vont tourner moins, parce qu’il y a moins de fuites, et donc on réduit notre facture énergétique !, se réjouit Julien Kressman. Ce sont des mesures très concrètes, avec un impact immédiat, mais que nous n’avions pas forcément le temps de faire dans une petite boîte comme la nôtre, où tout va très vite."

Julien Kressmann, le dirigeant d’AP Composites — Photo : Renaud Kressmann

… à des chantiers stratégiques pour l’entreprise

La mission de la jeune apprentie ne s’est pas limitée à ces économies rapides. Elle a aussi préparé l’avenir. AP Composites a ainsi décroché 50 000 euros de l’Ademe, pour réaliser l’analyse du cycle de vie de ses produits. Un dossier "crucial" pour l’entreprise, que Julien Kressmann, encore surpris de ce succès, n’aurait jamais réussi à monter sans sa VTE vert. "Cette démarche permettra de nous assurer qu’en utilisant tel matériau, procédé ou formulation, nous aurons un moindre impact sur l’environnement"… et, pourquoi pas, un plus grand avantage sur ses concurrents.

L’entreprise note en tout cas, chez ses clients, "un œil déjà très curieux et attentif" à ses travaux actuels sur les résines naturelles. "Après, tout est une question de modèle économique. Pour le moment, on ne peut pas dire que les fabrications écoresponsables coûtent moins chères, au contraire…"

Une ombre au tableau : les délais de versement de l’aide

L’attrait du VTE vert n’en est que plus grand. Avec lui, AP Composites peut avancer dans sa transition écologique à moindres frais, puisque le poste de Kathleen représente un coût quasi-nul pour la société. "Il y a quand même un petit effort de trésorerie à faire", tempère Julien Kressmann. Et pour cause : il n’a encore reçu aucune des aides promises, ni celle du VTE vert (en raison du délai obligatoire d’un an avant tout versement) ni celle, en partie cumulable, à l’embauche d’un apprenti (la faute, officiellement, à un engorgement du système).

Ces retards mis à part, l’expérience reste des plus concluantes. Preuve en est, AP Composites a déjà proposé à Kathleen de poursuivre en CDI.

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