Comment fonctionne le VTE, nouveau dispositif de l'État pour attirer les jeunes dans les PME
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Comment fonctionne le VTE, nouveau dispositif de l'État pour attirer les jeunes dans les PME

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C’est le nouveau dispositif du gouvernement pour amener les jeunes vers les PME et les ETI industrielles. Nommé VTE pour Volontariat territorial en entreprise, il doit générer 5 000 recrutements d’ici à cinq ans. Mode d’emploi.

Le volontariat territorial en entreprise vise à aider les PME à embaucher. Début 2019, les difficultés de recrutement demeuraient le principal frein à la croissance, pour 52 % des PME interrogées, d’après une enquête Bpifrance le Lab - Rexecode — Photo : JDE

Comment rendre les PME plus « sexy » auprès d’un étudiant en quête d’aventure professionnelle ? Comment rivaliser avec l’attrait d’une start-up ou d’un job à New York pour un grand groupe ? Voici le défi que compte relever le Volontariat territorial en entreprise (VTE). Ce nouveau dispositif vise à offrir une expérience dans les PME et ETI industrielles aux étudiants ou jeunes diplômés (de Bac + 2 à Bac + 5), issus de l’université, d’écoles de commerce ou d’ingénieurs. Piloté par Bpifrance avec le soutien de l’État, le VTE prend la forme d’un contrat d’un an minimum, en alternance, CDD ou CDI, rémunéré par l’entreprise.

Des postes à responsabilité pour les jeunes

L’argument pour séduire ? Offrir aux jeunes des postes à haute responsabilité. « Bras droit du dirigeant », « chief digital officer », ingénieur commercial chargé du développement en France et en Europe, etc. : sur vte-france.fr, pas d’offres de stage, mais des annonces d’emploi aux titres accrocheurs.

« Devenir bras droit d’un chef d’entreprise à 23 ans, juste après ses études, c’est une opportunité rare, commente Philippe Mutricy, directeur des études de Bpifrance et référent VTE. A contrario, dans un grand groupe, vous n’allez pas gérer un gros compte client d’emblée, vous n’aurez pas un contact direct avec le patron, mais plusieurs niveaux de hiérarchie au-dessus de votre tête. »

Les avantages du VTE pour les PME

Découverte du tissu entrepreneurial, expérience formatrice : le VTE s’apparente plutôt à un label de qualité. De quoi muscler un CV ou conduire à un emploi pérenne pour les jeunes bénéficiaires. Mais les PME ont aussi à y gagner.

Aides les entreprises à se vendre

Pour s’assurer de cette qualité, Bpifrance commence par sélectionner les missions éligibles auprès des entreprises, avant de les publier en ligne. Au passage, elle aide les PME à rendre leurs annonces plus attractives.

Un exemple ? « Si votre entreprise se trouve à 10 kilomètres de la mer, il faut l’indiquer, répond Philippe Mutricy. Un bon ingénieur peut se révéler être un surfeur et vice-versa. » Pourquoi ne pas également évoquer les 50 ans d’histoire de sa société ou qu’il s’agit d’un spin-off d’un grand groupe ?

Comme un VIE, mais sans aide financière

Photo : Service cartographie du CGET

Lancé au printemps 2019, le dispositif s’inspire du Volontariat international en entreprise (VIE). À la différence que le VTE ne comprend pas d’aide financière, comme une exonération de charges sociales. Certaines collectivités pourront toutefois proposer un accompagnement aux jeunes VTE (bourse, aide au logement ou au transport, pass culture…).

Question périmètre, ce dispositif cible les PME et ETI de l’industrie (et services associés) implantées hors des grandes métropoles. Précisément celles situées sur la carte des « territoires d’industrie » définie par le gouvernement, ou à proximité, là où il devient de plus en plus difficile de recruter.

« Un sourcing national » pour recruter

Situées dans l’Aisne, le long de la frontière belge, Les Fonderies de Sougland figurent sur cette carte. Et cette PMI de 70 salariés pâtit de son emplacement géographique : Reims, la grande ville la plus proche, se trouve à 1h15 de route. Créée sous François Ier, cette entreprise du patrimoine vivant séduit, certes, des candidats à l’embauche, notamment grâce à ses projets d’investissement et d’innovation dans la fabrication de pièces en fonte et en acier. Mais son patron, Yves Noirot, multiplie aussi les coups de pouce pour achever de convaincre : mise à disposition de logements pour ses apprentis, aménagement de postes… Une chercheuse travaille, par exemple, un jour sur deux dans son labo de R & D et l’autre en télétravail à Reims.

« Sans le VTE, on risque de ne toucher que des candidats locaux, car nous n’avons pas la notoriété d’une multinationale. »

Via le VTE, Yves Noirot espère bénéficier d’un coup de projecteur pour élargir son vivier de candidats. En effet, de nombreuses écoles partenaires ont accepté de relayer ses offres d’emploi à leurs élèves : EM Lyon business school, Y Schools Troyes, ESCP Europe, ENSAM, entre autres. « Le VTE offre un sourcing national auprès des grandes écoles, y compris les meilleures », se réjouit Yves Noirot. Ce dernier recherche « un bras droit » en apprentissage, pour plancher sur la stratégie de l’entreprise, les nouveaux modèles économiques, lancer des opérations de marketing, une politique RSE…

« Toucher les meilleures écoles »

À la tête d’Emball’Iso (200 salariés), fabricant et loueur d’emballages isothermes pour l’industrie pharmaceutique, basé dans le Rhône, Pierre Casoli abonde en ce sens. « J’ai besoin de visibilité pour accélérer mon recrutement, dit-il. Sans le VTE, on risque de ne toucher que des candidats locaux, car on n’a pas la notoriété d’une multinationale. »

Pierre Casoli cherche un chef de projet RFID, afin d’assurer la traçabilité de ses emballages à travers le monde. Profil souhaité : un jeune en quête d’un certain degré de liberté et d’indépendance, aimant la prise de décision rapide… un peu comme lui jadis, lorsqu’il a décidé de fonder sa propre PME pendant ses études, plutôt que de rallier un grand groupe.

Faire évoluer les mentalités

Enfin, pour Philippe Mutricy, le VTE pourrait, à terme, aider à faire changer le regard des cadres et grands patrons de demain sur l’univers des PME. « Avec ce nouveau Volontariat territorial en entreprise, il ne s’agit pas uniquement de recruter. Nous souhaitons contribuer à faire évoluer les mentalités, en suscitant un attachement au tissu industriel des PME hexagonales », détaille le directeur des études de Bpifrance.

Et pourquoi pas « encourager une forme de patriotisme économique » ? Philippe Mutricy s'en explique : « Si vous devenez acheteur dans une multinationale après avoir débuté dans une PME, vous vous comporterez sans doute différemment avec vos petits sous-traitants, en étant plus tolérant sur les micro-défauts des produits livrés, ou en évitant de les mettre uniquement en concurrence sur les prix, par exemple. »

D’ici à la rentrée 2019, Bpifrance espère en tout cas la signature d’environ 100 contrats de Volontariat territorial en entreprise. En espérant atteindre les 5 000 VTE par an à l’horizon 2024.

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