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Rennes : Rachat d'Envivio par Ericsson : le décryptage du fondateur
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Rennes : Rachat d'Envivio par Ericsson : le décryptage du fondateur

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Le géant suédois Ericsson a déposé en septembre une OPA de 125 millions de dollars pour racheter la société franco-américaine Envivio (CA : 43M$). Cette spin-off d'Orange, spécialisée dans la compression vidéo et fondée en 2000 par des ingénieurs rennais, emploie 170 salariés et 30 consultants entre son siège à San Francisco et son centre de R&D à Rennes (110 emplois). Co-fondateur et actuel président, Julien Signès décrypte pour Le Journal des entreprises la perspective de la vente de sa société cotée en bourse au Nasdaq, qui doit être effective fin octobre.
— Photo : Le Journal des Entreprises

Pourquoi avoir vendu Envivio à Ericsson ?

Essentiellement parce qu'Ericsson a besoin de nos technologies et sent que, sur notre marché de transformation des médias et leur diffusion dans des terminaux mobiles, il y a un vrai engouement pour les solutions software, de plus en plus virtualisées, dans le cloud. Ericsson a une vraie statégie d'investissement dans les infrastructures médias, l'un des services du futur avec le multi-écrans, l'IP, le cloud... Ericsson a toute une division média-TV qui a des solutions hardware très réputées dans le broadcast traditionnel. Nous sommes complémentaires.

Pensiez-vous vendre un jour votre entreprise ?

Bien sûr ! Quand on crée une société de technologie de nos jours, c'est évident que l'on entre dans un écosystème où la consolidation est un élément naturel. Depuis le début de la société, nous avons en permanence pratiquement des discussions stratégiques avec différents acteurs, plus ou moins sérieux. Cela fait toujours partie des possibilités...

Comment cette consolidation se déroule-t-elle ?

Les détails de l'implémentation ne sont pas vraiment connus... Il y a deux étapes préalables : un accord d'entreprise, qui a été signé, et une offre d'achat qui vient d'être lancée, ouverte pendant plusieurs semaines. En supposant qu'Ericsson collecte plus de la moitié des actions, la fusion sera alors entérinée. Dans cette phase de rachat, nous ne discutons pas vraiment des organisations, mais il est clair que je vais rester encore un certain temps pour organiser la transition. Nous verrons ensuite pour la structure post-acquisition...

Quelle est la répartition actuelle du capital d'Envivio ?

Environ 30 à 35 % sont sur le marché public, 50 % à des investisseurs et fonds privés dont des sociétés de capital risque, environ 15 % répartis entre les employés. Je dois personnellement détenir 4 %...

Que va changer ce rachat pour Envivio ?

Nous avions déjà un partenariat depuis cinq ans environ avec Ericsson qui revend nos produits. Ericsson croit aux technologies du cloud, au software... Ce qui est bien en ligne avec notre stratégie. Nous pensons à une vraie opportunité de croissance. Il y a une véritable complémentarité de nos produits. Cela nous permet de nous projeter dans une intégration avec un portefeuille produits beaucoup plus large, une accélération des développements et une présence marché beaucoup plus importante évidemment. Ericsson est présent chez quasiment tous les opérateurs. Pour nous, c'est vraiment un facteur intéressant de continuité, d'accélération et de croissance. Nous sommes très positifs, même s'il convient de rester prudent car le closing n'est pas encore effectif.

Quelle est votre vision sur l'avenir de votre filière ?

Notre métier porte sur la compression, mais aussi de plus en plus sur la diffusion, le stockage, le réseau, l'insertion de publicités, les services différés, la protection... Tout l'acheminement du contenu et la personnalisation comptent beaucoup également. Envivio est plus connue pour la compression vidéo, l'encodage, mais s'est beaucoup développée sur ces nouveaux business modèles en aval. Je pense que le cloud et le réseau IP vont jouer un rôle prépondérant. Nous percevons une transition vers un monde très virtualisé, ouvert, décloisonné, avec beaucoup de valeurs dans le software et les services. Il s'agit d'une forte évolution globale de l'industrie des télécoms. Nous avons beaucoup changé notre façon de voir le réseau, plus flexible.

Quel est votre regard franco-américain et celui des Etats-Unis sur l'économie française et rennaise en particulier ?

Je suis un vrai ambassadeur du territoire. Je passe beaucoup de temps à expliquer aux Américains pourquoi nous avons des ingénieurs à Rennes. Nous avons une vraie efficacité et une équation qualité-coût très favorable en France, y compris dans un contexte mondial. Il y a beaucoup de talents aux Etats-Unis, mais il existe des zones où il y a des coûts faibles mais avec des problèmes de management et de stabilité. En France, l'équation fonctionne bien : des coûts raisonnables, un crédit d'impôt recherche, une qualité d'ingénieurs et de formation, une capacité d'expansion, une stabilité de l'emploi et des effectifs. Tous ces facteurs contribuent à en faire un endroit très attirant. Notre mode bicéphale nous convient bien.

Ne sommes-nous pas la risée des Américains ?

Absolument pas. D'un autre côté, ils n'ont pas non plus d'a priori positif. Il faut leur montrer la réalité des chiffres et la productivité, passer beaucoup de temps à expliquer. Mais nous n'avons pas à rougir... La France a mauvaise réputation pour son droit du travail, la complexité, les 35 heures, par exemple. Sans faire de politique, il est clair que ce n'est pas vu de l'extérieur comme des aspects positifs.

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