Réforme des retraites : ces 6 mesures qui vont toucher les entreprises
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Réforme des retraites : ces 6 mesures qui vont toucher les entreprises

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La réforme des retraites va de l’avant. Adopté dans la douleur au Parlement et toujours aussi contesté dans la rue, le texte ne se limite pas aux très impopulaires mesures d’âge qui agitent les débats depuis de longs mois. Il instaure aussi plusieurs mesures pour les entreprises, autour de l’emploi des seniors, de la gestion des fins de carrières et de la lutte contre la pénibilité au travail.

L'index seniors introduit par la réforme des retraites adoptée le 20 mars 2023 va conduire à inscrire dans le code du travail que "l'employeur poursuit un objectif d'amélioration de l'embauche et du maintien en activité des seniors". — Photo : Halfpoint - stock.adobe.com

L’accouchement fut des plus laborieux, mais la réforme des retraites, voulue par Emmanuel Macron, a bel et bien été adoptée. Aux forceps de l’article 49.3 et dans la douleur de deux motions de censure, face à une vive contestation tant politique que sociale, le gouvernement est parvenu, le 20 mars, à faire passer, sur le fil, son grand projet censé rééquilibrer les comptes du système.

Bien qu’en partie remanié depuis sa présentation, le 10 janvier, le texte entérine le report de l’âge légal à 64 ans (au lieu de 62) et l’accélération de l’allongement de la durée de cotisation (43 ans dès 2027). Mais derrière ces mesures emblématiques, il instaure aussi, pour les entreprises, plusieurs nouveautés, et quelques ajustements. Objectif : les inciter à en faire plus pour les seniors, appelés à être désormais plus nombreux sur le marché du travail. Un enjeu de taille : en 2021, le taux d’emploi des 60-64 ans plafonnait à 35,5 %, alors que deux tiers des personnes étaient en retraite à l’âge de 63 ans.

Un "index" pour mesurer la place des seniors en entreprise

Pour tenter de rapprocher (voire réconcilier) employeurs et seniors, le gouvernement a décidé de reprendre une recette qu’il avait déjà expérimentée sur l’égalité salariale femmes-hommes : la création d’un "index" annuel dédié. L’idée est de rendre visible la place des travailleurs âgés dans l’entreprise. Un impératif légal, puisqu’il va être inscrit noir sur blanc dans le code du travail que "l’employeur poursuit un objectif d’amélioration de l’embauche et du maintien en activité des seniors". À l’index donc de mesurer ses efforts en la matière.

D’abord rejeté par les députés et critiqué par le patronat, le dispositif, tel qu’il a été rétabli et adopté, concernera finalement les entreprises de plus de 300 salariés (et non pas les plus de 50, comme un temps envisagé). Sa mise en œuvre se fera en deux temps : dès le 1er novembre 2023 pour les sociétés aux effectifs supérieurs à 1 000 personnes, puis à partir du 1er juillet 2024 pour les autres.

Les indicateurs retenus pour élaborer l’index seront "relatifs à l’emploi des seniors, en distinguant leur sexe, ainsi qu’aux actions mises en œuvre pour favoriser leur emploi au sein de l’entreprise". Un cadre pour le moins vague, et pour cause : les composantes de l’outil feront l’objet d’une concertation avec les partenaires sociaux, puis d’un décret. Mais les branches professionnelles auront aussi la possibilité de définir, et appliquer, leurs propres critères et méthodes de calcul.

Sur le fonctionnement, les entreprises évolueront en terrain un peu mieux connu depuis l’index de l’égalité professionnelle. Elles seront soumises à la même obligation de publication de leur note une fois par an, avec sanction financière en cas de manquement fixée à 1 % maximum de sa masse salariale. L’administration jugera ensuite, dans la durée, de l’évolution des indicateurs suivis. S’ils se dégradent trois années de suite, nouvelle contrainte : l’employeur devra "[engager] des négociations portant sur les mesures d’amélioration de l’emploi des seniors dans un délai de six mois. À défaut d’accord, [il] établit un plan d’action." Une exigence qui ne s’appliquera pas aux bons élèves.

L’emploi des salariés âgés, thème obligatoire du dialogue social

Dans le même ordre d’idée, le législateur rend obligatoire l’emploi des seniors comme item des négociations sur la gestion des emplois, menées tous les trois ans, dans les entreprises françaises de plus de 300 salariés. Le sujet était jusqu’à présent facultatif. Ces discussions devront "[prendre] en compte" les résultats de l’index seniors et "l’amélioration de leurs conditions de travail".

Un CDI de fin de carrière au périmètre restreint

C’est l’autre innovation de cette réforme des retraites, apparue au Sénat : une sorte de contrat dernière embauche, pour encourager les entreprises à recruter des salariés de plus de 60 ans. Son principal attrait pour l’employeur : une exonération de la cotisation d'allocations familiales pendant les douze premiers mois.

Pour le reste, ce CDI d’un nouveau genre pourra prendre fin, dès lors que la personne employée remplira les conditions pour partir à la retraite avec un taux plein. Mais les modalités exactes de cette rupture, ses contreparties financières ainsi que les activités concernées par le dispositif, devront être précisées par une convention ou un accord de branche étendu. Une chose est sûre : seuls les chômeurs de longue durée, inscrits à Pôle emploi, pourront être embauchés sous ce statut.

En définitive, le périmètre de cette mesure apparaît assez étroit, d’autant plus qu’il sera lancé "à titre expérimental" le 1er septembre 2023, pour trois ans, seulement si les partenaires sociaux ont échoué, auparavant, à s’accorder sur un accord national interprofessionnel (ANI) centré sur le retour à l’emploi de ce public en particulier.

Une mutualisation entre entreprises des risques à l’embauche

Plus certain que ce "CDI senior", mais restant à préciser, un principe de "mutualisation entre les entreprises des coûts liés aux maladies professionnelles, dont l’effet est différé dans le temps" est acté par la loi. Concrètement, il s’agit, là aussi, de faciliter l’embauche des seniors, en "[allégeant] le poids, pour le dernier employeur, de l’usure accumulée au cours de leur carrière par les salariés âgés", avait expliqué le sénateur René-Paul Savary, rapporteur du projet de loi.

Le coût des ruptures conventionnelles revu à la hausse

Surtout, pas de hausse des cotisations sociales pour financer les retraites ! Ce mantra du gouvernement souffre d’une exception dans la loi adoptée le 20 mars. Les prélèvements sur les indemnités de rupture conventionnelle vont en effet être rehaussés : une contribution patronale de 30 % leur sera appliquée à compter du 1er septembre, en lieu et place du forfait social de 20 % jusque-là en vigueur. En parallèle, les mises à la retraite à l’initiative de l’employeur seront soumises à la même imposition… ce qui revient à l’abaisser (de 50 % aujourd’hui à 30 % dès septembre). L’honneur est donc sauf pour le gouvernement. Avec cette harmonisation fiscale, il espère surtout décourager les employeurs d’user des ruptures conventionnelles quelques années avant l’âge de départ à la retraite de leurs salariés.

Le cumul emploi-retraite assoupli et élargi

Maintien dans l’emploi ou mise à la retraite ? Entre les deux, les employeurs et leurs salariés auront plus de choix pour construire les fins de carrière. La réforme autorise, en particulier, les travailleurs à continuer de cumuler des droits, en cas de retraite progressive (régime mêlant temps partiel et pension de retraite, remanié pour l’occasion) ou de reprise d’activité.

Des ressources supplémentaires contre la pénibilité

Autre grand volet de cette réforme controversée : la prise en compte de la pénibilité au travail, rebaptisée "usure professionnelle". Un "fonds d’investissement dans la prévention" du phénomène doit voir le jour. Il permettra, entre autres, de financer directement des entreprises, "en vue de soutenir leurs démarches de prévention des effets de l’exposition aux facteurs de risques [professionnels] […] et leurs actions de formation en faveur des salariés exposés".

Au niveau individuel, les détenteurs d’un compte professionnel de prévention pourront désormais l’utiliser pour les besoins d’un projet de reconversion professionnelle. Dans ce cadre, il pourra également demander à son employeur un congé spécifique pour suivre les formations nécessaires. Enfin, en matière de santé au travail, les personnes les plus exposées à des risques professionnels devront faire l’objet d’un "suivi individuel spécifique". À ce titre, ils bénéficieront d’une visite médicale spéciale, entre leur 60e et 61e anniversaire. À l’issue, il pourra "être reconnu inapte au travail". Mais, là encore, le public précisément concerné par cette disposition devra être précisé par décret, comme la liste des métiers et activités particulièrement exposés aux facteurs de risques professionnels devra être arrêtée par les branches sous un délai de deux mois. Même adoptée, la réforme des retraites n’a donc, décidément, pas fini de continuer à faire parler.

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