Patrick Strzoda : « Contrat de plan : la Bretagne aura plus que prévu »

Patrick Strzoda : « Contrat de plan : la Bretagne aura plus que prévu »

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Un an après la signature du Pacte d'avenir pour la Bretagne, qu'en est-il ? Le préfet répond et tire son bilan. Pour Le Journal des entreprises, le représentant de l'État revient aussi sur les sujets d'actualité : crise, agroalimentaire, Bonnets rouges, ferroviaire, aéroport...
— Photo : Le Journal des Entreprises

Q
uel bilan tirez-vous du Pacte d'avenir, lancé il y a tout juste un an, le 13 décembre ?
C'est un exercice qui a permis de sortir d'une crise. En terme de méthode, il a permis de remettre la société bretonne dans un bon fonctionnement institutionnel. Sur le fond, nous avons bien avancé sur les mesures d'urgence pour les territoires frappés par la crise. Nous avons eu des moyens supplémentaires pour certains bassins d'emploi, afin d'assurer le reclassement et la reconversion des salariés. Ce pacte a relancé une dynamique d'emploi, notamment sur le bassin de Morlaix. Cette action va être dupliquée sur d'autres territoires comme Lorient, Lamballe-Loudéac, Fougères-Vitré. Cela veut dire aussi mettre les partenaires sociaux dans la boucle. L'atout de la Bretagne, c'est un écosystème qui fait que les responsables savent travailler ensemble et se mettre d'accord pour gérer des crises. C'est la marque de fabrique de cette région.
Des mesures sont-elles prises pour aider les IAA à s'en sortir ?
Dans le Pacte d'avenir, il y a quatre soutiens apportés aux filières agroalimentaires. Des crédits sont prévus pour les aider à investir (subventions ou prêts de Bpifrance), à innover aussi. Le pacte prévoit d'organiser les filières à l'export et la formation des salariés. Tout cela a pour objectif d'éviter des situations comme Doux. Nous essayons d'anticiper ces mutations. L'agroalimentaire bénéficie aussi du CICE, du pacte de responsabilité : un allégement de charges de 185 M€ depuis un an. Des comités stratégiques de filières sont prévus. Ils fonctionnent déjà dans le laitier et devraient être mis en place dans la volaille, les légumes, les oeufs, mais ne fonctionnent pas dans le porc. Le plan agri-agro a bien avancé. Les dispositifs prévus sont opérationnels. Il y a des crédits pour la modernisation des bâtiments, le financement de l'innovation dans les IAA, le plan méthanisation...
L'État soutient-il assez la « filière algues » ?
Pour moi, s'il y a une région à la pointe, c'est la Bretagne ! Nous produisons 65.000 tonnes par an, avec 35 navires goémoniers. L'État soutient la filière par le programme Breizh Algues, qui essaie de la structurer. Nous nous appuyons sur les entreprises en mobilisant des crédits du FEANP (anciennement Feder). L'enveloppe 2007-2013 était de 25 M€ ; pour 2015-2020, elle se monte à 40 M€ (gérée par la Région). Une partie sera affectée à la structuration de la filière, qui monte en puissance.
Quid des autres secteurs ?
Plusieurs dispositifs sont prévus, dont certains existaient déjà. Des moyens supplémentaires sont arrivés. Il y aura des crédits de soutien à la compétitivité dans le domaine de la recherche, de l'enseignement supérieur. Pour les entreprises, cela passe par le programme des Investissements d'avenir (PIA), les appels à projets... Parmi les projets bretons labellisés PIA, on trouve Ireo (Lesneven) à hauteur d'1,3 M€, Bretagne Très haut débit avec 11,32 M€ d'option supplémentaire, l'équipement de bornes de recharges pour véhicules électriques sur les quatre départements à hauteur de 5,58 M€, des prêts de 5,29 M€ pour le démonstrateur Solenn en matière de réseaux électriques intelligents... Sur 2014, les prêts numériques (opérés par Bpifrance) ont atteint 15 M€ pour la Bretagne.
Et dans le cadre du contrat de plan État-Région ?
Les crédits d'aménagement du territoire sont hébergés dans le contrat de plan. La Bretagne aura plus que prévu. Nous avons négocié une enveloppe de 270 M€ au lieu de 250 M€. Idem pour l'enseignement supérieur : un projet d'enveloppe de 50 M€ devrait monter à 76 M€. Dans ces crédits d'aménagement, nous avons une enveloppe supplémentaire de 20 M€ pour 2015-2020. En 2014, les crédits prévus étaient de 320 M€ ; nous avons eu 301 M€ délégués et engagés, vers le logement, la culture... Certains étaient prévus dans le contrat de plan mais, avec la contrainte budgétaire, n'étaient pas sûrs. Le Pacte d'avenir nous les a assurés. Ce qui n'est pas le cas d'autres régions. Et nous avons eu des crédits supplémentaires, notamment pour le logement, la culture, l'université, soit 20 M€. Le delta restant des 320 M€ sera redéployé en 2015.
À propos de la réforme territoriale, la Bretagne ne change pas de périmètre mais les chefs d'entreprise attendent une clarification, qu'en est-il ?
C'est un vrai enjeu. Quel est le bon échelon de proximité ? En Bretagne, nous avons la chance d'avoir deux métropoles : Brest et Rennes qui vont, avec l'État et la Région, gérer les équipements et les politiques structurantes : mobilité, enseignement supérieur, aménagement... Dans le prochain contrat de plan, il y aura des contrats métropolitains pour ces politiques. Pour les chefs d'entreprise, cela peut clarifier le dialogue avec les institutions. Pour le développement économique, c'est la métropole qui sera l'interlocuteur au quotidien. L'autre échelon des intercommunalités va monter en puissance, autour d'une maille démographique de 20.000 habitants. Donc la carte va changer. Cela va permettre de faire des économies d'échelle. L'objet de la réforme c'est de favoriser des économies dans la gestion des services de proximité pour que les collectivités maintiennent leurs budgets d'investissement. Si on supprime les départements, les missions économiques seraient données à la Région ou à une métropole ; les missions de services sociaux et de proximité pourraient être transférées aux intercommunalités. Nous allons vers une organisation « à la carte ». Ce qui compte, c'est comment optimiser la gestion dans la proximité ? La réforme est plus fonctionnelle qu'organisationnelle. La circonscription administrative du département va rester l'échelon de droit commun, avec le préfet comme interlocuteur. Va être mise en place une organisation infra-départementale pour gérer des problématiques spécifiques aux territoires, via les sous-préfectures ou maisons de l'État. Un État dans une organisation dynamique pour être plus réactif aux phénomènes économiques. L'idée est de créer de véritables équipes qui puissent être projetées sur zone dans les situations de crise, car l'État ne peut pas avoir toutes les ressources sur tous les territoires. La déconcentration au profit des préfets va être renforcée. Il prendra plus de décisions, notamment dans le régalien.
Quand sera mis en place le choc de simplification ?
C'est un mouvement national qui a édité deux fois 50 mesures de simplification. La Bretagne est une région expérimentale. Nous avons des dispositifs de simplification qui fonctionnent comme l'autorisation unique (au lieu de cinq auparavant) donnée par le préfet pour l'éolien terrestre et les méthaniseurs. On passe de 12 à 5 mois d'instruction. Le certificat de projet fonctionne aussi : tout porteur qui veut faire un investissement relevant des installations classées ICPE (sauf l'élevage) peut le demander. Pendant 18 mois, la réglementation ne change plus pour lui. Cela garantit qu'aucun texte sur la fiscalité ou le juridique ne viendra modifier son projet. Les chefs d'entreprise ne le savent pas suffisamment ! Pour les créations d'élevages bovins ou porcins de 450 à 2.000 têtes, le dépôt vaut enregistrement désormais. On supprime les enquêtes publiques, et cela fait passer les délais de 50 à 12 mois.
Concernant la LGV et l'accessibilité dans l'Ouest, les promesses seront-elles tenues ?
Nous serons au rendez-vous de la LGV Ouest en 2017. On mettra 1 h 27 entre Paris et Rennes ; on passera à 3 h 15 pour Paris-Brest et même à 3 h 10 ensuite. Pour gagner ces cinq minutes, des travaux de réaménagement sont en cours entre Rennes et Brest. La LNOBPL, pour 2030, permettra de passer à 3 h... L'autre objectif est de rapprocher les métropoles de Rennes et Nantes, pour gagner environ 30 minutes (de 1 h 20 à 49 minutes) et desservir Notre-Dame des Landes plus rapidement, et enfin irriguer tout le territoire et désenclaver le centre Bretagne par ce réseau de lignes nouvelles. Le fil rouge de toutes ces opérations, c'est le Plan Bretagne Grande Vitesse. Cela s'accompagne de la modernisation de gares à Rennes, Redon, Auray...
Vous êtes affirmatif sur NDDL. Que dites-vous aux chefs d'entreprise qui attendent avec impatience cet aéroport ?
La détermination du gouvernement est intacte. Il reste à prendre des arrêtés de cessibilité pour chaque parcelle, et voir le montant des indemnisations pour chacun des 80 propriétaires. Le projet a été déclaré d'utilité publique, c'est la seule décision qui compte ! J'ai du mal à imaginer une façade atlantique qui n'ait pas un grand aéroport international. Quand vous regardez la carte de la France et de l'Europe, vous vous dites qu'il y a un grand trou en terme de desserte internationale. L'exemple de Lyon Saint-Exupéry bénéficie à l'ensemble de Rhône-Alpes, grâce notamment à du ferroviaire cadencé.
Vous avez été ferme sur les dernières manifestations de rue, craignez-vous le retour des Bonnets rouges ?
C'est un mouvement qui a réussi à fédérer les mécontentements dans un contexte de crise. Il a aussi bénéficié de l'attention bienveillante des médias. Mais aujourd'hui on parle plus des Bonnets rouges dans les tribunaux que dans les médias. Le projet politique n'est pas très lisible : je constate qu'il n'a pas convaincu beaucoup de monde dans les urnes. Nous restons en observation.
L'usine PSA de Rennes est mal en point, combien l'État lui a-t-il déjà versé ?
L'État est surtout intervenu pour soutenir l'activité : 28 M€ pour 2012-2013 et le premier semestre 2014 (30 mois) ont été versés. Ce maintien d'activité a joué positivement puisque Peugeot a décidé d'attribuer la construction de la « P87 » ici. La deuxième aide, c'est une politique de réindustrialisation du site. De nouvelles activités sont implantées avec le soutien du fonds de revitalisation. Il mutualise les contributions des entreprises pour soutenir des implantations dans tout le département ; la caisse compte actuellement environ 4 M€. Nous avons utilisé beaucoup de crédits sur La Janais en soutenant l'unité de reconditionnement de rames TGV (1,8 M€), B3 Eco Design (200.000 €) et trois autres projets sont en cours. C'est long, mais il y a une dynamique. Nous allons avoir deux années difficiles dans un marché européen très contracté, et loin de Sochaux...
Un message aux chefs d'entreprise ?
Il faut garder confiance. Je pars du principe que lorsqu'on est chef d'entreprise, c'est qu'on a confiance ! Nous ferons tout pour qu'ils gardent confiance et ne pas trop leur compliquer la vie.