PAT : Les plantes à traire séduisent le géant allemand de la chimie BASF
# Biotech

PAT : Les plantes à traire séduisent le géant allemand de la chimie BASF

S'abonner
La jeune biotech lorraine PAT tisse des liens étroits avec BASF. Au travers d’une convention, les deux entreprises vont travailler sur des molécules issues du végétal.
— Photo : Le Journal des Entreprises

« Laissez-moi vous dire que je suis absolument enthousiaste. Ce que j’ai vu ici me fait penser que nous allons explorer de nouvelles voies. » Après sa visite des serres de PAT, installées à Laronxe, à proximité de Lunéville, le président Europe de la division Agro de BASF, Vincent Gros, avait des étoiles plein les yeux. « Et pourtant, je faisais partie des septiques… ». Le 28mai, c’est tout ce que compte le groupe chimique allemand comme responsables sur le sol français qui a investi les 2,5ha de serres du spécialiste lorrain de l’identification de biomolécules extraites de racines de plantes. Reconnu comme le leader mondial de la chimie, BASF réalise 74 Md€ de chiffre d’affaires dans le monde et emploie 113.000 personnes. En France, le géant allemand pèse 2 Md€ de CA et emploie 3.000 personnes, dont environ 250 à Pulnoy, en banlieue de Nancy, au sein de BASF Beauty Care Solutions France, un site mixant production et recherche. « Nous avons investi 11M€ depuis 2008 sur notre site lorrain », précise Xavier Susterac, le président de BASF France. « Et les effectifs ont augmenté de 30 % depuis 2012. Concrètement, notre volonté est d’en faire plus sur les marchés de la cosmétique et de l’agriculture ».
Qu’est-ce qui a poussé le géant mondial de la chimie à s’intéresser à une jeune biotech lorraine ? Concrètement, PAT, avec ses 40 salariés et son million de chiffre d’affaires, est aujourd’hui la seule entreprise au monde à maîtriser une technique de production baptisée « Plantes à traire », qui permet de produire des biomolécules sans détruire les plantes. « Nous sommes des paysans », s’amuse Jean-Paul Fèvre, le P-dg de PAT. « Et comme des paysans, nous cherchons à obtenir le meilleur chiffre d’affaires à l’hectare, en produisant des molécules à plus forte valeur ajoutée, mais aussi à très forte activité ».

Rendements supérieurs

Dans les 2,5ha de serres de Laronxe, PAT a un catalogue de 600 à 700 espèces capables de produire des molécules. « On l’oublie trop souvent, mais un tiers de produits pharmaceutiques actuels contiennent des actifs d’origines végétales », souligne Frédéric Bourgaud, vice-président en charge de la recherche chez PAT. « Principale différence avec nos concurrents, nous ne détruisons pas les plantes pour obtenir les molécules. » Un avantage qui en cache un autre : les techniques développées par PAT permettent aux plantes d’atteindre des rendements très supérieurs à ceux obtenus avec les techniques classiques. Par exemple, dans le cas de l’actif anti-âge que produit PAT pour Chanel depuis 2012, le rendement attendu serait d’environ 1 pour 1.000. « Nous allons jusqu’à 5 voire 10 % », indique Jean-Paul Fèvre. Conséquence : 1.000m2 de serres chez PAT, c’est 300 à 500ha de culture ailleurs. Cultivées en aéroponie, c’est-à-dire hors-sol, avec les racines apparentes, les plantes sont nourries par des brouillards contenant des solutions nutritives mais aussi des substances permettant de stimuler les défenses naturelles de la plante pour amplifier la production des biomolécules. Tous les mois, les plantes sont plongées dans un bain contenant des solvants, afin de les traire : au bout d’une demi-heure, les molécules sont passées dans le solvant, et les extraits obtenus sont, une fois concentrés, d’une très grande pureté.
Dans ce procédé, tout intéresse BASF : comprendre et analyser les réactions de la plante en situation de stress permettra au groupe de produire des « bio-pesticides ». Et comme le rappelait Vincent Gros, chez BASF, les « fongicides pèsent la moitié du chiffre d’affaires ». Autre domaine, la cosmétique, marché de 25 Md€ sur lequel tous les acteurs cherchent à verdir leur image.

Des serres à la Réunion

Pour l’instant, les deux entreprises n’ont aucun lien capitalistique : le rapprochement a commencé par la signature d’une convention, dans le cadre d’un projet financé par la région Lorraine baptisé Bioprolor, pour Bioactifs produits en Lorraine. Le programme fédère déjà 13 entreprises et laboratoires lorrains : BASF va y trouver un terrain de jeu neutre avec PAT, qui va permettre de faire de la « co-création », comme l’a indiqué Xavier Susterac. Les équipes de PAT, qui apprécient visiblement de se faire courtiser, continuent les développements programmés : après l’introduction réussie sur Alternext, l’entreprise a levé 6,9M¤ et voit sa capitalisation portée à 26M€. « Nous avons un projet important sur l’île de la Réunion », détaille Jean-Paul Fèvre. En dupliquant la plateforme déjà existante à Laronxe, pour un investissement d’un million d’euros, PAT va doubler ses capacités de production : « Le climat va nous être favorable. Là où nos cultures marchent 8 mois sur 12 en Lorraine, elles vont fonctionner 12 mois sur 12 à La Réunion ». Fin 2015, l’entreprise compte dévoiler d’autres résultats, sur une technologie encore plus avancée : PAT Friday, qui vise à faire produire des molécules thérapeutiques par des plantes carnivores génétiquement modifiées. Des molécules dont le tarif Sécu peut aller jusqu’à plusieurs millions d’euros le gramme.

PAT (Vandœuvre-lès-Nancy - 54) : dirigeant : Jean-Paul Fèvre ; effectif : 40 ; CA : 1M€.

# Biotech