L’hydrogène vert devient un des piliers de la transition énergétique
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L’hydrogène vert devient un des piliers de la transition énergétique

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C’est l’un des secteurs gagnants du plan de relance dévoilé par le gouvernement. L’hydrogène sera soutenu à hauteur de plus de sept milliards d’euros sur dix ans. L’hydrogène « vert », produit à partir d’électricité éolienne ou solaire, permettrait de décarboner les secteurs du transport et de l’industrie, mais aussi de stocker de l’énergie renouvelable.

— Photo : ©AA+W - stock.adobe.com

L’hydrogène a le vent en poupe. Dans un rapport publié en juin 2019, l’Agence Internationale de l’Énergie (AIE) reconnaît clairement le rôle de ce gaz comme un des piliers indispensables de la transition énergétique au niveau mondial, notamment pour décarboner les secteurs les plus difficiles comme l’industrie et les transports.

Le 8 septembre 2020, le gouvernement français a dévoilé sa stratégie nationale pour le développement de l’hydrogène en France : 7 milliards d’euros seront ainsi investis d’ici 2030, dont 2 milliards d’euros d’ici à 2022. C’est bien plus que le plan Hulot de juin 2018 qui prévoyait une enveloppe de 100 millions d’euros. « La France met les moyens pour développer une nouvelle filière industrielle. Elle souhaite créer un géant dans l’hydrogène, et s’apprête à mettre à disposition une enveloppe qui permettra d’investir sur la formation, la qualification des métiers et la reconversion professionnelle. En contrepartie, le gouvernement veut que les entreprises créent entre 50 000 et 150 000 emplois directs et indirects », explique Michael Repiso, consultant énergie au sein du cabinet Colombus Consulting.

De l’hydrogène oui, mais décarboné

L’Union européenne estime que la part de l’hydrogène renouvelable pourrait constituer 14 % de la consommation énergétique d’ici 2050, contre un peu moins de 2 % aujourd’hui. Si cette ressource semble être un levier essentiel de la transition énergétique, encore faut-il se donner les moyens de la décarboner. Car l’hydrogène actuellement utilisé par l’industrie n’est pas franchement vert.

« Il s’agit de l’élément chimique le plus abondant sur terre. C’est une technique très ancienne. On a exploité l’hydrogène pour les premières fusées il y a une cinquantaine d’années, détaille Michael Repiso. Il est aujourd’hui utilisé pour des procédés industriels. Les grosses usines consomment ce gaz pour faire tourner leurs machines. Reste que l’hydrogène est produit à 95 % à partir d’énergie fossile, hydrogène dit gris, ce qui est problématique. »

À horizon 2050, l’objectif du gouvernement est d’atteindre la neutralité carbone et de transformer tous les usages liés au gaz ou au pétrole en énergie dite verte. Comment y parvenir ? « En incitant tous les industriels et les constructeurs automobiles, comme le font déjà Hyundai et Toyota, à investir sur l’hydrogène », poursuit Michael Repiso.

L’enjeu majeur pour la transition énergétique est donc d’augmenter la part de l’hydrogène décarboné, et d’arriver à produire massivement de l’hydrogène vert à partir d’énergies renouvelables (EnR). L’électricité produite par des éoliennes ou des panneaux solaires serait ainsi transformée, à partir de l’eau, par un processus d’électrolyse. « Le gros intérêt de l’électrolyse est qu’on transforme l’énergie électrique qui vient du solaire et de l’éolien, difficile à stocker aujourd’hui en grande quantité, en un vecteur énergétique stable. L’hydrogène apparaît donc comme la principale hypothèse de stockage massif d’une électricité qui devrait être très bon marché à certains moments de l’année », explique Patrick Criqui, directeur de recherche du CNRS au Laboratoire d’économie appliquée de Grenoble.

Développer les mobilités propres

Certains experts imaginent ainsi que ce gaz pourrait prendre une place importante dans la mobilité, venant alimenter les voitures de demain, et serait utilisé comme carburant pour le transport aérien et maritime ou les poids lourds. Il présente l’avantage de ne rejeter que de l’eau, ce qui permet d’éliminer les émissions de particules, de soufre, d’oxyde d’azote et de contribuer à l’amélioration de la qualité de l’air. La SNCF s’est engagée à déployer ses trains – les TER notamment – sous hydrogène d’ici 2035. La Ville de Pau dans les Pyrénées-Atlantiques a déjà lancé en 2019 son Fébus, un bus à hydrogène qui puise son énergie dans une pile à combustible. Cet exemple reste toutefois marginal. « La technologie de mobilité est aujourd’hui peu développée car elle reste coûteuse, deux à trois fois plus chère qu’un véhicule au diesel », constate Michael Repiso.

Rendre l'hydrogène vert plus abordable

Pour gagner le pari de l’hydrogène, il faudra sans aucun doute réussir à produire un hydrogène vert bon marché. Selon l’AIE, l’hydrogène gris (sale) coûte aujourd’hui 1 à 1,7 dollar le kilo à produire, le vert, de 2 à 5 dollars, en fonction du prix de l’électricité renouvelable, mais ce tarif pourrait diminuer sur du long terme, à l’image des spectaculaires baisses de coûts qu’ont connues dans la dernière décennie les EnR solaires et éoliennes.L’Union européenne estime que la part de l’hydrogène renouvelable pourrait constituer 14 % de la consommation énergétique d’ici 2050, contre un peu moins de 2 % aujourd’hui.

Un enjeu européen

Si la France a dévoilé ses ambitions nationales, la vision européenne semble également se construire. La Commission européenne a publié le 8 juillet 2020 sa stratégie, qui vise à installer 40 gigawatts d’électrolyseurs et produire jusqu’à dix millions de tonnes d’hydrogène renouvelable dans l’Union européenne. Ce dernier peut soutenir la décarbonation dans les secteurs de l’industrie, des transports, de la production d’électricité et de la construction dans toute l’Europe. Pour y parvenir, la Commission européenne a créé la Clean Hydrogen Alliance, association comprenant actuellement 200 entreprises, industries et États membres, qui permettra d’organiser et de coordonner les travaux collectifs des différents gouvernements et des industriels sur cette thématique, et de constituer une réserve de projets d’investissement destinés à accroître la production.

Plusieurs gouvernements ont déjà exposé leur stratégie sur l’hydrogène, comme le Portugal ou l’Allemagne, qui entend jouer un rôle pionnier en présentant un plan de 9 milliards d’euros. « La vision allemande est différente de celle de la France, qui ne mise que sur de l’hydrogène vert à partir d’électricité renouvelable. L’Allemagne ne s’interdit pas de produire également de l’hydrogène bleu à partir d’énergie fossile. Le CO2 dégagé est alors capturé afin de ne pas le rejeter dans l’atmosphère », commente Michael Repiso.

# Production et distribution d'énergie # Investissement # Politique économique