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"Le comité consultatif est un modèle de gouvernance soft pour les dirigeants d'ETI et PME"
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Alain Tanugi fondateur du Collège du Président "Le comité consultatif est un modèle de gouvernance soft pour les dirigeants d'ETI et PME"

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Ancien président fondateur de Transearch International, spécialisé dans le recrutement des cadres, Alain Tanugi a créé, en 2018, Le Collège du Président. L’entreprise propose aux dirigeants de PME, ETI et start-up de les accompagner dans leur gouvernance en les aidant à constituer et à animer un comité consultatif, composé de personnalités choisies pour leurs expériences et leurs compétences, avec l’ambition de favoriser leur croissance.

Alain Tanugi, Fondateur du Collège du Président — Photo : Alain Tanugi

Pourquoi avoir créé une nouvelle offre pour accompagner les chefs d’entreprise dans leur gouvernance ?

Les concepts généraux de la gouvernance ont beaucoup évolué ces dernières années, mais ils s’adressent principalement aux grandes entreprises et entreprises cotées. L’expérience montre que la bonne administration des sociétés est différente selon qu’il s’agit d’une grande entreprise ou d’une ETI - PME. Ces dernières n’ont pas besoin de principes de gouvernance classiques, souvent lourds à mettre en œuvre. Or, 80 % des PME et ETI sont des SAS. À l’inverse des SA, la gouvernance des SAS n’est pas définie par la loi et, par défaut, seul le président est mandataire social. Le président, souvent actionnaire ou représentant d’un petit groupe d’actionnaires familiaux, dispose de pouvoirs étendus avec, pour corollaire, d’être très seul dans la prise de décision. Il lui est possible de s’entourer d’un comité de surveillance ou comité consultatif, mais ces institutions ne sont pas inhérentes au statut de SAS. J’ai donc voulu imaginer un modèle de gouvernance "soft", facile à mettre en place, pour rompre la solitude du dirigeant et lui permettre d’éclairer ses décisions, sans pour autant perdre son pouvoir décisionnel.

Pour ce faire, vous vous êtes inspiré du "Beirat" allemand ?

Oui, j’ai imaginé un comité consultatif, que j’appelle "advisory board", conçu à l’image du " Beirat " allemand, reconnu comme l’un des facteurs clés du succès des entreprises du Mittelstand, ces entreprises de taille intermédiaire qui constituent l’épine dorsale de l’économie allemande. Comme le "Beirat", le comité consultatif n’est pas obligatoire ; il n’a pas de pouvoir décisionnel. Il est généralement constitué de trois membres, choisis pour leur personnalité, leurs compétences et leurs expériences, dont un facilitateur qui organise et anime les débats. En effet, le chef d’entreprise ne doit pas jouer le rôle d’animateur de ce comité. Il est le sujet de la réunion, pas son objet. Il est là pour absorber les informations, interpréter ce qu’il entend, exprimer son ressenti.

Le souci de confidentialité et la crainte de perdre le pouvoir sont souvent cités comme des freins à la création de telles instances. Qu’en pensez-vous ?

Ces freins sont bien réels, mais ne sont pas justifiés. Nos "advisors" signent un accord de confidentialité pour préserver le secret des discussions et j’invite tous les dirigeants se dotant de telles instances à faire de même. Quant au risque de perte de contrôle, il est inexistant. Les "advisors" sont là pour dire tout ce qu’ils pensent avec bienveillance, courtoisie, dans un esprit constructif, mais la décision finale ne leur appartient pas. Le dirigeant reste libre de ne pas suivre leurs avis. Ils ne codécident pas.

Quels profils conseilleriez-vous à un dirigeant qui souhaiterait se doter d’un comité consultatif ?

Ni parents, ni amis ! Il est essentiel que les membres de ces comités aient une totale indépendance et une vision objective de l’entreprise et de son dirigeant. La complémentarité des profils est également importante : elle doit permettre au chef d’entreprise de se reposer sur un faisceau d’avis le plus large possible pour étayer ses décisions. En ce qui nous concerne, le Collège du Président s’appuie sur une communauté de plus de 300 experts de haut niveau, soigneusement sélectionnés.

Les membres d’un tel comité consultatif jouent-ils finalement le rôle de consultants ?

Non, ils ne jouent pas le rôle de prestataires de services, dont l’activité impliquerait le risque qu’ils cherchent à vous vendre toujours plus de temps. Nos "advisors" sont indemnisés de manière très raisonnable et vu la raison d’être du Collège du Président, ils s’apparentent plutôt à des mentors souhaitant faire bénéficier les dirigeants qu’ils accompagnent de leurs conseils et de leur expérience pour favoriser la réussite de leur entreprise.

Un comité consultatif stratégique ne fait-il pas double emploi avec le Conseil d’administration ?

Non plus, chacun a son rôle. Les administrateurs, même indépendants, ont une responsabilité fiduciaire qui les lie aux actionnaires et ils participent à la prise des décisions. Cela n’est pas la vocation des membres d’un comité consultatif, tel que nous l’envisageons : exonérés de tout vote et de toute responsabilité fiduciaire, ils peuvent exprimer leurs opinions en totale liberté. De plus, le Conseil d’administration entre dans certains détails, souvent formels, dont le comité consultatif ne s’occupe pas.

À quel moment de la vie de l’entreprise est-il judicieux de mettre en place un comité consultatif ?

Je dirais à toutes les étapes de la vie d’une entreprise et, plus particulièrement, au moment de sa création ou de sa reprise. Un comité consultatif est très utile pour un dirigeant qui vient de racheter une entreprise et qui veut réussir sa prise en main, qu’il s’agisse d’un projet de développement ou de retournement. Plus généralement, ce soutien est précieux à tous les moments structurants de la vie d’une entreprise : une croissance externe, un développement à l’international, l’ouverture du capital, le choix d’une stratégie de marché, l’arrivée ou le départ d’un associé et, bien sûr, la transmission. L’un des problèmes majeurs des dirigeants de PME est qu’ils sont au four et au moulin : la plupart des décisions remontent jusqu’à eux. Ils ont donc la tête dans le guidon et manquent de recul et de points de comparaison pour prendre des décisions très engageantes pour l’avenir de leur société. Le comité consultatif est taillé sur mesure pour inspirer et challenger le chef d’entreprise à ces moments critiques.

Quels bénéfices le chef d’entreprise retire-t-il d’une telle instance de gouvernance ?

Sur un plan personnel, elle contribue à réduire le sentiment d’isolement du chef d’entreprise face aux décisions à prendre, elle l’aide à prendre du recul et à prendre conscience de son style de management. Être confronté à des pairs permet également au chef d’entreprise d’évaluer la justesse de ses intuitions, de faire les bons choix tant stratégiques qu’opérationnels, de mieux anticiper les évolutions technologiques et concurrentielles sur son marché, d’oser aller sur de nouveaux marchés grâce à la confiance de se savoir accompagné. Enfin, c’est l’opportunité pour le chef d’entreprise de développer son réseau en accédant aux carnets d’adresses des membres de son comité consultatif.

Quel retour sur investissement pour l’entreprise ?

Dans le domaine des ressources humaines, la mise en place d’un comité consultatif peut être l’occasion de renforcer l’équipe de direction, de structurer l’équipe managériale ou de l’enrichir par le recrutement de nouvelles compétences. L’apport d’un regard extérieur peut servir à prévenir des conflits sociaux, à identifier des risques non perçus et à les traiter. Ce mode de gouvernance informelle contribue ainsi à faire grandir l’entreprise, à améliorer sa performance, à l’aider à se transformer dans un monde qui change toujours plus vite, à sécuriser son développement et à la pérenniser dans la durée. Tous ces éléments participent également à l’optimisation de la valeur de l’entreprise. Nous sommes une "entreprise à raison d’être" qui deviendra probablement, une "entreprise à mission". Notre ambition est de nous tenir au service de l’économie française en contribuant à la croissance de ses scale-up, PME et ETI.

Quel budget faut-il prévoir pour recourir aux services du Collège du Président ?

Nos prestations comprennent une première phase préparatoire au cours de laquelle nous analysons la personnalité du dirigeant, ainsi que la problématique de l’entreprise : sa maturité, ce qu’elle a déjà fait, ce qu’elle peut faire, où elle veut aller, sa vision… Nous facturons cette première étape 3 500 euros. Ensuite, en fonction de cet audit, nous sélectionnons une dizaine d’experts parmi lesquels le chef d’entreprise choisit les trois profils qui lui paraissent le mieux convenir et qui constitueront le comité consultatif stratégique. Celui-ci se réunit quatre à six fois dans l’année pour des réunions, en présentiel ou à distance, d’environ trois heures chacune. Cette phase de croisière coûte aux alentours de 15 000 euros. Le montant peut varier de 12 000 à 16 000 euros en fonction de la tarification des "advisors", de la taille de l’entreprise et de sa problématique. Nous avons également développé à l’attention des start-up un programme spécifique qui revient à 5 000 euros, auxquels s'ajoutent des bons de souscription d'actions (BSA) pour les trois conseillers qui sont intervenus auprès de la start-up. Depuis janvier 2020, nous avons constitué 32 "advisory boards", dans des secteurs très divers. Ce qui nous a surpris, c’est la part des entreprises intervenant dans le domaine du logiciel et de l’intelligence artificielle : elle s’élève à 40 % et progresse.

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