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L'apprentissage confirme son envolée en 2020 malgré le Covid
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L'apprentissage confirme son envolée en 2020 malgré le Covid

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Avec plus de 420 000 contrats d'apprentissage signés en 2020, la réforme de la formation professionnelle de 2018 et les mesures du plan de relance gouvernemental pour l'emploi des jeunes à l'été 2020 ont produit leurs effets positifs l'an passé dans un contexte économique de crise.

N'importe quelle entreprise ou branche professionnelle peut aujourd'hui décider d'implanter un CFA où bon lui semble — Photo : Industrieblick

" Record pulvérisé ! ", s'est réjouie la ministre du Travail, Élisabeth Borne, en annonçant les chiffres de l'apprentissage. En 2020, selon le ministère du Travail, 495 000 contrats d'apprentissage ont été signés en France. Malgré l'épidémie de Covid, les chiffres affichent une hausse de 40 %, après un millésime 2019 déjà exceptionnel. L'exécutif se félicite de ces bons résultats et y voit les effets de la réforme du système de la formation professionnelle entrée en vigueur progressivement depuis janvier 2019.

Cette envolée de l'apprentissage s'explique également par le plan de relance gouvernemental annoncé à l'été et qui prévoit notamment le versement d'une prime aux employeurs. S'élevant à 5 000 euros pour le recrutement d'un apprenti mineur et à 8 000 euros pour un majeur, ces primes "ont joué un rôle déterminant pour permettre aux TPE-PME de maintenir leur poids prépondérant dans l'apprentissage, puisqu'elles représentent plus des trois quarts des contrats signés ", indique le ministère du Travail.

Libéralisation du marché

Issue de la loi " Pour la liberté de choisir son avenir professionnel " de septembre 2018, la réforme a effectivement transformé en profondeur le paysage de l'apprentissage. En matière de gouvernance, mais aussi de financement puisque le marché a été totalement libéralisé. Alors qu'auparavant les Régions régulaient l'ouverture des centres de formation des apprentis (CFA), n'importe quelle entreprise ou branche professionnelle peut aujourd'hui décider d'en implanter un où bon lui semble. En 2019, plus de 200 CFA ont ainsi été créés sur tout le territoire par des entreprises comme Accor, Adecco, Sodexo, Safran et des fédérations, toutes désireuses de former des jeunes à leurs métiers et à leur savoir-faire.

En lieu et place des subventions auparavant délivrées par les Régions, les CFA sont désormais financés en fonction du nombre de contrats signés. Il revient dès lors aux branches de déterminer le fameux " coût-contrat " de chaque diplôme ou titre professionnel. Enfin, pour veiller à la bonne exécution de cette réorganisation globale, l'État a créé France Compétences, un organisme national chargé de répartir les fonds mutualisés aux différents acteurs de l'apprentissage (opérateurs de compétences, Caisse des dépôts, Commissions interprofessionnelles…) et de réguler la qualité de la formation.

Difficile équilibre financier

D'une ampleur inédite, la réforme semble tenir ses promesses. " Le rebond est visible, le dynamisme de l'apprentissage continue. Mais il est trop tôt pour avoir une vision d'ensemble et faire un bilan ", nuance toutefois l'association Régions de France. D'abord parce que la crise est passée par là et a potentiellement gonflé les résultats. Grâce à la prime à l'embauche mise en place par l'État l'été dernier, le coût de recrutement d'un apprenti est devenu quasiment nul. Les entreprises ont profité de l'effet d'aubaine et ont joué le jeu en recrutant des apprentis. Mais que se passera-t-il lorsque les aides cesseront s'inquiètent les élus régionaux ?

L'autre enjeu, global celui-là, sera de s'assurer que France Compétences, pivot du système, dispose d'assez de ressources pour financer la réforme. Selon un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas), la nouvelle instance peine à trouver un équilibre financier. Malgré le recours à l'emprunt et les aides du Plan de relance, les difficultés, liées notamment à la reprise par France Compétences du financement des contrats d'apprentissage jusque-là pris en charge par les Régions, persistent. Le gouvernement entend bien rectifier le tir en assignant à chaque branche un objectif de réduction du " coût-contrat " en 2022. Mais cette diminution budgétaire de plusieurs centaines de millions d'euros risque de pénaliser à terme les CFA, et donc in fine le recrutement d'apprentis.

Les CFA en hausse d'effectifs

Selon une étude publiée par France Compétences le 18 décembre 2020 (sur la base d'une enquête réalisée en octobre 2020 auprès de 600 CFA), 81 % des CFA voient d'un bon œil le nouveau mode de financement du " coût-contrat " instauré par la réforme. Ils estiment bénéficier d'une meilleure prévisibilité de leurs recettes, d'une harmonisation des financements entre CFA et d'une augmentation de leurs ressources. Dans le détail, 46 % déclarent être à l'équilibre financier et 22 % en excédent budgétaire contre 19 % en déficit. En 2020, trois quarts d'entre eux ont augmenté leurs effectifs d'apprentis, en moyenne de 11 %, en dépit de la crise économique. Cette hausse, plus forte chez les CFA relevant de l'enseignement supérieur, est attribuée à la fois aux nouvelles dispositions de la loi Avenir professionnel et au plan de relance de l'apprentissage lancé à l'été 2020.

Malgré ces statistiques encourageantes, 95 % des CFA interrogés reconnaissent toutefois rencontrer des difficultés : gestion administrative complexe des contrats, temps plus long entre facturation et encaissement des contributions OPCO (opérateurs de compétences), difficile définition des frais annexes, fixation d'un coût-contrat trop faible par rapport à la structure des charges… " Ces éléments invitent à créer une nouvelle relation entre les OPCO et les CFA ", conclut France Compétences. L'organisme prévoit d'approfondir ces résultats cette année à l'occasion d'une seconde phase d'enquête qui analysera les différentes clés de compréhension des modèles économiques des CFA.

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