Avec la Coupe du Monde de football, les regards de milliards de téléspectateurs se sont tournés vers la Russie. Au niveau économique, après avoir subi une récession depuis 2014 et vu une baisse de près d'un tiers de ses échanges internationaux, la Russie semble renouer avec une légère croissance. Même si elle est encore très dépendante des cours du pétrole et du gaz, son économie pointe au treizième rang mondial. Forte de ses 146 millions d’habitants, elle propose, aux portes de l’Europe, le sixième plus grand marché domestique au monde.
Si l'alphabet y est différent, le droit des entreprises ou encore le droit du travail sont assez proches de ceux pratiqués en Europe, comme l'indique Yannick Tranchier de la Maison des Entrepreneurs français, à Moscou. Enfin, malgré les tensions politiques récentes, les relations commerciales restent fructueuses. Du fait du fort développement de secteurs-clés, tels que l’agroalimentaire, l’innovation numérique, l’urbanisme ou encore la grande distribution, de nombreux investisseurs regardent aujourd’hui vers l’Est.
Dans le sillage de grands groupes
Les groupes français tels qu'Auchan, Leroy Merlin ou encore Decathlon, ou plus anciennement Total ou Danone, s'y sont déjà lancés avec succès et ont emmené dans leur sillage des PME françaises, dont certaines ont même pris pied en Russie.
C'est le cas de l'entreprise bretonne Énergie Transfert Thermique (ETT), spécialiste de la pompe à chaleur et des systèmes de climatisation pour les grands bâtiments (210 salariés, 46 M€ de CA en 2017). Son PDG, Yves Millot, témoigne de cette aventure qui ne fait que commencer : « Pour s'intéresser à la Russie, il fallait d'abord se convaincre qu'il y avait un marché pour nous là-bas. Après une étude sur place, nous avons vu qu'il y avait un fort développement des industries de services et de loisirs. Un autre aspect qui nous est apparu par la suite est le secteur du pétrole et du gaz, où nous venons d'opérer pour Total sur le chantier de Yamal en Sibérie. Nous avons donc trouvé un double intérêt en Russie et y avons créé une filiale en il y a deux ans ».
Avant cette expérience, la part de l’activité d’ETT à l’export était de 8 % en 2014. Depuis, elle avoisine les 20 % et porte une part non négligeable de la croissance de l’entreprise.
Viser le long terme
Arrivé dans le sillage de grands groupes déjà bien implantés et habitués aux chocs thermiques, Yves Millot a quand même dû préparer son projet : « On ne s’improvise pas à l'export, il faut d'abord acquérir une culture. Même si c'est notre cas depuis longtemps, nous sommes allés voir des conseillers de la CCI de Brest et consulté un cercle d'experts et des entreprises implantées sur place, pour obtenir un retour réaliste. »
« La qualité du contact est très importante en Russie, les relations sont envisagées sur le long terme. »
Trouver une offre de financement, une assurance, s’informer sur le taux de change, la logistique, les droits de douane, les lourdeurs administratives : tout ce parcours est heureusement bien fléché aujourd’hui, notamment par Business France, qui compte un bureau à l’ambassade de Moscou, ou encore Bpifrance, qui vient d’ailleurs de faire évoluer son assurance prospection à destination des PME et organise des appels à projets afin d’inciter la coopération entre PME des deux bords.
Passé cette approche, le PDG d’ETT est ensuite allé sur place pour nouer des liens : « La qualité du contact est très importante en Russie, les relations sont envisagées sur le long terme. Cela nous a plu, car nous proposons des produits premium, durables, qui incitent à ce genre de relation. Ce côté made in France et fiable est d'ailleurs un atout. Les Russes que j’ai rencontrés sont assez francophiles. Mais parfois le fossé entre l’idée qu'ils se font des héritiers de Voltaire et la réalité est grand ! »
Apporter de la valeur ajoutée sur place
Yves Millot conseille aussi d’œuvrer main dans la main avec des partenaires locaux. « C’est une spécificité locale à prendre en compte, le pouvoir a voulu russifier l'ensemble de ses équipements, en obligeant à faire travailler les Russes, lors des appels d'offres, et en exigeant de produire de la valeur ajoutée sur place ».
De quoi pousser l’entrepreneur à réfléchir à une éventuelle intégration plus forte sur place, comme la construction d’une usine, pour répondre aux attentes et à la culture business du pays. « C’est une réflexion que nous menons. Mais pour l’heure, nous nous appuyons sur notre filiale, qui nous évite d’avoir à contourner d’éventuels embargos. De plus, avoir une équipe sur place qui connaît très bien les rouages, cela change tout ».
Conquis par la Russie et son potentiel, Yves Millot annonce même commencer à regarder vers les pays limitrophes, « là encore des pays offrant de belles opportunités de croissance ».