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« J’ai tenté un coup de poker pour sauver ma PME »
Témoignage Loire # Distribution

« J’ai tenté un coup de poker pour sauver ma PME »

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Pascal Tardy a à la fois fait face à la perte de son premier client, à une parité euro dollar défavorable et à une réglementation qui interdit son produit phare. Malgré de forts vents contraires, le dirigeant de Sicam a réussi à remettre à flot sa PME.

— Photo : Gilles Cayuela – Le Journal des Entreprises

« J’ai repris la société Sicam en 2009, une PME de la Loire spécialisée dans la commercialisation de climatisations pour le bâtiment modulaire. L’une des spécificités de Sicam, c’est d’avoir sa propre marque Windo. Une marque que l’on fait produire en Asie par deux partenaires industriels qui gèrent la production, le contrôle et me permettent d’importer mes conteneurs en direct pour stocker ensuite et distribuer sur tout le territoire national et même dans quelques pays limitrophes. Ce schéma atypique nécessite une organisation financière particulière avec des fonds propres qui soient à la hauteur des besoins de l’entreprise. Ils étaient importants à mon arrivée et je les ai développés au fil de mes huit années à la tête de l’entreprise. C’est d’ailleurs ce qui nous sauvé quand les difficultés sont arrivées !

Le chiffre d’affaires s’effondre de 40 %

Et les difficultés se sont accumulées. Il y a quatre ans, nous avons perdu Algeco, un client qui pesait 40% de notre chiffre d’affaires. Dans la foulée, nous avons été victimes de deux événements majeurs. Le premier, c’est la chute de l’euro. A l’époque, un dollar valait environ 1,50 euros. Mais soudainement, l’euro s’est écroulé de près de 30%.

Le second événement a été une nouvelle réglementation européenne qui, au 1er janvier 2014, a tout bonnement bloqué notre produit phare, une climatisation, aux frontières de l’Union Européenne. Ce produit, qui représentait les trois quarts de notre chiffre d’affaires, ne pouvait plus passer les frontières européennes car nos savants technocrates écologistes européens avaient décidé d’imposer un niveau de performance énergétique surréaliste.

Un pari risqué pour gagner du temps

Fin 2013, soit juste avant que la réglementation européenne entre en vigueur, j’ai donc fait un pari, celui de faire entrer en France sept conteneurs de ma climatisation. Des produits que je pouvais vendre ensuite en toute légalité. Pour une PME comme Sicam, il s’agit d’un sacré coup de poker car je me suis retrouvé avec un stock de plus d’un million d’euros sur les bras. Soit six mois de chiffre d’affaires. Pour moi, l’idée était de gagner du temps pour trouver une solution, en l’occurrence, de convaincre mon partenaire industriel de fabriquer un nouveau produit compatible avec la nouvelle norme européenne. Sans de solides fonds propres, je n’aurai jamais pu mener à bien cette opération, qui nous a permis de tenir l’année 2014 et une grosse partie de 2015. Notre chiffre d’affaires, qui était monté à plus de 2 millions d’euros dans les années fastes est toutefois tombé à 1,4 million d’euro à la fin 2015.

En 2016, le remplaçant de la climatisation est arrivé mais entre l’évolution technologique imposée par la nouvelle norme européenne, la chute de l’euro face au dollar et la montée des coûts en Asie, le prix d’achat a quasiment été multiplié par deux. Or, quand vous êtes fournisseur du bâtiment modulaire qui est l’un des partenaires du BTP, un secteur en crise depuis 2009, je vous laisse imaginer l’impact d’une telle hausse.

L’énorme stock séduit Bouygues

Pour tenter de compenser le trou d’air, nous avons décidé d’accélérer sur le digital. Et ce, dès 2013. Nous avons travaillé à la refonte de notre site vitrine dans le but d’avoir un meilleur outil pour nos commerciaux et d’aller chercher de nouveaux clients. En quatre ans, on est passé de 15 à 30 visiteurs par jour à 250 à 500 visiteurs par jour. Le problème, c’est que l’on adresse pour l’instant que 20% de devis aux gens qui viennent sur notre site. Le challenge pour 2018, avec l’embauche d’un alternant, va être de travailler sur la conversion des contacts en devis et des devis en factures.

L’investissement commence déjà à porter ses fruits puisque le digital représente aujourd’hui 6% de notre chiffre d’affaires. C’est aussi grâce à notre site internet que l’on s’est fait connaitre de grands donneurs d’ordres comme Bouygues Construction. Au printemps, cette entreprise cherchait à renouveler son parc de climatisations pour l’été, mais le délai était trop court pour leur fournisseur habituel. Ils nous ont trouvé via le web et ont été surpris par notre stock. Bouygues avait besoin de 300 climatisations. Ce que nous avions. C’est ce pari du stock et du service qui nous a permis de sortir des difficultés et de repasser la barre des 2,2 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2017. »

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