« J’ai rebondi après une liquidation judiciaire »
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« J’ai rebondi après une liquidation judiciaire »

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Comme environ 60 000 entrepreneurs chaque année en France, Philippe Caze a connu une défaillance d'entreprise. Cet ancien cadre d’un groupe américain a créé Novelia Engineering, une entreprise de Fontainebleau qui a explosé en plein vol en 2014. L’entrepreneur revient sur sa descente aux enfers puis sur sa longue reconstruction.

— Photo : Gilles Cayuela - Le Journal des Entreprises

« En 2009, j’ai quitté le groupe Corning Incorporated dans lequel j’étais salarié depuis 20 ans pour mettre en œuvre une idée qui ne les intéressait pas dans leur stratégie de développement. L’idée était de proposer un ensemble de méthodologies et de technologies pour baisser les coûts de fabrication des médicaments. À l’époque, les unités de fabrication de médicaments reposaient beaucoup sur un process appelé batch (traitement par lots). Ce process avait pour caractéristique de nécessiter beaucoup de main-d’œuvre pour charger, manipuler, nettoyer…

Quand les pays à bas coûts ont pris conscience de ce marché, ils s’en sont emparés. En créant Novelia Engineering l’objectif était de proposer aux industries pharmaceutiques européennes une alternative à l’outsourcing en Asie. Au début ça a très bien marché. En deux ans, à cinq personnes, on est arrivé à plus d’un million d’euros de chiffre d’affaires. Et c’est là que les ennuis ont commencé !

Le jour où tout bascule

Un gros client nous a demandé de sortir de notre travail d’études pour passer à de l’ingénierie d’exécution, autrement dit de finaliser les unités de production. Les grands groupes pharmaceutiques avaient perdu cette compétence et je me suis laissé convaincre de le faire pour elles. Mais, je ne me suis pas rendu compte qu’on allait changer de business model. On passait de projets à quelques centaines de milliers d’euros, qui se décidaient rapidement, à des projets de plusieurs millions d’euros avec des délais de décisions beaucoup plus long. J’ai commis une erreur ! Il aurait fallu créer une seconde structure avec un plan de financement adapté.

« On n’imagine pas la violence d’une faillite. C’est comme deux voitures qui se percutent frontalement à 90 km/h »

Et puis, fin octobre 2014, j’apprends que le PDG d’un gros client est débarqué par son conseil d’administration. Résultat, le projet d’unités de production qui devait être validé dans les jours qui suivent est reporté à mai 2017. Un projet que j’avais financé et qui devait déboucher sur un contrat de plus d’un million d’euros. On n’avait plus le temps de mettre en œuvre nos plans B et C. Cerise sur le gâteau, ce même client qui devait nous verser 500 000 euros de prime de succès sur un contrat précédent a refusé de nous débloquer la somme. Je me suis donc retrouvé à cours de trésorerie et contraint de déposer le bilan. En un mois, on est passé d’une situation où l’on cherchait des sous-traitants et du personnel à recruter à mettre la clé sous la porte.

« Du jour au lendemain, je me suis retrouvé isolé »

On n’imagine pas la violence d’une faillite. C’est comme deux voitures qui se percutent frontalement à 90 km/h. Les deux conducteurs peuvent s’en sortir indemnes physiquement, mais psychologiquement ils sont cassés. Du jour au lendemain, je me suis retrouvé isolé. Je suis passé de « c’est formidable, tu crées de la valeur » à « qu’est-ce que tu as fait de mal ? ».

« Je n’avais plus rien ! C’est ma fille qui m’a accueilli chez elle »

Sur un plan personnel, comme j’avais tout financé sur mes propres deniers, je n’avais pas de dette. En revanche, je n’avais plus rien ! C’est ma fille qui m’a accueilli chez elle.

Pendant un an et demi, j’ai essayé de rebondir seul. J’ai rencontré des gens, des groupements… Mais ils étaient trop dans le jugement. Et à cette époque, j’étais comme un escargot. Si on me frottait les antennes, je rentrais dans ma coquille.

Et puis, un an et demi après la liquidation, presque par hasard, je me suis souvenu d’une réunion où l’on m’avait parlé de l’association 60 000 Rebonds. J’ai pris contact avec eux et là, je me suis reconstruit rapidement. J’ai rencontré des gens bienveillants et professionnels qui ne jugent pas et qui sont là pour vous accompagner, vous encourager et vous challenger.

La renaissance

En parallèle de ce processus de reconstruction, j’ai commencé à voir s’affiner une idée qui était que le prolongement de ce que je savais faire depuis toujours. J’ai donc commencé à tester mon idée en freelance. Et puis, assez rapidement, j’en suis arrivé à me dire que l’offre que je proposais était une offre de société et que le moment était venu pour moi de repartir. Je me suis donc remis il y a six mois dans les habits d’un porteur de projet qui veut créer une société.

Une société qui vise à proposer aux entreprises de toutes tailles, une méthodologie qui s’appuie sur leur patrimoine et les technologies qui dorment sur les étagères pour innover. J’ai déjà deux ou trois entreprises qui sont intéressées et avec lesquelles je vais démarrer des missions. Sans doute en portage salarial pour commencer, puis en créant une société par la suite. Comme quoi, même quand on tombe bien bas, on peut toujours finir par rebondir. »

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