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"De nombreuses entreprises zombies vont faire faillite"
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Stéphane Regnier directeur de RCA Consulting "De nombreuses entreprises zombies vont faire faillite"

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Avec la fin annoncée du "quoi qu’il en coûte", une nouvelle étape s’ouvre pour les entreprises, celle de la sortie de crise. Comment se présente-t-elle ? Stéphane Regnier, dirigeant de RCA Consulting, société de consultants et éditeur de logiciels de gestion et d’organisation pour les experts-comptables et de suivi de trésorerie des entreprises, installé en Gironde, livre sa vision.

Stéphane Regnier, dirigeant de RCA Consulting et spécialiste de la trésorerie des entreprises — Photo : Caroline Scribe

Les prévisions de croissance sont optimistes pour la France en 2021. Le gouvernement table sur 5 %, l’OCDE sur 5, 8 %. Selon Euler Hermes, elle pourrait même atteindre 6 %. Quelle est votre opinion ?

Stéphane Regnier : Je n’ai pas une vision euphorique de la reprise. Oui, il y aura des effets de rattrapage jusqu’à la fin de l’été pour les secteurs qui ont été empêchés de travailler. Oui, certaines entreprises vont cartonner. Mais le rebond sera très variable d’un secteur à l’autre et il ne concernera pas la totalité des entreprises. D’autant plus que la reprise s’effectue dans un contexte compliqué par les problèmes de disponibilité de la main-d’œuvre, d’approvisionnement ou de hausse du prix des matières premières.

Dans quel état les entreprises sortent-elles de cette crise ?

Stéphane Regnier : Actuellement, les bilans des entreprises ne sont pas si mauvais. Mais si on enlève les aides et dispositifs de soutien mis en œuvre, leur bas de bilan est catastrophique. Pour les entreprises qui ont consommé leur PGE, l’équation est insoluble. Pour le rembourser, il faudrait qu’elles génèrent un chiffre d’affaires équivalent à 120 ou 130 % de celui de 2019. Comment pourraient-elles y arriver dans un pays où la rentabilité des sociétés est traditionnellement inférieure à la moyenne des pays européens, en raison notamment d’une fiscalité élevée ? Par ailleurs, les entreprises vont être confrontées au remboursement de toutes les échéances reportées, au moment où leur BFR va mécaniquement augmenter avec la reprise. Je prends les paris que ces entreprises ne pourront pas redémarrer, c’est mathématique. Il y a aura de la casse avec un échelonnement des faillites sur les trois à cinq ans à venir.

Vous redoutez donc une vague massive de faillites ?

Stéphane Regnier : Je pense que 10 à 20 % des TPE-PME sont des entreprises zombies qui ne survivront pas à la crise. Ce chiffre important n’est pas le fruit du hasard. Il s’appuie sur plusieurs informations concordantes. Je me réfère à une étude finlandaise récente qui analyse toutes les sorties de crise sur les 20 dernières années. On a observé que 17 % des entreprises en moyenne disparaissaient au cours de ces périodes, qu’il s’agisse de faillites pour les trois quarts d’entre elles, de cessions ou de fermetures. Ces statistiques sont recoupées par les informations récoltées sur le site Nota-PME qui permet aux PME de s’auto-noter en ligne sur la base de 40 ratios, sur le modèle des cotations Banque de France. Il en ressort que 10 à 20 % des entreprises ont des cotations tellement fragiles qu’elles s’apparentent à des entreprises fantômes qui ne survivent que grâce aux aides. La casse risque d’être d’autant plus importante que des entreprises déjà en difficulté avant la crise ont été maintenues artificiellement en vie. La crise actuelle est tellement brutale que, même sous un régime d’aide, il peut y avoir des dégâts importants.

Que faudrait-il faire pour limiter la casse ?

Stéphane Regnier : Certains, comme René Ricol, ancien Haut-Commissaire à l’investissement, estime que l’État va devoir subventionner la dette de nombreuses entreprises pour leur éviter une liquidation à la barre du tribunal de commerce et les maintenir en activité. Mais j’affirme à nouveau que certaines n’ont pas la capacité de survivre sans aides, ni de changer leur modèle économique.

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