Coronavirus : « Le télétravail est la solution à privilégier en cas de retour d’une zone à risque »
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Marie-Aude Renoux médecin coordinateur à l’AST35 Coronavirus : « Le télétravail est la solution à privilégier en cas de retour d’une zone à risque »

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Face à l'épidémie de coronavirus, peu d’entreprises françaises ont mis en place des actions spécifiques et formelles sur le lieu de travail. Quelles mesures prendre ? Les conseils du docteur Marie-Aude Renoux, médecin coordinateur à l’AST35, le service de santé au travail Ille-et-Vilaine 35 - Bretagne - Rennes - Vitré.

Pour le docteur Marie-Aude Renoux, médecin coordinateur à l’AST35, face à l'épidémie de coronavirus, la première action à mener par l'employeur est d'informer ses salariés des règles d'hygiène de base — Photo : Valérie Dahm

Le Journal des Entreprises : Selon un sondage de Qapa, 77 % des entreprises n’ont rien entrepris pour éviter toute propagation du coronavirus sur le lieu de travail. Pourtant, le code du travail stipule que les employeurs doivent prendre des mesures pour protéger la santé des salariés. Concrètement que faire, même si aucun salarié n’est touché ?

Marie-Aude Renoux : Première chose : informer les salariés, en rappelant les règles d’hygiène de base, pour se protéger et protéger les autres du coronavirus. Se laver très régulièrement les mains, tousser ou éternuer dans son coude, utiliser un mouchoir à usage unique et le jeter. Si une personne est malade, elle devra porter un masque chirurgical jetable.

Que doit faire l’employeur si un de ses salariés présente un risque ?

Marie-Aude Renoux : Le 28 février, la ministre du Travail Muriel Pénicaud a précisé que pour des salariés de retour d’une des zones à risque ou ayant été en contact avec une personne infectée, il faut adapter les conditions de travail. Soit en changeant l’organisation du travail, soit en mettant ces personnes en télétravail. Si ce n’est pas possible, le salarié contacte le médecin de l’ARS (agence régionale de santé, NDLR) qui peut établir un arrêt de travail « d’isolement ».

Quelles actions spécifiques mettre en place ?

Marie-Aude Renoux : Dans tous les cas, le bon sens doit prévaloir. Éviter les contacts physiques (poignée de main, embrassades), éviter voyages et séminaires dans les zones à risques (une liste mise à jour par le gouvernement précise ces zones à risque, NDLR). L’entreprise peut mettre à disposition des solutions hydroalcooliques (selon disponibilité). Le port d’un masque chirurgical ne protège pas. Seuls les masques FFP2 réservés au personnel médical ont cette qualité. Le malade doit porter un masque chirurgical pour empêcher la propagation de postillons.

Faut-il interdire les déplacements dans les salons professionnels ?

Marie-Aude Renoux : Aujourd’hui, les regroupements de plus de 5 000 personnes dans les endroits confinés ne sont plus autorisés. Ce seuil évoluera peut-être, il convient de suivre l’actualité. D’ores et déjà, de nombreuses entreprises annulent ou reportent des séminaires ou rencontres par prévention (à l'instar du report du Mipim à Cannes, du CFIA à Rennes ou encore de la foire Art Up! à Lille, NDLR).

Quelles mesures en cas de retour d’un salarié d’une zone à risque ?

Marie-Aude Renoux : Le dirigeant ne peut imposer un contrôle médical. Il peut, unilatéralement si la situation le requiert, placer le salarié en télétravail ou aménager le poste de travail de manière à limiter le risque de contagion. Le salarié rentrant d’une zone à risque doit prévenir son employeur et rester vigilant les 14 jours suivant son retour : surveiller sa température et l’apparition de symptômes (fièvre, toux, difficultés respiratoires), respecter les règles de base d’hygiène, éviter les contacts, contacter le 15 en cas de manifestation de signes infectieux.

Un salarié peut-il refuser un voyage professionnel dans un pays touché ?

Marie-Aude Renoux : Oui, c’est le droit de retrait. En vertu des articles L.4131-1 et suivants du code du travail, un travailleur ne peut se retirer d’une situation de travail que s’il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grâce e imminent pour sa vie ou sa santé.

L’employeur peut-il l’imposer le télétravail au salarié ?

Marie-Aude Renoux : Si le poste de travail le permet, le télétravail est la solution à privilégier en cas de retour d’une zone à risque (à l'image de la décision du Merck qui a imposé le télétravail à 600 de ses collaborateurs alsaciens parce qu'une conjointe d'un salarié était infectée par le coronavirus, NDLR). Le télétravail, qui requiert habituellement l’accord du salarié et de l’employeur, peut se justifier sans l’accord du salarié en cas de risque épidémique (selon l’article L.1222-11 du code du travail)

Peut-on restreindre l’accès au lieu de travail à un salarié rentrant d’une zone à risque ?

Marie-Aude Renoux : Si le télétravail n’est pas compatible avec l’activité et si l’employeur ne peut adapter le poste du salarié en vue de limiter les contacts, il peut demander au salarié de rester à son domicile. Le salarié peut prendre contact avec l’ARS, afin qu’un médecin établisse un arrêt de travail correspondant à la durée l’isolement préconisée. Si le salarié ne bénéficie pas d’un arrêt de travail, mais que l’employeur lui demande de ne pas se présenter à son travail, sa rémunération est maintenue et sa période d’absence assimilé à un période travaillée, ouvrant le bénéfice aux mêmes droits que les salariés présents dans l’entreprise.

Quel salaire en cas de mise en quarantaine ?

Marie-Aude Renoux : Le contrat de travail est suspendu pendant cette période. Les droits à indemnisation sont identiques à ceux prévus en cas d’arrêt de travail, mais sans délai de carence. Les indemnités complémentaires s’appliquent et le délai de carence devrait être prochainement levé.

Où se renseigner ?

Marie-Aude Renoux : Le gouvernement a mis en place un site internet d’information sur le coronavirus, ainsi qu’une plateforme de renseignement téléphonique : 0800130 000 (appel gratuit).

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