Avec le rachat d’Itec, le groupe Paul Champs met les pieds dans l’industrie
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Avec le rachat d’Itec, le groupe Paul Champs met les pieds dans l’industrie

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Avec le rachat en 2020 de la société de tôlerie Itec à Dirinon, le groupe de la famille brestoise Champs, spécialisé dans les aménagements intérieurs, a élargi son champ d’action à l’industrie. Un nouveau pari pour l’entreprise qui s’est fortement développée depuis les années 80 grâce une autre prise de risque : le marché des paquebots à Saint-Nazaire sur lequel elle veut se lancer.

Paul-Emmanuel Champs a pris la direction de l’entreprise Agencement Paul Champs en 2006 — Photo : Isabelle Jaffré

Créée en 1936 par Paul Ernest Champs, la menuiserie familiale du quartier Saint-Luc à Brest a bien grandi mais s’est surtout transformée. "Mon grand-père était menuisier, mon père Paul Victor et moi-même sommes issus d’école de commerce. C’était assez rare à l’époque de mon père qui a repris l’entreprise en 1975. C’est lui qui a commencé à développer l’entreprise", indique Paul-Emmanuel Champs, l’actuel dirigeant d’Agencement Paul Champs mais aussi de la holding, Aberis (180 salariés, environ 33 M€ de CA).

Une croissance externe dans l’industrie

La holding rassemble les quatre sociétés du groupe spécialisé dans l’aménagement intérieur, qui sont dirigées par les quatre frères de la troisième génération. Paul-Emmanuel, l’aîné dirige Agencement Paul Champs à Guipavas (75 salariés, 19,7 M€ de CA en 2021) et Itec à Dirinon (58 salariés, 7,3 M€ de CA). Xavier est, lui, à la tête de Siam Agencement (30 salariés, 4,5 M€ de CA), à Saint-Malo en Ille-et-Vilaine, la première croissance externe de Paul Champs en 1993. La menuiserie est spécialisée dans l’aménagement d’hôtels et travaille jusqu’à Jersey. Vincent, le plus jeune, a pris les commandes de Tual Agencement (12 salariés, 1,5 M€ de CA) après le rachat en 2016 de cette société de Muzillac dans le Morbihan, qui travaille notamment sur les maisons du golfe du Morbihan. Le troisième fils, Pierre-Yves est basé à Paris et gère, notamment, la qualité et la sécurité pour l’ensemble du groupe. Chaque entreprise garde cependant son indépendance. "Nous n’avons aucune volonté d’intégration. La holding Aberis n’a pas vocation à être mise en avant", souligne le patron.

La dernière croissance externe date de mars 2020 avec le rachat d'Itec qui a permis au groupe de se diversifier. Celle-ci est en effet une entreprise de tôlerie, chaudronnerie et métallurgie fine basée à Dirinon (Finistère), qui a la spécificité de travailler dans l’aménagement. La société fabrique par exemple des armoires ou, dans le secteur naval, dans des sous-marins, des frégates, à Lorient ou encore Toulon. "C’était l’un de nos fournisseurs, explique Paul-Emmanuel Champs, qui en a pris la direction. Quand nous avons su que l’entreprise était en vente, nous nous sommes positionnés car nous ne voulions pas risquer de perdre un partenaire local et une filière d’approvisionnement à 20 km de chez nous !" Le rachat permet ainsi au groupe de mettre un pied dans l’industrie. "Ce n’est pas sans poser quelques problèmes car ce n’est pas notre secteur. Nous apprenons", raconte le patron. Le principal client d’Itec est le fabricant de groupes électrogènes brestois Kohler (ex SDMO) mais en est très dépendant. Le nouvel actionnaire cherche donc désormais à élargir le panel de clients industriels. Depuis le rachat, le groupe a investi 600 000 euros chez Itec pour une nouvelle machine.

Carnet de commandes plein jusqu’à fin 2025

Ce tournant vers l’industrie n’est pas le premier pari pris par l’entreprise familiale. "Une grande décision stratégique a été de se tourner vers le marché des paquebots en 1981", rappelle Paul-Emmanuel Champs. Alors spécialisée dans l’aménagement de commerces en local, Agencement Paul Champs a l’opportunité de travailler sur la construction du paquebot Nieuw Amsterdam à Saint-Nazaire. À l’époque, les chantiers ligériens n’ont plus fait de paquebots depuis 1958 et ont perdu le tissu local d’entreprises sous-traitante ayant le savoir-faire nécessaire. "Les gens pensaient que mon père était un peu fou d’aller travailler aussi loin."

Au final, le pari s’avèrera payant car l’entreprise est, depuis, devenue une référence et l’une des trois entreprises françaises, sur 12 présentes à Saint-Nazaire, capable de construire des aménagements des parties communes des paquebots (atrium, salle de spectacle, escalier de parade, boutiques, etc.). "Nous employons 20 personnes sur place en permanence et nous avons travaillé sur plus de 100 navires dont entre 60 et 70 paquebots", se félicite Paul-Emmanuel Champs. Aujourd’hui, cette activité représente la moitié du chiffre d’affaires de l’entreprise et n’est pas près de s’arrêter : "le carnet de commandes est plein jusqu’à fin 2025, avec un rythme très soutenu de 2 à 3 paquebots par an."

L’atelier de 6 000 m² a Guipavas a été construit avec le nouveau siège en 2009 — Photo : Isabelle Jaffré

La seconde activité, représentant environ 30 % du chiffre d’affaires est basée à Paris, avec des aménagements de bureaux. "Nous avons démarré en 1987 à la demande du DG d’Axa. Depuis, nous avons développé ce savoir-faire dans le domaine tertiaire pour des salles de conseils et des bureaux très haut de gamme", note le dirigeant. Parmi les chantiers réalisés, on retrouve des grands noms d’entreprises françaises : France Telecom, Chanel, RATP, EADS, LVMH… Une activité qui s’est étendue récemment vers l’aménagement et l’habillage des aéroports et des gares. En 1989, Paul Champs s’est aussi lancé dans les grandes villas de luxe à l’international. "Nous avons des chantiers en Israël, au Brésil, en Afrique, cite Paul-Emmanuel Champs. En moyenne, cela représente 15 à 20 % de l’activité mais selon les années, nous pouvons faire 0 ou 35 %."

Garder un ancrage local

Enfin, Agencement Paul Champs continue son activité historique d’agencement de commerces même si elle pèse désormais assez peu comparées aux autres. "C’est notre ancrage local. Cela permet aussi de lisser l’activité dans notre atelier de 6 000 m², construit en 2009 à Guipavas (4 M€ investis), et de conserver le savoir-faire et la polyvalence de nos équipes", insiste le dirigeant, qui cite notamment les travaux de rénovation du Quartz à Brest.

Après un passage à vide, entre 2010 et 2014, lié à l’arrivée tardive de la crise de 2008 sur ses marchés, l’entreprise réalise aujourd’hui un chiffre d’affaires stabilisé autour de 20 millions d’euros (19,7 M€ de CA en 2021, 21 M€ prévus en 2022) et est dans le vert d’un point de vue rentabilité (environ 1 M€ de résultat net). "Faire de la croissance de chiffre d’affaires n’est pas du tout un objectif de l’entreprise, confie Paul-Emmanuel Champs. Nous en faisons : il y a 20 ans, l’entreprise était autour de 12 à 15 millions d’euros de chiffre d’affaires. Nous sommes une entreprise 100 % familiale. Le premier but est la pérennité du groupe. L’argent gagné est réinvesti. De même, nous ne cherchons à pas à recruter pour recruter. À trop grossir, nous en perdrions notre réactivité."

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