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Groupe Seb : « Le SebLab vise à briser les silos qui freinent l'innovation »
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Jean-Louis Compeau responsable du SebLab chez Groupe Seb Groupe Seb : « Le SebLab vise à briser les silos qui freinent l'innovation »

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Difficultés de l’autogouvernance, cultures différentes, espace neutre à organiser… Mettre en place un laboratoire d'innovation dans une entreprise industrielle est une gageure. Mais c’est aussi préparer l’avenir en termes de ressources humaines, explique Jean-Louis Compeau, responsable du SebLab sur le campus du groupe d'électroménager Seb à Écully (Rhône). Il a déjà impliqué plus de 1 500 collaborateurs dans ce processus d’innovation.

Le SebLab conçu par Jean-Louis Compeau travaille sur les process et méthodologies issues du monde de l’innovation, à base de séances de créativité et d’idéation — Photo : Audrey Henrion

Pourquoi avoir initié la création de ce laboratoire interne dans un groupe comme Seb (7,35 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2019), déjà très tourné vers l’innovation ?

Jean-Louis Compeau : Pour favoriser la collaboration et ainsi se donner les moyens d’expérimenter le plus vite possible. Environ 20 sessions se tiennent par an, avec en moyenne 10 participants. De nombreux produits récents intègrent des éléments issus de ces échanges, comme une tondeuse à cheveux aspirante et modulaire ou une station vapeur avec interface ergonomique. En grandissant, on peut perdre cette manière de vite concrétiser l’intention première, de réaliser des prototypes en mode "quick-and-dirty" ("vite fait mal fait", NDLR). Alors que 60 % des ventes du groupe Seb sont réalisées avec des produits de moins de trois ans, les créations d’équipe multi-métiers deviennent toujours plus essentielles. Les équipes de la R & D, du design et du marketing aux formations et profils divers rencontrent souvent des difficultés à collaborer efficacement.

Quelle gouvernance est en place dans ce lieu d’expérimentations ?

Jean-Louis Compeau : Nous suivons des process et méthodologies issues du monde de l’innovation, à base de séances de créativité et d’idéation. La parole est donnée à chacun, personne ne prend réellement la main. Mais dans le futur, quand les équipes seront autonomes, il faudra trouver un système d’autogouvernance fondé sur des rituels. Des coachs en agilité seront nécessaires pour arbitrer, vérifier que l’équipe fonctionne sainement sans débordements. Et, à terme, cela se réalisera tout seul grâce à une plus grande maturité des équipes. Dans les start-up, l’urgence mène à l’autorégulation. Dans une entreprise classique, le marché est moins proche et des personnes clés seront requises, comme le "scrum master" (spécialiste de l'agilité, NDLR) en informatique. Et dans un futur idéal, le Lab n’existera plus, son fonctionnement se sera disséminé dans le reste de l’entreprise.

Le voyez-vous comme un avant-goût d’une nouvelle organisation managériale plus agile ?

Jean-Louis Compeau : Nous sommes sur un terrain d’expérimentation régi par des objectifs d’acculturation, d’accélération, de collaboration sur des temps courts. Ce qui a d’ailleurs permis de lever les réticences des managers d’équipes. Ils n’ont pas eu peur de perdre le contrôle des projets pendant ce temps. Une généralisation au reste de l’entreprise serait un bouleversement : les designers, chefs de projets en recherche, chefs de produit au marketing appartiennent à des départements différents et ont surtout des constantes de temps d’action différentes. Les faire participer à une multitude de projets coopératifs représenterait un défi en termes d’organisation et un risque de dilution des compétences. Il ne faut pas non plus perdre les acquis du fonctionnement par départements et métiers en place, gage de qualité, d’évolution et formation à chaque poste.

Qu'est-ce que le Lab apporte d'ores et déjà aujourd'hui au groupe ?

Jean-Louis Compeau : Le principe du Lab, inspiré de l’agilité du monde informatique et des start-up, est essentiel pour coller en temps réel aux besoins des consommateurs. Il plaît aussi aux salariés en quête de sens et d’interactions. Aujourd’hui, le Lab est utile en amont des projets. Une fois le prototype mis au point, les équipes repartent dans des modes plus classiques. La réflexion est donc loin d’être terminée. Il faudra peut-être initier des lieux « mini Labs » par projets, qui seront des points de convergence neutres des équipes métiers. Les départements vont perdurer mais ont-ils besoin d’être conservés avec toutes les équipes qui possèdent leurs bureaux ?

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