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Comment Codeo cartonne sur le réemploi
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Comment Codeo cartonne sur le réemploi

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Le groupe Codeo surfe sur la démocratisation de l’économie circulaire dans les stratégies RSE des grands groupes et s’affirme comme un acteur phare du réemploi des équipements IT des professionnels. Le groupe investit 8 millions d’euros en région lyonnaise pour passer un cap.

Plus de 20 % des 350 000 équipements informatiques professionnels récupérés par le groupe Codeo sont des smartphones — Photo : Florent Brison

C’est au bout d’une petite route étroite, après le village de Curis-au-Mont-d’Or, coincé entre des terres agricoles et le cimetière communal que François Amiot et Tony Duburcq ont installé, en 2005, les bases de ce qui deviendra 15 ans après, le groupe Codeo (CA 2020 : 30 M€ ; 170 salariés). Dans ce village de 1 200 habitants, Codeo est l’unique entreprise de la commune. Hormis quelques professionnels libéraux et des exploitants agricoles, aucune activité économique n’est installée dans ce village situé à une vingtaine de kilomètres au nord de Lyon. Une discrétion qui rassure les associés et permet à François Amiot de reprendre à son compte le fameux adage : "Pour vivre heureux, vivons cachés". "Nous ne voulons surtout pas que le grand public nous connaisse et vienne nous voir", justifie-t-il. Le groupe, spécialisé dans le réemploi des équipements informatiques et électroniques, travaille uniquement avec les professionnels, des PME aux grands comptes.

Le Groupe Codeo travaille uniquement avec les professionnels, d’où une situation géographique isolée à Curis-au-Mont-d’Or, au milieu des champs — Photo : DR

Une confidentialité – logique au vu de la valeur marchande des biens qui arrivent sur le site - qui n’empêche pas le groupe de prospérer à l’abri des regards. L’an dernier, l’entreprise a bouclé son exercice 2020 en croissance de 34 % à 30 millions d’euros. L’année 2021 s’annonce aussi prometteuse. "Nous ferons au minimum 15 % de croissance en 2021", anticipe-t-il.

350 000 appareils traités par an

Tony Duburcq et François Amiot ont construit une PME en pointe sur les questions de réemploi et profitent depuis quelques années d’un contexte favorable. L’engouement des professionnels pour l’économie circulaire et sa prise en compte dans les stratégies RSE des grands groupes ? Une aubaine. "Les entreprises ont pris conscience ces dernières années de l’intérêt de recycler, elles y sont davantage réceptives et cela se traduit dans leur stratégie RSE", analyse le cofondateur de l’entreprise, qui compte comme client Casino, La Poste, Mondial Relay, le Crédit Agricole ou encore Leroy Merlin.

Si la démocratisation du réemploi profite au groupe, la rupture de certains composants électroniques entraînant un allongement des délais de livraison favorise aussi le développement de l’activité. Désormais, le matériel, obsolète ou non, n’est plus automatiquement jeté à la benne lors des renouvellements de parcs. C’est là que Codeo intervient en récupérant et en reproposant à la vente des dispositifs électroniques qui peuvent intéresser d’autres entreprises. Entre-temps, les dispositifs sont remis à zéro, réparés et reconditionnés afin qu’ils puissent connaître une deuxième jeunesse. Selon les gammes de produits et les clients, le taux de réemploi chez Codeo varie de 50 à 90 %.

Un chiffre témoigne d’ailleurs de l’engouement du recyclage chez les professionnels : 350 000 appareils ont été récupérés et traités par l’entreprise curissoise l’an dernier, contre 200 000 il y a cinq ans. "Habituellement, la croissance est de l’ordre de 50 000 unités par an. Avec l’avènement du marché du smartphone reconditionné, les volumes explosent", note François Amiot. Un chiffre en constante augmentation mais qui ne représente qu’une goutte d’eau dans l’océan qu’est le marché des appareils électroniques en Europe. D’après Codeo, le marché de l’occasion représente 10 % du marché du neuf en volume, variable selon les marchés.

8 millions d’euros d’investissement

Pour adapter sa capacité de traitement à l’essor du marché, le groupe vient d’acquérir un entrepôt de 7 000 m² à Rillieux-la-Pape (Rhône), distant d’une petite quinzaine de kilomètres de son siège. Objectif : installer ses équipes commerciales, techniques et logistiques pour augmenter ses capacités de traitements dès le début de l’année prochaine. "C’est un projet conséquent pour le groupe puisque nous investissons 8 millions d’euros (fonds propres et prêts bancaires, NDLR) pour être propriétaires de notre site et y installer l’ensemble de la chaîne de valeur", résume François Amiot, conscient d’embarquer ses équipes dans un défi de long terme.

François Amiot et Tony Duburcq, associés et cofondateurs du groupe Codeo, aux côtés de Christophe Guillarme, directeur général de Codeo dans le nouveau site du groupe à Rillieux-la-Pape — Photo : DR

Face à des clients grands comptes disposant de gros stocks de produits inutilisés – "50 à 100 palettes d’équipements en moyenne" -, le groupe veut pouvoir réunir son expertise en un seul lieu pour faciliter l’identification des produits, les réparations éventuelles et la gestion du reconditionnement des produits destinés à être revendus par la suite.

Un défi que le groupe ne partagera pas seul. À Rillieux-la-Pape, il accueillera sur place deux acteurs de l’économie sociale et solidaire pour bâtir un vaste pôle - d’ampleur nationale - dédié à l’économie circulaire. "L’identification, le tri et la remise en état des produits en arrivage seront réalisés par l’entreprise adaptée Ecodair spécialisée dans le reconditionnement des équipements informatiques. Les produits qui ne sont pas réemployables seront démantelés et recyclés par l’association solidaire Envie Rhône-Alpes", détaille François Amiot. Avec ce site, opérationnel dès le début 2022, le groupe Codeo compte multiplier par trois à quatre ses capacités de traitement et fournir un service global allant de la gestion des parcs informatiques à l’achat de matériels, en passant par la maintenance et la gestion de la fin de vie des équipements. "On ne vise pas forcément à rendre l’investissement rentable rapidement mais à élargir notre gamme de services et améliorer notre taux de pénétration chez nos clients", relève François Amiot.

20 % d’équipements récupérés sont des smartphones

Un impératif au vu du nombre de dispositifs informatiques potentiellement réemployables. Premier type d’équipement récupéré et revendu, les smartphones forment aujourd’hui plus de 20 % du total. Une part en constante progression qui a dépassé tous les autres types d’équipements traités par les dizaines de techniciens du groupe. "En 2005, le groupe Codeo récupérait auprès de grands comptes de la distribution des terminaux code-barres, des terminaux carte bancaire et des caisses automatiques que nous revendions ou louions à d’autres entreprises pour faire du complément de parc ou répondre à des besoins sporadiques (inventaires, surplus d’activités, NDLR)", précise François Amiot.

Avec le temps, l’entreprise s’est ouverte à d’autres types d’équipements. En 2011, le groupe crée une filiale à Dijon, Mobile Team, spécialisée uniquement sur les talkies-walkies. Six ans plus tard, il se déploie sur le smartphone au travers de sa filiale Remober. "On maîtrisait les codes b to b des grands comptes. Leur proposer de récupérer leur flotte de smartphones faisait sens", note François Amiot, qui récupère aussi tablettes tactiles et ordinateurs.

Preuve en est avec le partenariat signé avec le groupe La Poste pour traiter les 150 000 smartphones de ses agents. "Le groupe postal a pris conscience que le smartphone n’était pas un consommable. On leur propose un service de réparation et on gère également la sortie de parc des appareils en fin de vie ou lors des changements de modèles", précise-t-il.

Un spectre élargi aux IRM et scanners

En 2017, le groupe a aussi élargi son spectre vers le matériel médical après avoir fait plancher des étudiants de l’EM Lyon sur une démarche de diversification. Avec sa filiale Codeo Medical, le groupe récupère et revend des IRM, des scanners et autres échographes. "Ce type de matériels est beaucoup plus exigeant avec des normes techniques et réglementaires fortes. On travaille avec des prestataires spécialisés", note François Amiot qui vise à internaliser dans les prochaines années ces compétences. 20 % des équipements médicaux récupérés sont revendus à des cliniques, hôpitaux et professionnels de santé. "Coûteux et techniques, ces équipements ont une vraie problématique d’usage et de seconde vie", avance-t-il. Au sein de Codeo Medical, une division Vétérinaire vient même d’être créée pour adresser les professionnels de la santé animale et leur permettre de réutiliser des équipements de santé humaine. "On avance tout doucement", note le dirigeant.

Moins d’intermédiaires

Si la notion de circuits courts est un pilier de l’économie circulaire, François Amiot revendique volontiers le terme pour qualifier son activité. "Nous limitons les intermédiaires entre nos clients fournisseurs et nos clients acheteurs puisqu’il n’y a que nous, contrairement à la chaîne classique où s’ajoutent fabricants et autres revendeurs", partage-t-il.

Une trentaine de commerciaux répartis dans cinq pays européens (Allemagne, Royaume-Uni, Pologne et Espagne) alimentent les entrées et sorties du stock. "Nous avons un logiciel qui met en lien l’offre et la demande et simplifie la gestion opérationnelle du stock. L’objectif est de proposer un service sur mesure à nos clients", précise le dirigeant. En 2020, 48 % du chiffre d’affaires est réalisé à l’international.

Un démarchage commercial qui s’apparente bien souvent à une succession de surprises. "Quand on rencontre un grand compte, on ne sait pas s’il sera fournisseur ou client", s’amuse François Amiot.

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