Per-Yann Fournier (CPME 29) : "Les PME doivent accélérer sur la protection de l’environnement"
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Per-Yann Fournier président de la CPME 29 "Les PME doivent accélérer sur la protection de l’environnement"

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Patron de la CMPE du Finistère depuis début 2023, Per-Yann Fournier est un défenseur des petites entreprises et de l’environnement. Compagnon de l’ONG Greenpeace dès 1977, le fondateur du Comptoir Irlandais ne souhaite pourtant pas un changement radical mais une évolution des mentalités et une accélération des actions, notamment de la part des PME.

Per-Yan Fournier, ancien patron de Roi de Bretagne notamment, est devenu président de la CPME 29 en janvier 2023 — Photo : Isabelle Jaffré

Quels seront, selon vous, les grands enjeux de la rentrée pour les PME ?

Il y a pas mal de choses à dire sur ce qui va se passer dans les mois qui viennent, notamment dans le domaine de l’équilibre des comptes, la contribution volontaire des entreprises qui sera reportée ou encore les ressources financières de l’Unedic. Celles-ci seront apparemment utilisées pour la réforme de France Travail alors qu’il aurait été mieux de laisser cet argent dans les entreprises. Dans les petites et moyennes entreprises, le sentiment est que les actions du gouvernement ne sont pas à la hauteur des annonces qui sont faites.

Y a-t-il un risque de défaillances ?

Ce risque existe, car le niveau des trésoreries est assez bas ; les PGE sont à rembourser. Même si on sait aujourd’hui que le gouvernement est assez pro entreprise, nous aimerions qu’il soit véritablement pro entreprise et pas pro actionnaire. Il ne s’agit pas d’aller séquestrer l’argent des actionnaires, mais d’être attentif à l’emploi des ressources quand elles sont sorties des entreprises pour être réinvesties. Un exemple concret est la flat tax (prélèvement forfaitaire unique, PFU). Il faudrait pouvoir en être exonéré quand on réinvestit dans une autre entreprise française qui paye ses impôts en France.

Y a-t-il d’autres nouvelles réglementations qui vont peser sur les PME ?

Par exemple, beaucoup d’entreprises ont aujourd’hui des contraintes supplémentaires liées à la RSE. Ces évolutions sont tout à fait souhaitables, bien entendu, mais pas quand elles viennent alourdir la tâche des dirigeants avec des rapports à faire systématiquement. Beaucoup de petites entreprises n’ont pas attendu la RSE pour appliquer ces principes. La particularité des PME est d’être en prise directe avec son marché et ses salariés. Les dirigeants d’entreprises s’impliquent et sont entourés de salariés qui s’impliquent également. À la différence peut-être des structures beaucoup plus grandes, comme les grands groupes, qui ont une communication plus structurée autour de la RSE, les petites entreprises sont davantage préoccupées par la réalisation des actions que par la publicité à en tirer.

Quel genre d’actions les PME privilégient-elles ?

J’ai pu voir, par exemple, qu’elles font particulièrement des efforts sur les trajets effectués par leurs salariés en favorisant le train par rapport à l’avion. Et en Bretagne et dans le Finistère en particulier, ce n’est pas évident. Au-delà du temps de trajet, il y a aussi des problèmes de ponctualité avec les trains, d’accès à des places à la dernière minute, sans parler du prix qui reste très élevé. Les grèves sont pour moi très préjudiciables car elles empêchent le train d’être une alternative de transport fiable. Aujourd’hui, avec les réseaux sociaux notamment, il y a peut-être un moyen de se faire entendre sans cesser le travail.

L’arrêt du travail est pour moi aujourd’hui un peu dépassé. Je suis complètement d’accord avec les positions des salariés de la SNCF sur le manque de moyens. C’est la façon de le dire qui leur joue un très mauvais tour. Si on veut vraiment résoudre le problème, il faut arrêter de raisonner en silo, chacun défendant uniquement ses intérêts. J’ai beaucoup plus d’espoir dans l’aboutissement des unions syndicales que dans le travail d’un syndicat isolé. Et j’irai même jusqu’à dire qu’il y a beaucoup de sujets sur lesquels les syndicats patronaux s’accordent avec des syndicats salariaux.

Vous avez une sensibilité particulière sur le sujet de l’environnement, d’où vient-elle ?

Elle vient de loin. J’ai participé à l’installation de Greenpeace en France en 1977 avec Katia Kanas et Jacky Bonnemains. Dans les années 80, nous avions notamment organisé une exposition à Brest.

Du côté professionnel, j’ai fait 14 ans dans l’avitaillement – ce qui me permettait d’avoir quelques informations sur les mouvements de bateaux (sourire). J’ai ensuite créé et dirigé le Comptoir Irlandais de 1987 à 1992, puis j’ai quitté le groupe Fournier pour créer Roi de Bretagne, que j’ai transmis à ma nièce en 2020. Désormais, j’investis via ma holding pour aider de jeunes agriculteurs à s’installer en bio principalement.

Je ne me définis pas comme un "patron de gauche" car je ne m’y reconnais pas vraiment. Selon moi, il n’est pas possible de développer une belle entreprise s’il n’y a pas de l’intégrité, de l’authenticité et de l’éthique. Et il faut aussi des qualités de chefs d’entreprise comme la résilience ou encore la tolérance au risque.

Toutes les PME font-elles les efforts nécessaires concernant l’environnement ?

Je pense que les changements ne vont pas encore assez vite. L’orientation des PME en France - et dans le monde - doit être d’abord de privilégier l’effort fait pour préserver au mieux l’environnement. Bien sûr qu’il existe des entreprises qui ne font pas beaucoup d’efforts. D’autres en font au prix parfois de leur compétitivité. Malheureusement, le prix reste encore le critère principal dans la recherche de fournisseurs dans beaucoup de cas. Cela dépend aussi de leur marché, qui décide de leur marge de manœuvre.

C’est là que les groupes ont un vrai rôle à jouer dans le choix de leurs PME partenaires. En tant que président de la CPME Finistère, je défends les petites entreprises, car ce sont elles qui font quand même une grosse partie du travail. La société a besoin des PME pour avancer sur les questions environnementales. Pour cela, il ne faut pas non plus opposer les grosses structures et les PME. Nous avons tous besoin les uns des autres et c’est maintenant qu’il faut agir. Pas de façon radicale. Il ne faut pas tous arrêter de prendre l’avion d’un seul coup ou arrêter le charbon à l’instant. En revanche, il est possible de compenser avec des comportements vertueux par ailleurs. Il faut travailler sur un changement de mentalité en se basant sur le service au client. On ne travaille pas seul, on ne réussit jamais seul.

Quid des salariés ?

Un dirigeant se doit aussi d’expliquer sa démarche aux salariés. Car les efforts doivent être conjoints. Un patron est quelqu’un qui a eu une idée et qui invite d’autres personnes à venir l’aider. Cela signifie qu’il faut savoir partager les richesses équitablement. C’est alors d’autant moins compliqué de demander des efforts dans les moments difficiles.

Avec les difficultés de recrutement, on parle beaucoup du manque de motivation de la jeune génération. Je pense surtout qu’on ne trouve pas d’argument pour les appâter, les impliquer. Et ce n’est pas forcément toujours une question d’argent.

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