Vents porteurs pour le port de Caen avec les implantations d’Ayro et de Tertu Equipements
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Vents porteurs pour le port de Caen avec les implantations d’Ayro et de Tertu Equipements

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Le Port de commerce Caen-Ouistreham reprend son développement avec l’installation de nouvelles usines sur sa zone industrielle. Ayro a choisi le site caennais pour la fabrication de son système de propulsion éolienne Oceanwings et Tertu Equipements souhaite y installer une usine de valorisation de déchets bois. Une vraie bouffée d’oxygène qui redonne le cap au port de commerce de Caen.

La force du port de Caen réside aujourd’hui dans la diversification de ses trafics de niche — Photo : septiemeciel-images.fr

Avec trois départements sur cinq le long des côtes de la Manche, la Normandie affiche une activité portuaire soutenue, avec au premier plan les ports du Havre et de Rouen, tous les deux gérés par Haropa Port. Moins connu du grand public, le port de Caen a aussi une carte à jouer dans l’attractivité du territoire. Propriété de Ports de Normandie (syndicat mixte né de l’alliance de sept collectivités) et exploité, à travers une concession, par la CCI de Caen, le port de commerce de Caen accueille de nombreuses entreprises et industries tout le long de son canal de 15 km et de ses cinq terminaux de commerce, depuis Caen jusqu’à Ouistreham. Une zone industrialo-portuaire de plus en plus prisée si l’on en juge par les projets d’installation de deux nouvelles usines, pour la société Ayro, fabricant de systèmes de propulsion éolienne pour les navires de commerce d’une part, et l’unité de production TH2, de valorisation des déchets de bois, de l’entreprise ornaise Tertu d’autre part.

Un écosystème ouvert sur la mer

Le port de commerce de Caen accueille de nombreuses entreprises et industries tout le long de son canal de 15 km et de ses cinq terminaux de commerce, depuis Caen jusqu’à Ouistreham — Photo : avuedoiseau.com

Installée sur une surface d'environ 3500m² (avec possibilités d'extension) dans la zone portuaire de Caen depuis le début d’année 2022, l’usine Ayro y fabrique ses Oceanwings®, un système de propulsion hybride éolienne pour les navires de commerce. Fondée en 2018 par Marc Van Peteghem et Nicolas Sdez comme spin-off du cabinet français d’architecture navale VPLP, la start-up industrielle Ayro avait levé, en 2021, 10,5 millions d’euros auprès d’Ocean Zero, Bpifrance et Mer Invest, pour soutenir le développement et l’industrialisation des Oceanwings®, renforcer ses équipes, et installer son usine d’assemblage dans la zone portuaire de Caen. Une zone portuaire qui procure à la nouvelle usine un accès privilégié à la mer et un positionnement particulièrement adapté pour la livraison des Oceanwings® aux chantiers navals français et européens. "Le canal de Caen à la mer offre un plan d’eau abrité à niveau constant qui facilitera également les opérations d’installation des ailes. La zone portuaire de Caen est un écosystème dynamique et ouvert sur la mer, c’est un emplacement idéal pour assurer la logistique et servir nos clients", assure Ludovic Gérard, directeur général de Ayro. Cette nouvelle implantation est source d’emplois pour le territoire normand puisque l’usine devrait employer, à terme, une centaine de salariés. Une dizaine de salariés sont déjà en poste sur le site, et l’effectif devrait doubler courant 2023. L’usine travaille également sur le projet Canopée, un navire roulier de 121 mètres de long imaginé par le cabinet d’architecture navale VPLP Shipping, et en cours de construction au chantier Neptune Marine d’Hardinxveld-Giessendam, près de Rotterdam. Canopée transportera les composants du lanceur Ariane 6 pour ArianeGroup entre l’Europe et la Guyane Française.

Une usine de recyclage de déchets bois en projet

Autre arrivée phare en prévision sur le port de Caen, l’installation de l’usine TH2, un projet de valorisation des déchets de bois porté par l’entreprise Tertu, basée à Villedieu-les-Bailleul dans l’Orne. Après plus de cinq ans d’études scientifiques, techniques et environnementales ayant prouvé la faisabilité et la fiabilité du projet, la première unité de production TH2 devrait prochainement voir le jour sur une ancienne friche industrielle du port à Blainville-sur-Orne. "L’entreprise a d’ores et déjà réservé une dizaine d’hectares de foncier, dont neuf pour la partie purement industrielle et un hectare pour la partie stockage de bois", confirme Jérôme Chauvet, directeur de développement de Ports de Normandie.

Le choix de ce lieu n’a pas été laissé au hasard : l’objectif de l’entreprise étant de valoriser un site à l’abandon afin d’y implanter une unité de production de biocarburants prêts à l’emploi qui profitera à l’ensemble de la région caennaise. Le projet TH2 a pour ambition de recycler la biomasse déjà existante (les déchets de bois) pour produire de l’énergie renouvelable grâce à la voie de la thermochimie et dans une démarche d’économie circulaire. TH2 permettra la production de 60 000 litres par jour de bioéthanol de deuxième génération issu du recyclage du bois. Une première en France : il s’agit du premier projet à étudier la voie de la thermochimie pour valoriser du bois de classe B (déchets de bois non dangereux, faiblement traités, peints ou vernis, bois d’ameublement et bois de démolition). L’enquête publique sera lancée en 2023, pour un lancement du chantier prévu en 2024, et un démarrage de l’usine d’ici 2026. À la clé, une soixantaine d’emplois directs.

10e port de commerce français

Caen est le 10e port de commerce français, avec un trafic moyen de 3,2 millions de tonnes de marchandises transportées par an et un million de passagers par an — Photo : septiemeciel-images.fr

Ces deux projets industriels majeurs apportent un réel "intérêt maritime pour le port de Caen", selon Antoine de Gouville, directeur des équipements portuaires gérés par la CCI de Caen. "Ces deux projets vont permettre de développer à la fois des flux import et des flux export de matières premières, tels que le bois-déchet et le bioéthanol pour TH2". Bien que considéré comme étant un port "secondaire" par rapport à des ports comme celui du Havre ou Marseille, Caen est tout de même le 10e port de commerce français, avec un trafic moyen de 3,2 millions de tonnes de marchandises transportées par an et un million de passagers par an. Une attractivité et un savoir-faire portuaire reconnus par des entreprises déjà en place depuis de nombreuses années sur le port, à l’instar d’ITP Interpipe qui a renouvelé, en 2022, son autorisation d’occupation temporaire (AOT) pour une durée de quinze ans sur le terminal portuaire de Ranville. Assembleur de tubes terrestres et sous-marins hautement isolés thermiquement, le groupe parisien ITP Interpipe a choisi Caen pour y installer son unique usine, et devrait signer en début d’année 2023 un gros marché qui concernera plus de 80 km de pipelines. "Cela nécessitera de doubler la surface de l’usine et des ateliers qui passeront de 6 000 m2 à 12 000 m2. Ce projet représentera une année complète de production et le recrutement de 250 à 300 personnes", annonce Vincent Lefèvre, le directeur du site.

Sauver le port après la fermeture de la SMN

Pourtant, le port de commerce de Caen avait bien cru voir sa dernière heure arriver, après la fermeture de la Société Métallurgique Normande (SMN) et le départ de ses 1 300 salariés en 1993. L’usine sidérurgique, créée en 1917, qui a employé jusqu’à 6 000 personnes dans les années 80, représentait 42 % du trafic du port de commerce, soit une perte sèche d’environ 10 millions de francs de l’époque de recettes directes à sa fermeture. Sans oublier les quelque 400 emplois indirects (sous-traitants) impactés. Mais le port de Caen avait plus d’une corde à son arc. "Les dirigeants de l’époque avaient anticipé la fermeture de la SMN et s’étaient battus pour l’ouverture de la ligne de ferries dès 1986. Ce qui a permis de sauver le port", rappelle Antoine de Gouville. "La force du port de Caen réside aujourd’hui dans l’activité ferries de Caen-Ouistreham mais aussi dans la diversification de ses trafics de niche. La stratégie consiste à ne plus mettre tous les œufs dans le même panier, comme on l’avait fait avec la SMN mais au contraire de miser sur la polyvalence."
Le port compte malgré tout sur quelques "poids lourds" économiques qui participent à son développement, à l’instar de l’entreprise agroalimentaire caennaise Agrial (22 000 salariés, 6,2 Md€ de CA en 2021) qui a participé au renouveau du port de Caen dans les années 90 et qui occupe désormais deux sites portuaires, l’un pour le stockage de ses céréales, l’autre pour les engrais.

Des projets sur-mesure

Déjà bien fourni en entreprises, la zone portuaire affiche encore de la réserve foncière disponible — Photo : septiemeciel-images.fr

Déjà bien fournie en entreprises, la zone portuaire affiche encore de la réserve foncière disponible. "Malgré tout, nous sommes de plus en plus contraints par les risques d’inondation et les hauteurs d’eau redoutées. Chaque projet doit être étudié au cas par cas et nous devons faire du sur-mesure pour chaque entreprise qui souhaiterait s’implanter", reconnaît Philippe Deiss, directeur général de Ports de Normandie. Le choix d’accueillir telle ou telle entreprise sur la zone portuaire caennaise reste néanmoins lié à un souci de rentabilité régionale, plus qu’à une rentabilité purement portuaire en termes de trafic. "Le port est considéré comme la base avancée de l’économie locale, confirme Antoine de Gouville. Il participe activement au développement du territoire en termes d’emplois".

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