Regards croisés d'expatriés entrepreneurs en Bretagne Sud
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Regards croisés d'expatriés entrepreneurs en Bretagne Sud

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Elles/ils sont irlandais, suédois, roumain, américain… Ils ont choisi la France, et en particulier le Morbihan pour développer leur fibre entrepreneuriale. Quel regard portent-ils sur les différences d’état d’esprit et son évolution ?

Photo : Xavier Eveillé / DR Stefan Gallard / DR MGDIS

À Lorient-La Base, Ariane Pehrson, Suédoise, a fondé Lyophilise & Co en 2010, PME spécialisée dans l’avitaillement des marins et les plats traiteurs stérilisés (5,5 personnes ETP). Son regard d’expatriée est distancié tellement l’entrepreneure se sent européenne. La question la dérangerait, jusqu’à cette évidence : « S'il y a un domaine où ma Suède rejaillit, c’est le management. La plus grande différence vient du système scolaire. Le système suédois est basé sur la transparence et la bienveillance. L’élève se sent au même niveau que l’enseignant. »

Dans la vie de la PME lorientaise, cela se traduit par une grande autonomie. « Un enfant malade, un coup de pompe ? Je leur dis de rentrer chez eux ou d’aller faire du sport, tant que le boulot est fait. Je me fiche de savoir où ils sont passés. » La préparatrice de commande fait preuve d’initiatives ? Elle pilote les achats et gère la logistique.

Les points positifs ? « La force des réseaux d’entreprises, sans équivalent en Suède. » Elle se souvient d’avoir participé à une soirée avec des entrepreneurs chevronnés à plancher tous ensemble, pendant 4h, sur ses problématiques de jeune PME : « Je n'en revenais pas de toute cette disponibilité. »

Simona Vasile : De Bucarest aux fleurons du Morbihan

Directrice filière marketing pour MGDIS à Vannes (solutions informatiques), Simona Vasile est roumaine. Elle a rencontré à l’université de Bucarest son compagnon français et « s’est expatriée par amour. La Roumanie sortait de l’ère Ceausescu mais n’était pas encore dans l’Union Européenne. J’ai suivi des études à la fac tout en repassant le bac, faute d’équivalence ». Simona Vasile axe son parcours sur le marketing et l’international, travaillant pour des fleurons de l’économie morbihannaise comme l’intralogisticien Syleps, dont l’entreprise lui doit le nom de marque. Elle a aussi réalisé pour NKE une mission stratégique dans le cadre de sa poursuite d’études à la Rennes Business School.

Simona Vasile se définit comme une éternelle apprenante et saisit les occasions : « Vous n’imaginez pas les atouts de la formation continue en France ! » Cela ne l’empêche pas de s’essayer à d’autres méthodes, comme cette formation sur la créativité qu’elle suit sur ses fonds propres à Montréal. « C’est peut-être ce qui manque en France : on est parfois trop dans les cases. »

Stefan Gallard : Americano-breton

Le regard que porte le Vannetais Stefan Gallard est tout aussi instructif. Fils d’un vigneron angevin et d’une Américaine du Michigan, Stefan Gallard a grandi en France jusqu’au divorce de ses parents. À 17 ans, il décide de suivre sa mère à El Paso (Texas). Sa double nationalité l’amène à des études en commerce international. Il entre dans de prestigieuses agences de publicité comme le n°1 mondial WPP à Detroit puis chez sa filiale JWT à New-York, sur Park Avenue, dans l’exécution de campagnes pour Shell, Ford… « Je me suis retrouvé responsable marketing et sponsors à gérer les budgets com’ de Coca-Cola pour tout le Sud-Est des USA à 26 ans… mais je n’exprimais plus ma fibre internationale ! Je devenais Américano-américain. »

Stefan Gallard décide de rentrer en France et suit un MBA chez Audencia à Nantes. Puis, il entre chez InVivo NSA (actuel Neovia) à Saint-Nolff, où il rencontre sa compagne. « Elle a rejoint Olmix pour développer sa filiale brésilienne. J’ai décidé de la suivre et me suis rendu compte que je n’étais pas un cadre international mais occidental ! » Revenu vivre à Vannes, intervenant en marketing chez Audencia, Stefan Gallard vient de créer sa start-up dans les biotechs : « Le modèle français est très éloigné du brésilien. Ici, on réfléchit beaucoup avant de faire. Quand un projet est monté, il est déjà bien ficelé. Revers de la médaille, la peur de l’échec amène parfois à abandonner. Quitte à travailler pour rien. »

Amanda Grey : Irlandaise à la rescousse des entreprises en traduction

Amanda Grey a quitté son Irlande natale à 21 ans, maîtrise de traduction technique en poche. Elle intègre une PME à Orléans, part comme vacataire à l’Université d’Istanbul, revient en France en 1998. Elle sent les limites du modèle salarial classique. L’idée de créer son entreprise prend toute son importance après un grave accident de cheval qui lui laisse un an pour mûrir son projet.

« J’ai démarré en profession libérale avant de venir en Bretagne, en 2006. J’y ai créé mon entreprise dans la traduction technique pour l’automobile, les métiers de l’environnement et les biotechs. Ce qui m’a le plus surprise en France, c’est la peur de la sanction. Et dans les langues, c’est criant. Ce n’est pas grave de faire des fautes. » Heureusement, elle constate un changement fondamental, ces dernières années : les soft-skills, disciplines du développement personnel et émotionnel, gagnent le monde de l’entreprise.

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