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Pierre Crouzet : "Groupama veut être une tête de pont en matière d’offre durable"
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Pierre Crouzet directeur des risques climatiques et émergents au sein de Groupama Rhône-Alpes Auvergne "Groupama veut être une tête de pont en matière d’offre durable"

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Impacté financièrement par la hausse des aléas climatiques, Groupama Rhône-Alpes Auvergne ne veut pas se contenter d’augmenter ses tarifs. Il entend se positionner en tant qu’acteur engagé dans la lutte contre le dérèglement climatique.

Groupama Crouzet — Photo : Groupama

Groupama Rhône-Alpes Auvergne a récemment créé une direction des risques climatiques et émergents, dont vous êtes à la tête. Pourquoi cette nouvelle division ?

Nous y réfléchissons depuis plusieurs années. Le début de ce siècle ne se déroule pas du tout tel que nous l’avions imaginé à la fin des années 1990. On assiste à une série de bouleversements, de risques émergents, qui inquiètent tout le monde, et plus encore, les assureurs. Je parle du risque climatique, de la multitude de tempêtes, mais on peut aussi rajouter le Covid, que nous n’avions pas vu venir, les cyberattaques, que nous avions envisagées, mais dont nous avions sous-estimé la progression, ou encore les mouvements sociaux, comme les émeutes de cet été, la crise économique de 2008, l’instabilité géopolitique, etc. Notre objectif est de mieux mesurer, anticiper et imaginer des parades face à ces risques. Nous sommes une petite trentaine au sein de cette direction et nous avons la volonté de donner de la cohérence à notre action face à ces risques.

Si l’on s’intéresse uniquement au risque climatique, quel est le poids économique de ces aléas, pour un groupe comme le vôtre ?

Les trois principaux risques climatiques pour les assureurs sont la sécheresse et les risques de retrait-gonflement des argiles ; le phénomène de pluie diluvienne ; et les inondations. Ces six dernières années, les indemnisations liées à ces risques ont suivi une courbe fortement ascendante. En Auvergne-Rhône-Alpes, sur l’année 2023, qui est considérée comme une année sans excès climatique, les indemnités liées aux sinistres climatiques représentent 10 % de notre chiffre d’affaires, soit 120 millions d’euros pour 1,2 milliard d’euros de chiffre d’affaires. En 2022, qui a été une année d’extraordinaires orages et périodes de sécheresse, ces indemnités s’élevaient à 280 millions d’euros. Mais hormis cette exception, les indemnisations augmentent chaque année. Aujourd’hui, et c’est le cas depuis 4 ans, notre chiffre d’affaires est inférieur à l’addition du coût de l’indemnisation des sinistres et de nos frais de fonctionnement. Cette inflation des sinistres est globale. On ne parle pas que des risques climatiques.

Comment faites-vous face à ces évolutions ?

On veut à tout prix éviter de se retrouver dans la situation que connaissent certains États des États-Unis, comme le Texas, où les produits d’assurance sont dix fois supérieurs à ce qu’on peut proposer en France. Il va cependant y avoir une augmentation des tarifs. Ce n’est pas la peine de mentir. Les taxes, qui permettent d’alimenter le fonds dédié aux catastrophes naturelles, vont elles aussi augmenter. Mais cela ne sera pas suffisant. Nous réfléchissons à des leviers comme la hausse des franchises ou le renforcement des conditions d’indemnisation. Par ailleurs, nous devons prendre en compte, non seulement les conséquences du dérèglement climatique et mais aussi lutter contre ses causes. C’est pourquoi nous avons la volonté de nous positionner comme un acteur actif dans la lutte contre le dérèglement climatique.

Comment Groupama veut-il se positionner en tant qu’acteur durable ?

Aujourd’hui, Groupama veut être une tête de pont en matière d’offre durable. Cela passe par deux types d’offres. Premièrement, les placements et les produits financiers. On va proposer à nos clients — et la réglementation va d’ailleurs dans ce sens — des fonds durables. Aujourd’hui, il existe des fonds verts, mais ce ne sont pas nécessairement les plus rentables. Néanmoins, il existe désormais une clientèle qui a une appétence pour ces fonds et accepte cette rentabilité moindre. Nous avons aussi créé, avec la Région, un fonds commun de placement qui permet d’investir dans les entreprises régionales. Et à l’échelle du groupe, nous sommes en train de travailler sur de nouveaux fonds.

Quel est le deuxième type d’offres ?

Nous commençons également à travailler sur les produits d’assurance durables. Des produits qui permettent, par exemple, de réparer sa voiture, avec des pièces de réemploi plutôt qu’avec des pièces neuves. Nous incitons les carrossiers de notre réseau à le proposer aux clients. On pourra également réparer des appareils électroménagers endommagés lors d’orages plutôt que d’en racheter un neuf. On peut aussi proposer aux entreprises dont les toitures en plaques de fibrociment - nombreuses dans les exploitations agricoles - ont été endommagées par la grêle de les remplacer par du bac acier, beaucoup plus durable. On travaille actuellement avec des start-up qui forment des spécialistes des machines outils pour proposer des réparations en cas de panne. Tous ces produits d’assurance durables vont progressivement se mettre en place.

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