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Photonis muscle son usine de Brive pour démocratiser sa radiographie des matériaux
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Photonis muscle son usine de Brive pour démocratiser sa radiographie des matériaux

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Le groupe girondin Photonis s’active en coulisses pour diversifier son domaine d’activité historique, la fabrication de composants pour les systèmes de vision nocturne pour la défense. Il mise notamment sur une campagne de R & D à vocation industrielle destinée à radiographier des matériaux constitués d’hydrogène, ouvrant de multiples applications dans des secteurs émergents.

L’usine de Photonis à Brive (Corrèze), accueillera le laboratoire de test du projet de recherche Neutronis — Photo : Photonis

Que de chemin parcouru pour Photonis. Basé à Mérignac (Gironde), le fabricant de détecteurs électroniques et optoélectroniques, spécialiste reconnu de la vision nocturne, a échappé en 2021 à une opération de rachat de l’américain Teledyne des mains de la société de capital investissement Ardian. Aujourd’hui, l’entreprise de 1 200 salariés dont 550 au sein de l’usine de Brive-la-Gaillarde (Corrèze) poursuit une nouvelle dynamique avec l’aide de son nouvel investisseur majoritaire, le groupe HLD, basé au Luxembourg.

Essor et diversification

Multipliant les rachats (dernièrement l’allemand Proxivision et le canadien Telops) depuis sa propre acquisition, le groupe semble suivre à la lettre les intentions énoncées par HLD deux ans plus tôt, à savoir doubler son chiffre d’affaires - passer de 150 à 300 millions d’euros - d’ici à cinq ans. Déjà confronté à une forte hausse de la demande due à la guerre en Ukraine, il travaille à augmenter ses capacités de production "d’au moins 50% en deux ans", révèle Claire Valentin, directrice de la stratégie. "Certaines machines sont déjà en place, d’autres devraient arriver. Le contexte a généré un fort accroissement du taux d’équipements des pays limitrophes en lunettes de vision nocturne", continue-t-elle.

Au-delà de cette conjoncture, Photonis s’affaire à diversifier ses activités. "L’objectif est d’équilibrer notre portefeuille entre la défense, qui est, depuis notre création, notre cœur de marché et a tendance à être cyclique, et d'autres applications commerciales. L’objectif est de passer d’un équilibre de 70-30 à 50-50". Plusieurs secteurs ont ainsi été investis : la surveillance de sites sensibles comme les centrales électriques et nucléaires ou la surveillance des frontières, les sciences du vivant (biologie, microscopie) - via son implantation aux États-Unis - ou encore le contrôle non destructif dans l’industrie grâce à des caméras de contrôle des défauts sur les lignes de production, qu’il s’agisse d’agroalimentaire, de semi-conducteurs ou encore de pièces mécaniques.

Neutrons à vocation industrielle

C’est sur ce dernier marché que Photonis s’affaire à travers un projet de R & D ambitieux, baptisé Neutronis. Si le groupe affirme investir 6 à 8 % de son chiffre d’affaires (217 millions d’euros en 2022) en R & D, le montant de ce projet grimpe, lui, à 4,5 millions d’euros. Son objectif : rendre possible l’utilisation de la radiographie neutronique par l’industrie, pour contrôler la qualité des matériaux. Le tout doit être réalisé "aux mêmes conditions de coût, de sécurité et de commodité d’usage que les systèmes à rayons X existants", énonce Olivier Merlin, responsable de ce programme.

Le procédé existe déjà depuis une quarantaine d’années, mais il est jusqu’à présent soumis à de fortes contraintes. "Pour générer des neutrons, il faut un réacteur nucléaire. La radiographie neutronique est pour l’heure le privilège de gros laboratoires de recherche du nucléaire et utilisée pour la recherche fondamentale et la R & D au prix de coûts élevés, de longues listes d’attente et de conditions de sécurité drastiques, l’objet scanné devenant lui-même radioactif une fois activé par le générateur", poursuit ainsi le responsable.

La promesse de Photonis est d’utiliser un générateur de neutron compact pour délivrer un flux 80 millions de fois inférieur à celui d’un réacteur nucléaire. "Notre flux s’active à des niveaux infimes, en dessous des seuils fournis par le Code de la santé publique pour effectuer une déclaration d’exposition aux radiations. Le produit restera donc commercialisable sans devoir demander une autorisation voire sans devoir déclarer qu’il a été activé".

Le neutron, lui, dispose de caractéristiques complémentaires aux rayons X, dont l’industrie se sert couramment. Si ces derniers peuvent radiographier des métaux, comme l’aluminium ou le fer, "le neutron va interagir avec l’hydrogène, principal constituant des organiques comme les lubrifiants, l’eau, le carburant, le lithium ou la fibre de carbone. Cela ouvre de nouvelles applications", ajoute Olivier Merlin. Si le contrôle qualité des matériaux composites utilisant de la céramique dans les chambres de combustion des moteurs d’avions à hydrogène fait figure d’exemple parlant, le spécialiste cite aussi celui de la couche de lithium, contenue dans les batteries et agissant sur leur performance. D’autres applications sont envisagées, comme l’étude poussée d’objets patrimoniaux.

Un marché milliardaire

Le fait que Neutronis soit développé à Brive n’est pas un hasard : c’est sur ce terrain de six hectares, où est installée une usine de 6 800 m2, que Photonis fabrique des tubes intensificateurs d’image (pour entrer dans les fameuses jumelles de vision nocturne) ou des détecteurs de neutrons et de gamma destinés au monitoring des réacteurs nucléaires. "Il y a sur ce site toutes les compétences nécessaires pour mener à bien le projet", justifie le responsable.

Partenaire du projet, la société girondine ThinkDeep, experte en traitement de l’image par intelligence artificielle, gère la partie "computer vision" et traitement IA de l’image obtenue par le processus. Photonis est déjà à l’œuvre pour construire un laboratoire de test d’environ 200 m2 pour affiner le champ d’applications potentielles du projet Neutronis, pour lequel des industriels seraient déjà sur les rangs. Le bâtiment aux murs d’un mètre d’épaisseur devrait être livré fin juin. "Nous espérons accueillir des clients avant la fin de l’année", continue Olivier Merlin.

Le groupe, qui avait déjà réalisé un premier prototype aux États-Unis, mise gros sur ce projet. "Nous sommes en contact avec des fabricants de machines rayons X qui intégreront notre solution dans leur machine. Le rêve serait de fusionner les deux technologies, mais c’est une étape plus lointaine." Photonis espère aboutir à une machine commercialisable en 2025. "L’usine de Brive dispose encore d’un peu d’espace pour s’étendre et envisager, à terme, de fabriquer en volume les détecteurs de Neutronis. Le marché de la radiographie à rayon X pour usage industriel est estimé à un milliard de dollars par an", termine Olivier Merlin. "Même si nous prenions 5 % de ce marché, ce serait une activité énorme pour nous et un moyen d’assurer la pérennité de l’entreprise."

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