Vosges
Pavatex investit 27 millions d'euros pour se renforcer dans les isolants biosourcés
Vosges # Industrie # Investissement

Pavatex investit 27 millions d'euros pour se renforcer dans les isolants biosourcés

S'abonner

Quatre ans après son entrée dans le groupe alsacien Soprema, le site Pavatex de Golbey, dans les Vosges, bénéficie d’un nouvel investissement pour suivre la croissance du marché des isolants biosourcés. Les 27 millions injectés vont permettre de mettre en service une nouvelle ligne de production au deuxième trimestre 2022.

Pour répondre à la demande, Pavatex a produit 51 000 tonnes de panneaux isolants en fibres de bois en 2020 — Photo : © Jean-François Michel

« La demande pour nos produits est tellement forte que les délais d’attente pour livrer les clients commencent à s’allonger. Ils se comptent maintenant en mois… » Portée par la croissance du marché des isolants biosourcés (issus de matières renouvelables comme la biomasse végétale ou animale, d'éco-matériaux ou de matériaux recyclés), Pavatex, filiale du groupe alsacien Soprema basée à Golbey dans les Vosges, va bénéficier d’un investissement de 27 millions d’euros pour se doter d’une nouvelle ligne de production. Un nouvel outil industriel d’une capacité comprise entre 25 000 et 30 000 tonnes, dédié à la fabrication de panneaux isolants souples composés de laine de bois. Un nouveau produit pour le site de Golbey, qui fabriquait jusqu’à présent des panneaux isolants rigides en fibre de bois.

Exportant 80 % de sa production vers l’Allemagne et la Suisse, Pavatex veut maintenant renforcer ses positions en France avec les panneaux souples, où le marché est encore dominé par la laine de verre et le polystyrène. « La France est un pays de castor, s’amuse Bruno Gertsch, le directeur de la business unit "isolants éco-sourcés" du groupe Soprema. Les gens ont l’habitude de bricoler par eux-mêmes, les produits souples peuvent sembler plus simple à poser. » Des habitudes à l’opposé d’un marché comme la Suisse, où 80% des travaux d’isolation sont réalisés par des artisans.

« Sortir du pétrole »

Prise juste avant le début de la crise du Covid-19, la décision d’investir « n’a jamais été remise en cause par le PDG de Soprema », indique Bruno Gertsch. « Pierre-Etienne Bindschedler a une vision pour le groupe, il sait qu’il va falloir sortir du pétrole et investir dans le biosourcé y contribue. » En 2019, sur la lancée d’une trajectoire de croissance à 11 % en moyenne sur les dernières années, le groupe alsacien a passé la barre des 3 milliards de chiffre d’affaires et près de 8 500 collaborateurs. L’exercice 2020 ne devrait pas enrayer la dynamique.

Début 2021, la première étape de cette augmentation de capacité sur le site Pavatex de Golbey a été franchie : pour 2 millions d’euros, la société a finalisé la construction d’un « parc à bois », comprenant un équipement d’écorçage et de broyage de grumes, qui va permettre à Pavatex d’internaliser la production de plaquettes de bois entrant dans le process de fabrication des isolants. Un nouvel outil qui pourra notamment offrir un débouché aux « bois bostrychés », attaqués par le scolyte, ce petit insecte qui ronge les forêts vosgiennes.

En mars 2021, les travaux de la deuxième ligne de production de Pavatex, très similaire à la première, vont pouvoir commencer. La mise en service est programmée pour le deuxième trimestre 2022. « Nous allons embaucher une quarantaine de personnes pour la faire tourner, indique Bertrand Marchal, le directeur de l’usine Pavatex, qui emploie actuellement 63 personnes. Dans un premier temps, nous tournerons en 3x8, le temps d’éprouver notre organisation. »

Dernière usine de fibres de bois de Soprema

Sur la première ligne, mise en service en 2013, la productivité atteint aujourd’hui des sommets. « Nous avons fabriqué 51 000 tonnes de panneaux de fibre de bois en 2020 », précise Bertrand Marchal. « En 2015, nous étions à 38 000 tonnes et nous sommes partis pour faire 56 000 tonnes en 2021. » Très fortement automatisée, la ligne de production tourne grâce à six personnes, pour un total de 40 personnes dédiées à la production, qui se relaient en cinq équipes assurant huit heures de travail. « Peu à peu, nous avons fait sauter tous les verrous pour augmenter la production », détaille Bertrand Marchal.

Dans la salle de contrôle de l’usine, un opérateur surveille les paramètres de l’ensemble des process en temps réel sur une vingtaine d’écrans : derrière les vitres, dans un vacarme assourdissant, plus de 9 tonnes de fibres de bois par heure sont traitées pour constituer une sorte de matelas, avant d’être compressées pour former des panneaux, qui seront ensuite automatiquement découpés à la taille programmée. « Nous sommes la dernière usine de fibres de bois du groupe. Lors de la mise en production, c’était la deuxième ligne de ce type dans le monde », rappelle Bertrand Marchal, qui pointe la particularité du procédé : « Une fois cuite à la vapeur, les fibres de bois sont séchées en quatre secondes en parcourant un tuyau de plus de 200 mètres de long. »

Lors de la mise en service de la deuxième ligne de production, Pavatex disposera d’une capacité totale de plus de 75 000 tonnes, qui devrait lui permettre de consolider sa place sur le marché des isolants biosourcés. Il y a urgence : « Tous nos concurrents investissent sur ce marché, mais de notre côté nous avons trois projets de nouvelles usines », lâche Bruno Gertsch, qui souhaite rester discret sur ces futures implantations.

Une concentration dans le marché des matériaux biosourcés

Longtemps cantonné à une part de marché marginale sur le marché de l’isolation en raison de prix élevés, le "biosourcé" connaît actuellement une croissance de près de 10 % d’après les derniers chiffres disponibles. L’Association syndicale des industriels de l’isolation végétale estime que les matériaux biosourcés pèsent 8 % du marché total de l’isolation en France, pour une valeur globale de 1,4 milliard d’euros. Encore largement dominé par la laine minérale (pour 50 %) et les plastiques alvéolaires dont le polystyrène (pour 40 %), le marché de l’isolation en France voit chaque année environ 230 millions de mètres carrés d’isolants être posés dans les bâtiments.

Les isolants biosourcés restent donc encore une niche, mais le directeur de la business unit « Isolants éco-sourcés » du groupe Soprema tient à rappeler « qu’il y a 20 ans, on était à zéro ». En 2015-2016, le marché s’est restructuré rapidement, faute d’écouler la production : la société Actis a stoppé la production d’isolant souple, Homatherm a fermé son usine de Saint-Dizier, le groupe Saint-Gobain a mis la main sur Isonat et c’est aussi à cette période que Soprema a racheté le suisse Pavatex. Après la fermeture du site Pavatex de Fribourg en 2015, qui exploitait un procédé de fabrication « par voie humide », beaucoup plus énergivore que le « procédé sec » exploité à Golbey, c’est le site de Cham, en Suisse, qui a été fermé en mai 2019. Golbey va récupérer une partie des volumes produits.

La présence de Norske Skog, un avantage compétitif

La rationalisation de l’outil industriel de Pavatex étant achevée, les investissements programmés, du côté du groupe Soprema, les ambitions suivent la croissance du marché : « Notre objectif c’est que les isolants biosourcés pèsent pour 20 % du chiffre d’affaire total du groupe dans l’isolation, dévoile Bruno Gertsch. Actuellement nous sommes plutôt autour de 10 % », soit environ 150 millions d’euros. La nouvelle règlementation environnementale des bâtiments neufs (RE 2020) devrait conforter les ambitions de l’industriel. Avec une entrée en vigueur programmée à l’été 2021, elle fait la part belle aux matériaux constructifs biosourcés en tenant compte du carbone émis pendant l’intégralité du cycle de vie des matériaux : les matériaux stockant le carbone dans les bâtiments, comme le bois, sont donc très avantagés.

Tous les signaux passent donc au vert pour Pavatex Golbey, qui continue à tirer avantage de son implantation à proximité immédiate de l’usine du papetier Norske Skog (CA : 1,2 milliard d’euros ; effectif : 2 400 personnes). La possibilité de se fournir en énergie auprès de l’industriel norvégien a été un facteur déclenchant pour installer l’usine Pavatex à Golbey, en 2013, pour un investissement total de 60 millions d’euros.

Vosges # Industrie # Investissement # Production