Comme son ami Cédric Villani, ce mathématicien-là adore sortir de ses équations pour se plonger dans le bain de la vraie vie. En cela, le monde de l’entreprise ravit Michel Morvan. Dans sa récente vie de start-upper, celui qui fut professeur à l’École Normale Supérieure, avant d’être nommé directeur de l’innovation du groupe Veolia, donne sens à trente années de carrière académique et industrielle. Et, à l’entendre, il n’a jamais été aussi bien dans ses baskets. « Entreprendre ouvre sur le monde ! Le milieu universitaire ressemble quand même à une tour d’ivoire où l’on tombe vite dans l’écueil de l’entre-soi », décrit-il, marchant à toute vitesse du haut de ses 198 centimètres dans les allées du Web Summit, à Lisbonne, début novembre.
18 millions d'euros levés
Le "quinqua" était invité à présenter sa société Cosmo Tech, et son outil d'aide à la décision dédié à l'optimisation des actifs, lors de ce grand raout européen sur les technologies. Une intervention très attendue par des centaines de jeunes dirigeants, et pour cause : quelques semaines plus tôt, la scale-up (3,2 millions d’euros de chiffre d'affaires en 2016, chiffres confidentiels depuis) avait fait le buzz en levant 18 millions d’euros.
« Les données du passé ne suffisent pas pour prendre les bonnes décisions : c'est comme si on vous suggérait de regarder dans les rétroviseurs de votre voiture pour avancer. »
L'expert en systèmes complexes passe par la métaphore pour décrire l'entreprise. « Les données du passé, moulinées dans des réseaux de neurones et autres systèmes de machine learning, ne suffisent pas pour prendre les bonnes décisions, explique-t-il en anglais devant un public attentif. Un peu comme si, au volant d’une voiture, on vous suggérait de regarder dans les rétroviseurs pour avancer. Nous, nous apportons les phares, en ajoutant de l’intelligence augmentée aux données. »
Des "prédictions" sur mesure
Pour optimiser les actifs d’une entreprise, Michel Morvan parie sur un savant mélange d’intelligences artificielle et humaine. De l'intelligence "augmentée" donc. « Nous nous appuyons sur la vision de plusieurs experts qui ne se connaissent pas. Nous les modélisons informatiquement et les relions entre elles pour les faire interagir » décrit-il. Et de là naissent des "prédictions" qu’aucun spécialiste ne serait capable de produire à lui seul.
Avec quelques grands comptes (RTE, Alstom, GE, Nexans…) abonnés à ses outils, l’entreprise fait du sur mesure. Récemment, elle a conçu un outil de planification prédictive pour les programmes de maintenance des centrales nucléaires. Dans la foulée, un programme a été vendu à Navblue, filiale d'Airbus dédiée aux opérations de vols et à la gestion du trafic dans les aéroports.
Esprit pionnier et excellence
En phase d'hypercroissance, la start-up lyonnaise doit désormais recruter massivement. Michel Morvan table sur un passage de 80 collaborateurs - de 12 nationalités différentes - à 130 dans quelques mois. En tête des embauches, Sylvie Jullian, nouvelle DRH qui devra s’appuyer sur les valeurs des fondateurs : enthousiasme, esprit pionnier, esprit d’équipe et excellence. « Nous avons besoin de profils très bien formés, mais qui ne raisonnent pas tous pareils », détaille le mathématicien, qui veut amplifier la touche très internationale et multiculturelle de ses collaborateurs.
