Mécénat : quand les entreprises des Hauts-de-France s'engagent
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Mécénat : quand les entreprises des Hauts-de-France s'engagent

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Pratique quelque peu tombée en désuétude, le mécénat d’entreprise, mis en lumière par l’incendie de la cathédrale Notre-Dame-de Paris, revient en grâce auprès de structures de toutes les tailles, soucieuses de leur implication dans la vie du territoire. Au-delà des grands groupes, nombre de TPE et PME des Hauts-de-France sautent le pas.

De plus en plus d'entreprises optent pour le mécénat de compétences, qui permet de mener des actions peu coûteuses tout en impliquant des salariés très demandeurs. Ici, des salariés de Bouygues donnent un coup de frais à la Maison d'Enfants de Croix (Nord) — Photo : L'Engagement Simone

Avec l’afflux de promesses de dons émanant de grands groupes, et les polémiques qui ont suivi, l'incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris, le 15 avril, a mis en lumière, à son corps défendant, le mécénat d’entreprise. Une pratique relativement peu courante, puisque seules 9 % des entreprises françaises se sont déclarées mécènes en 2017, selon les chiffres de l’Association pour le développement du mécénat industriel et commercial (Admical). Laquelle rappelle que le mécénat est encouragé par la loi, qui permet aux entreprises de verser des fonds, donner des biens ou engager leurs salariés pour une bonne cause. En échange, elles peuvent déduire 60 % des sommes versées de leurs impôts et obtenir, sous forme de contreparties, jusqu’à 25 % de la valeur des dons.

Les Hauts-de-France à la traîne

Berceau de grands groupes familiaux et d’une culture d’entrepreneuriat social, la région Hauts-de-France n’est étonnamment pas en pointe sur le mécénat, selon les chiffres de l’Admical. En 2016, l’association plaçait le Nord – Pas-de-Calais au 11e rang des régions françaises sur la question, n’y comptant que 2 354 entreprises mécènes, soit 3,2 % du total français, pour 112,4 M€ de dons, soit 6,6 % du total récolté en France. La Picardie comptait, quant à elle, 1 040 entreprises mécènes, pour 9,5 M€ de dons déclarés. L’Admical note tout de même une multiplication par 2,6 des mécènes et des dons entre 2010 et 2016.

Pas de quoi, pour autant, permettre à la région de rattraper Île-de-France et Rhône-Alpes, qui abritaient respectivement, en 2016, 18,7 % et 12,8 % des entreprises mécènes françaises. « Historiquement en pointe sur le mécénat, la région est aujourd’hui distancée. Mais les grands groupes régionaux restent très actifs, souvent au travers de fondations ou de fonds de dotation. C’est le cas des Auchan, Decathlon, Roquette…, expose Katia Tudisco-Dahmani, déléguée régionale de l’Admical. En face, il y a une multitude de petits acteurs, avec peu de temps et de ressources à consacrer au mécénat. C’est pourtant un sujet émergent, qui rejoint des préoccupations contemporaines comme la RSE, ou un besoin d’ancrage dans le territoire. Comme les associations et les lieux culturels ont, de leur côté, davantage besoin de fonds privés, il y a une vraie conjonction autour du mécénat. »

Loin d’être anecdotiques, les cercles d’entreprises mécènes présentent plus d’un intérêt pour les bénéficiaires, souligne pour sa part Dounia Merabet, en charge du mécénat au musée de la Piscine, à Roubaix. « Notre club de mécènes compte une cinquantaine de membres, dont les cotisations sont un financement important pour le musée, de 60 000 à 100 000 euros annuels. Ce cercle est aussi mis à contribution pour des opérations ponctuelles : les récents travaux de la salle d’Histoire de Roubaix du musée ont été à 100 % financés par des entreprises, soit 500 000 €. Mais au-delà de l’aspect financier, la relation avec ces entreprises est un enjeu, puisqu’en invitant régulièrement leurs salariés, nous faisons découvrir le musée à un nouveau public. »

Les PME marchent au "coup de coeur"

Microcosme entretient son lien au territoire

Si la pratique se structure, notamment dans les grandes entreprises, où les sommes en jeu sont importantes, les TPE-PME s’offrent souvent le luxe de fonctionner au "coup de cœur". C’est le cas d’Alexis Dhellemmes, PDG de Microcosme, qui a lancé en 2011 la marque de cosmétiques bio Avril. La question du mécénat, absente aux débuts de l’entreprise, s’est tout naturellement imposée par la suite, sous différentes formes. « Depuis trois ans, Microcosme est mécène du musée de la Piscine. J’y ai un attachement fort, car Roubaix est la ville où nous avons eu notre premier siège social. En contrepartie de ma cotisation, nous avons des entrées, qui font plaisir aux salariés… L’objectif n’est évidemment pas la rentabilité, assure le dirigeant, mais de s’inscrire dans la vie de la métropole. »

La PME aujourd'hui implantée à Bondues vient également de signer une convention avec l’Opéra de Lille. « Nous leur fournissons gratuitement du maquillage pour les artistes. Il y a évidemment pour nous un enjeu en termes d’image, de qualité de nos produits. Mais comme pour la Piscine, mon attachement au lieu a beaucoup joué. Ce qui m’importe, c’est avant tout de pouvoir soutenir, à ma façon, deux institutions culturelles très importantes pour moi et la région », décrit Alexis Dhellemmes.

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Cathelain donne du sens à son action

C’est sur un coup de tête que le dirigeant de la boulonnerie nordiste Cathelain (90 salariés, 10 M€ de CA) a proposé de fournir gratuitement des pièces techniques pour la restauration de la toiture de Notre-Dame de Paris, après l’incendie. « J’ai déjà fait des dons, ou fourni des pièces à prix coûtant, pour la sauvegarde de patrimoine dans la région. Mais c’est la première fois que nous allons donner des pièces techniques. Le chantier sera long, et important. Mais s’il faut mettre 20 000 ou 30 000 euros par an, je suis prêt à le faire », pèse Christophe Cathelain. « Pour moi, l'entreprise a un rôle sociétal à jouer. D’ailleurs, la proposition a enthousiasmé les équipes, très heureuses de pouvoir faire quelque chose, à leur niveau. On a beau être une entreprise, on n’est pas que des commerçants. Il faut aussi que ce qu’on fait ait du sens ! »

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Le mécénat de compétences, du « gagnant-gagnant »

Du coup de cœur au coup de pub, dans le mécénat, la frontière est assez fine, pourrait-on persifler. Quelle importance, du moment que tous y trouvent leur compte ? rétorquent les acteurs régionaux qui font coïncider les élans de générosité des entreprises et les besoins, grandissants, des associations. Un rôle d’intermédiaire que joue, depuis deux ans, la TPE roubaisienne L’Engagement Simone, en promouvant le mécénat de compétences. Ce dispositif permet aux entreprises de mettre des salariés volontaires à la disposition d’associations pour des missions ponctuelles, sur leur temps de travail.

Cette solution, émergente, intéresse beaucoup de TPE ayant peu de moyens financiers. « Selon les envies, les besoins et l’expertise des entreprises, nous leur proposons des missions à effectuer au sein d’associations, à proximité. Cela peut aller des petits travaux de rénovation à des tâches plus complexes, selon les cas. Mais il faut que la mission réponde, évidemment, à un vrai besoin de l’association, et à des enjeux pour l’entreprise, comme améliorer la cohésion d’équipe… D’où l’importance du sur-mesure, pour que ce soit du gagnant-gagnant », détaille Anne-Élodie Le Gallès, dirigeante de l’Engagement Simone, dont la prestation peut être prise en charge par la Région.

La jeune entreprise a notamment conseillé Fabien Lanselle, président de l’agence digitale lilloise Neoweb (8 salariés, 500 000 € de CA), qui a lui-même testé le mécénat de compétences. « Par réseau, j’ai connu l’Engagement Simone, qui m’a proposé une mission auprès de l’Abej. Avec mon associé, nous avons conseillé cette association d'aide aux sans-abris dans la refonte de sa stratégie de communication », retrace le dirigeant. « En tout, nous avons consacré une dizaine de jours à l’association, dont l’implication auprès des publics en difficulté m’a beaucoup impressionné. Humainement et professionnellement, ça a été une expérience très enrichissante, puisque nous avons dû travailler pour un 'client' d’un genre nouveau. Je recommencerai sans aucun doute. »

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