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Magali Boisseau-Becerril : "Bedycasa va devenir un outil politique face à la crise du logement"
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Magali Boisseau-Becerril présidente de Bedycasa "Bedycasa va devenir un outil politique face à la crise du logement"

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Depuis août 2023, Magali Boisseau-Becerril relance la plateforme d’hébergement chez l’habitant Bedycasa qu’elle avait créée en 2007. L’entreprise montpelliéraine s’était développée, avant de cesser son activité en 2019, à la suite de l’intervention malheureuse de deux investisseurs successifs. Redémarrer après avoir essuyé une telle déconvenue, tel est le défi que la jeune cheffe d’entreprise relève face à un géant monopolistique.

Magali Boisseau-Becerril relance l’aventure Bedycasa, plus de quatre ans après une première liquidation — Photo : Bedycasa

La première vie de Bedycasa a connu une issue tragique…

J’ai créé Bedycasa en 2007, un an avant la naissance d’Airbnb. Cette plateforme numérique d’hébergement chez l’habitant a compté jusqu’à 400 000 membres, 60 000 hébergements dans 185 pays et 15 salariés. En 2014, un fonds d’investissement est entré au capital. En 2017, un autre investisseur (LSF) l’a racheté. Des divergences sont apparues et je suis partie en 2018, tout en gardant 10 % des parts de Bedycasa. LSF a liquidé Bedycasa fin 2019.

Pourquoi relancez-vous la plateforme ?

La fin de l’activité de Bedycasa n’était pas de mon fait, et j’ai été sollicitée pendant trois ans par l’ancienne communauté du site, qui ne comprenait pas pourquoi cela s’arrêtait.

Par quelles étapes êtes-vous passée ?

J’ai attendu la clôture de la liquidation judiciaire, fin 2021. J’ai pu récupérer le nom de domaine et tous les actifs de Bedycasa (la base de données), de façon légale, en payant par une offre indirecte portée par un tiers. L’autre étape a été l’accès au développement technologique. En 2021, je me suis formée en programmation, par le no-code. Les codeurs compétents sont rares et coûteux. Seule, grâce à cette technologie, j’ai pu mettre en place les mêmes fonctionnalités qu’Airbnb et ses 3 500 ingénieurs.

Avec mon premier associé, nous avons créé la SAS en avril 2022. Nous avons d’abord relancé les hébergeurs. Ensuite, depuis août 2023, nous avons ouvert l’activité commerciale pour les voyageurs. Nous fonctionnons sans publicité, par bouche-à-oreille et marketing participatif.

L’accès au financement n’a pas dû être simple ?

Non, en effet, j’ai été confrontée à beaucoup de portes fermées du fait de mon passé. Mais d’autres ont été ouvertes. En particulier, celle de la Banque Populaire du Sud. C’est une question de personnes. La BPI Occitanie m’a aussi soutenue : j’ai été lauréate de la bourse French Tech 2023. Ces structures soutiennent le rebond entrepreneurial.

En 2023, j’ai réalisé une première levée de fonds de 100 000 euros, via un financement participatif auprès de la communauté. Une deuxième levée de fonds se termine bientôt. Par ailleurs, deux fonds à impact sont entrés au capital en ce début d’année. Ils resteront minoritaires. Il s’agit du parisien Flore Group et du montpelliérain Human for impact.

Quelles différences y a-t-il entre le Bedycasa de 2014 et celui de 2024 ?

Aujourd’hui, Bedycasa est une entreprise à mission, qui défend le droit au logement, lutte contre le tourisme de masse et veut laisser une empreinte environnementale positive. Cette ambition est plus large qu’en 2007. L’activité reste ouverte aux voyageurs, mais nous mettons l’accent sur le besoin sociétal. Bedycasa va devenir un outil politique pour résoudre la crise du logement, en développant le statut de résident temporaire chez l’habitant. Les gens ne savent pas qu’ils peuvent louer une chambre inoccupée à des travailleurs ou des étudiants, hors du schéma du bail classique. Avec Flore Group, nous mettons en place des partenariats avec les Communautés de communes.

Nous militons pour un accueil éthique. Nous refusons les candidats qui présentent plus de deux annonces dans une ville de plus de 200 000 habitants, ainsi que les investisseurs immobiliers ou les hôteliers. Nos offres sont validées par un appréciateur de la communauté.

Quant à la structure de l’entreprise, nous mettons en place un modèle à impact écosystémique. Le pouvoir est détenu par la communauté. C’est différent du premier Bedycasa et d’Airbnb. Sa gouvernance est partagée. J’en suis la présidente, mais je tiens compte des avis du comité d’orientation stratégique, auquel chacun peut prendre part. 50 % de nos dividendes retournent à la mission et 50 % sont redistribués aux 180 actionnaires de la communauté. Avec notre club à impact, nous reversons 5 % de notre chiffre à des associations.

Commercialement, nous ne cherchons plus à développer l’activité partout dans le monde. Nous privilégions la France et l’Europe. Nous gardons des liens historiques avec Cuba, mais nous ne développerons pas les États-Unis ou la Chine.

Où l’activité en est-elle aujourd’hui ?

Nous sommes huit, bientôt dix, 100 % de femmes. Je suis la seule salariée, les autres sont freelance associées. Bedycasa compte 6 000 membres. Notre catalogue recense 2 900 logements. Depuis août 2023, nous avons reçu 2 000 demandes de réservation, 200 ont été converties. L’objectif est d’atteindre au plus vite le point d’inflexion de 10 000 logements. À partir de là, la demande afflue. J’ai déjà vécu une fois ce point de bascule et aimerais le revivre !

Quels enseignements tirez-vous depuis votre première expérience ?

On peut faire plus avec moins en utilisant des outils d’automatisation. Quand un robot peut mener des actions répétitives, il faut lui laisser. Pendant ce temps, on peut apporter de la valeur humaine à autre chose. Nous avons automatisé l’envoi de messages, la modération, etc. Autre point : nous n’avons pas de bureau, donc pas de charges fixes lourdes et de la souplesse pour recruter.

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