Rouen
Lubrizol : Après le choc, les acteurs économiques se mobilisent
Rouen # Industrie # Collectivités territoriales

Lubrizol : Après le choc, les acteurs économiques se mobilisent

S'abonner

Rouen salie, Rouen polluée, Rouen touchée… Mais Rouen ne s’avoue pas abattue… Après le choc de l’incendie du site Seveso de Lubrizol, les premières mesures de dédommagement se mettent en place et les acteurs économiques locaux se mobilisent pour rapidement redonner de l’air à la métropole rouennaise et limiter les conséquences de cet accident industriel majeur sur son attractivité.

Un nuage d'épaisses fumées noires, de 22 km de long et 6 km de large, s'est répandu sur l'agglomération rouennaise et jusqu'aux Hauts de France, suite à l'incendie de l'usine chimique de Lubrizol — Photo : S.C

Le 26 septembre dernier au matin, les habitants de l’agglomération rouennaise se réveillaient pétrifiés sous l’épaisse fumée noire de l’incendie du site Seveso seuil haut de Lubrizol France, fabricant et distributeur de produits additifs pour lubrifiants (3 sites en France, 1,1 Md€ de CA en 2017, 700 salariés). Une vision dramatique d’un sinistre industriel majeur, aux conséquences sanitaires inconnues pour la population, incrédule face aux premiers résultats d’analyses fournies par les autorités, et aux importantes retombées économiques négatives pour les entreprises impactées. Mesures de restriction sur les productions agricoles (mesures levées le 14 octobre par la Préfecture sur la collecte de lait, sur les produits laitiers, et sur l’accès des animaux aux pâturages), commerces aux chiffres d’affaires en berne sur les quais de Seine, entreprises à proximité du site à l’arrêt ou aux commandes en attente…

Le temps des premières mesures

Le 30 septembre, le Premier ministre, Édouard Philippe, était venu constater l’ampleur des dégâts in situ. « C’est un incendie considérable, spectaculaire et dangereux. Le gouvernement est mobilisé pour en déterminer les causes et conséquences dans une absolue transparence sur ces événements », avait indiqué le chef du gouvernement. Par la suite, pas moins de trois ministres avaient fait le déplacement à Rouen, le 11 octobre, pour venir rassurer les Rouennais et la population impactée par l’incendie du site Lubrizol. Élisabeth Borne, ministre de la Transition écologique et solidaire, Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé, et Didier Guillaume, ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, ont annoncé l’installation d’un Comité pour la transparence et le dialogue. Un outil destiné à apporter des réponses et des solutions aux conséquences sociales et économiques de la plus grande catastrophe industrielle en France, depuis celle d’AZF à Toulouse en 2001. « Ce comité de transparence a pour but de rompre avec ce qui s’était passé en 2013 », a notamment indiqué le Préfet Pierre-André Durand, rappelant le précédent incident survenu chez Lubrizol à Rouen. Signe de la mobilisation autour de la catastrophe, une bonne centaine de responsables politiques et socio-professionnels locaux étaient présents lors de cette réunion.

Le Premier ministre Edouard Philippe à Rouen suite à l'incendie du site chimique Lubrizol en septembre 2019 — Photo : © Sébastien Colle/JDE

Lubrizol confirme la mise en place d’un fonds spécifique

On ignore encore les causes et les circonstances exactes du sinistre qui a partiellement ravagé le site de Lubrizol et de son voisin Normandie Logistique où se trouvaient une partie de ses stocks (4 200 tonnes de produits calcinés dont 1 691 tonnes appartenant à Lubrizol, soit un total de 9 505 tonnes de produits brûlés lors de l’incendie). Mais les deux entreprises ont été sommées, par le Préfet, de fournir la liste des produits qui ont brûlé et rappelées à leurs obligations de surveillance environnementale sur les communes impactées et de suivi sur le moyen et le long terme, qu’elles doivent conduire et financer.

Alors que les demandes d’indemnisation, déjà chiffrées en dizaines de millions d’euros dans le domaine de l’agriculture, se font pressantes, Frédéric Henry, le président de Lubrizol France, a confirmé l’engagement pris par la firme devant le gouvernement de mettre en place un fonds spécifique. Sont concernés, les agriculteurs dont les récoltes ont pu être touchées par des suies issues de l’incendie, ainsi que les habitants, en lien avec les autorités pour déterminer le montant des aides à apporter. Des mesures supplémentaires étant à l’étude par l’industriel.

Élisabeth Borne a, pour sa part, de nouveau insisté sur la notion de pollueur-payeur avant de laisser augurer des évolutions dans la législation des sites Seveso. Une perspective à l’évidence partagée par les parlementaires présents qui ont porté le sujet devant l’Assemblée Nationale et le Sénat. La ministre a aussi évoqué la mise en place pour les catastrophes industrielles de ce qui existe en matière de transport avec le bureau d’enquêtes sur les accidents (BEA).

Eric Schnur, PDG de Lubrizol, veut faire toute la lumière sur l'incendie de son site rouennais — Photo : S.C

Après le choc, l’attractivité de la métropole en question

L’image de la métropole rouennaise ressort indéniablement abîmée d’une telle catastrophe industrielle. Et l’on peut légitimement craindre pour l’ensemble des efforts réalisés ces dernières années pour améliorer l’aura de la capitale normande, souvent assimilée à une ville industrielle. Une image que redoute Philippe Depreaux, président de la Chambre commerciale et artisanale de Rouen : « Alors que nous avions réussi à mener de nombreuses opérations très positives pour l’image de la métropole et du territoire, dont la magnifique réussite de L’Armada 2019, l’incendie de Lubrizol risque de raviver l’image de Rouen ville polluée, une image caricaturale qui ne correspond pas à la réalité ». Même s’il reconnaît une baisse d’activité des commerçants, les jours suivant l’incendie, Philippe Depreaux se veut optimiste. « Mis à part le jeudi du sinistre, dès le lendemain, tous nos commerçants étaient ouverts. Lorsque l’on est chef d’entreprise il faut savoir rebondir immédiatement. C’est une belle réaction de courage, très positive. Et puis, nous avons rapidement vu nos clients revenir pour nous soutenir ».

L’attractivité, objet de toutes les attentions des acteurs économiques locaux, tels que Xavier Prévost, président de la CPME Normandie qui espère « que ce n’est qu’un coup de frein, pas un coup d’arrêt » et qui s’interroge sur l’impact de l’événement « sur la population, les entreprises, les investisseurs, les étudiants, ou encore les cadres dirigeants. Je vais militer pour que tous les acteurs économiques locaux se fédèrent afin de mener une campagne en faveur de l’attractivité de la métropole rouennaise. Mais le fait que tous les acteurs se mobilisent sera fondamental. Cet accident industriel doit être un déclic pour que nous prenions conscience que notre effort doit être commun ». Un modus operandi également souhaitable pour Hervé Morin, président de la Région Normandie qui souhaite l’union des collectivités autour du sujet : « Il faut d’abord sortir de la période de doutes et d’aléas pour ensuite bâtir une vraie stratégie. Les collectivités doivent se réunir autour de la table pour relancer une dynamique positive. Toulouse a réussi à le faire après AZF, il n’y a pas de raison pour que Rouen n’y parvienne pas ». Une campagne de valorisation du territoire, c’est le vœu du président de la CPME Normandie : « En participant par exemple à des salons pour promouvoir le territoire et notre bonheur d’y vivre à travers notre culture, nos monuments, notre histoire et la force économique de notre région à travers ses belles entreprises et l’enthousiasme de nos jeunes créateurs ». Et Xavier Prevost de souligner l’importance de la reconnaissance du préjudice subit pour les commerçants et entreprises impactées. « Il faut les faire entrer dans le fonds de soutien de Lubrizol », insiste-t-il tout en se félicitant, à l’instar de Philippe Depreaux, de la capacité de résilience des Rouennais très nombreux lors de la Fête du ventre en centre-ville les 12 et 13 octobre dernier : « Il y avait du monde, du soutien et de la compréhension. C’est rassurant ».

Missing élément de média.

Aller de l’avant

Pour Vincent Laudat, président de la CCI Rouen Métropole, il est temps « de passer à une autre séquence et d’arrêter de parler sans cesse de Lubrizol. Nous avons été durement impactés mais il faut à présent penser à la suite, notamment aux fêtes de Noël si importantes pour nos commerçants. » Le président de la CCI souhaite, lui aussi, un travail commun pour mener de front la reconquête de l’image de la métropole. « Nous allons mener une stratégie à deux niveaux, assure-t-il. D’abord, à court terme, avec une société de référencement sur Internet pour diminuer l’impact des photos de la métropole suite à l’incendie. Ensuite, à long terme, avec un travail sur l’attractivité pour montrer les efforts réalisés à Rouen, entre les quais paysagers et l’ensemble des travaux effectués pour embellir la métropole. Nous serons pour cela épaulés par un cabinet spécialisé ». Le président de la CCI se pose également en garant des intérêts des entreprises et commerçants en se positionnant en interface entre eux et Lubrizol, « pour faciliter les dédommagements par Lubrizol ».

« Tout le monde doit se mettre autour de la table pour travailler à relancer l’attractivité et retrouver une dynamique positive », Hervé Morin, président de la Région Normandie

Rouen # Industrie # Collectivités territoriales