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Lionel Herbeau : "J’engage l’entreprise vers une croissance régénérative"
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Lionel Herbeau dirigeant d'Herbeau "J’engage l’entreprise vers une croissance régénérative"

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Après dix ans passés dans le giron du groupe Winckelmans, le fabricant de céramique sanitaire Herbeau a repris son indépendance en 2023. Son dirigeant, Lionel Herbeau, affiche l’ambition de multiplier par sept le chiffre d’affaires de la PME, fondée en 1857. Mais surtout, il entend la transformer pour en faire une entreprise régénérative, ayant un impact positif sur l’environnement et la société.

Lionel Herbeau est le dirigeant de l’entreprise Herbeau depuis 1997. Il vient de reprendre la majorité du capital de l’entreprise familiale, fondée en 1857 — Photo : DR

Vous avez repris l’entreprise familiale en juin 2023, c’est un projet que vous nourrissiez depuis longtemps ?

Lionel Herbeau : Ces dix dernières années, Herbeau (17 salariés, 1 M€ de CA) était une filiale à 100 % de Winckelmans. Ils nous ont soutenus à un moment où la société n’allait pas bien, et ils nous ont permis de nous retourner. Mais cette année, c’était le bon moment pour reprendre mon chemin, et redéployer l’entreprise. Winckelmans est une société sœur, elle est comme nous plus que centenaire, c’est une PME familiale, avec des dirigeants de la cinquième génération, comme moi… Ils ont très bien compris ma démarche, et m’ont facilité les choses.

Comment s’organise aujourd’hui le capital d’Herbeau ?

Je ne suis pas parti seul. Je me suis entouré de neuf investisseurs, en "love money", qui me permettent de voir l’avenir sereinement et de financer mes projets. Je possède désormais une courte majorité du capital d’Herbeau. Deux de mes investisseurs vont endosser un rôle opérationnel. L’un est un spécialiste du lean management et va donc prendre à bras-le-corps la réorganisation de la production. Et l’autre associée a, quant à elle, une belle carrière dans l’hôtellerie, notamment de luxe. C’est une cible qu’elle connaît très bien, elle va redéfinir notre approche commerciale. Ce sont des atouts de poids dans la refonte de l’entreprise.

Quels sont vos projets pour Herbeau ?

Mon plan est très simple : structurer la production, pour ensuite redéployer commercialement l’entreprise. Sur le fond, il s’agit de conforter l’entreprise dans ce qu’elle est, un fabricant de robinetterie et céramique, acteur de l’excellence à la française. Nous voulons assumer notre positionnement dans le luxe. Nous réalisons actuellement un million d’euros de chiffre d’affaires, je prévois de doubler ce chiffre à court terme, et d’atteindre les 7 millions d’euros d’ici cinq ans.

Nous sommes en train de remettre l’entreprise sur le chemin de la croissance. Mais je veux aussi transformer Herbeau en profondeur, pour contribuer à sa pérennité. C’est pourquoi nous nous engageons sur les principes d’une croissance régénérative. Nous sommes en train de nous inscrire auprès de la Convention des entreprises pour le Climat [une association rassemblant des entreprises engagées pour basculer d’une économie extractive vers une économie régénérative d’ici 2030, NDLR]. Nous voulons minimiser notre impact écologique, et passer en mode régénératif, pour avoir un effet positif sur l’environnement, et pas seulement négatif. L’idée sera de faire rimer écologie et économie, pour rendre plus à l’environnement que ce qu’on lui prend.

Quelles seront les étapes pour parvenir à un modèle régénératif ?

Il y a beaucoup de sujets sur la table. Pêle-mêle, nous sommes par exemple accompagnés par un expert pour optimiser nos cuissons, consommer moins lors de la montée en température, et récupérer la chaleur fatale de nos fours. Par ailleurs, nous cherchons à valoriser nos rebuts de production. Ils peuvent être concassés pour être réintégrés à la fabrication, avec un rendu intéressant. Nous travaillons aussi sur les emballages. Nos produits sont fragiles et voyagent loin, mais la mousse que nous utilisons pour les protéger représente beaucoup trop de déchets. Nous la remplaçons par un entrelacs de carton.

Enfin, nous voulons reconditionner nos produits. C’est un service que nous proposons déjà, de manière marginale. Des clients nous renvoient des robinets qui ont 30 ou 40 ans, nous les remettons en état, et ils sont repartis pour une nouvelle vie. Nous aimerions développer cela à plus grande échelle. Pourquoi pas en rachetant nos propres produits en seconde main pour les remettre en vente… Et nous avons encore d’autres pistes à l’étude !

Vous avez réorganisé la production dans cette perspective ?

Nous avons quitté Lomme dans le Nord fin 2023 pour nous installer à Villeneuve-d’Ascq, à la Pilaterie, dans des locaux plus adaptés à notre activité. C’est là que nous produisons notre robinetterie, avec 8 salariés. La céramique reste produite sur notre site historique de Desvres dans le Pas-de-Calais, où nous avons 6 personnes. À la Pilaterie, l’ensemble de la production est désormais rassemblé dans un seul atelier, dans une optique de lean. L’idée est d’insuffler des techniques de production industrielle dans un process très artisanal. Une fois que l’on aura musclé les capacités de production, nous serons en mesure de répondre à davantage de commandes.

Et d’un point de vue commercial, quelle stratégie mettez-vous en œuvre ?

Nous restons sur nos cibles historiques. D’une part, les prescripteurs, architectes, architectes d’intérieur ou décorateurs, et d’autre part, les professionnels de l’hôtellerie-restauration de luxe. Et bien sûr, les grossistes spécialisés. Ce sont des clients qui nous connaissent, mais que nous sollicitons peu. Nous travaillons principalement sur appels entrants, c’est un privilège. Et cela nous conforte dans l’idée que notre marché a une belle profondeur, que nous allons commencer à explorer.

Avec de solides arguments…

Nous faisons partie des quatre derniers fabricants français de céramique sanitaire, un atout que nous mettons bien sûr en avant, notamment à l’export. Nous réalisons 60 % de notre chiffre d’affaires à l’international, et pour moitié, sur le marché américain. Nos produits ont toujours beaucoup de succès outre-Atlantique, d’ailleurs nous allons aussi réactiver et étendre notre réseau de partenaires commerciaux aux États-Unis, des prescripteurs mais aussi des grossistes.

La production va augmenter, mais vous continuerez à réaliser du sur-mesure ?

En effet, nous pouvons faire de la petite et de la moyenne série mais aussi, du sur-mesure. Il n’est pas rare qu’un architecte par exemple, dessine une vasque pour un restaurant ou une chaîne d’hôtels, et nous demande de mettre en œuvre son idée. Nous allions parfaitement le savoir-faire technique et la créativité, pour réaliser ces pièces uniques. Mais cette expertise nous ouvre également des marchés très différents : JC Decaux est venu nous chercher par exemple, pour réaliser les cuvettes de 400 sanisettes pour les JO de Paris. C’est notre raison d’être, de répondre à des défis techniques, design ou décoratifs. Et parfois, aux trois à la fois !

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