L’investissement porte la croissance de Le Helloco Accouvage
# Agroalimentaire # Investissement

L’investissement porte la croissance de Le Helloco Accouvage

S'abonner

Dernier acteur indépendant de la filière française de l’accouvage d’œufs de dinde, la PME bretonne Le Helloco Accouvage a construit sa réussite autour d’une volonté ancrée d’investissement, même lors des nombreuses périodes de mauvais temps pour la filière.

Le Helloco Accouvage produit, chaque semaine, 450 000 œufs à couver et 250 000 dindonneaux d'un jour dans son couvoir de Loudéac. — Photo : @DR

La vie de la filière française de la dinde est loin d’être un long fleuve tranquille. Chahutée depuis une vingtaine d’années, elle est notamment confrontée à un recul important de la consommation sur son marché domestique et à une concurrence accrue de la part de ses voisins européens. Longtemps leader incontesté sur le Vieux Continent, structurellement organisée pour l’exportation, la France est aujourd’hui concurrencée frontalement par l’Allemagne et la Pologne.

Dans ce contexte, le premier maillon de la chaîne, celui de l’accouvage, étape qui consiste à produire des œufs à couver de dinde et des dindonneaux d’un jour, a dû lui aussi s’adapter. D’une filière composée d’une dizaine d’entreprises familiales, le secteur se concentre désormais autour de quatre grands acteurs. Le couvoir de Doux-Betina, à Elven dans le Morbihan, a été racheté en 2013 par le géant LDC. La même année, le hollandais Hendrix Genetics mettait la main sur les activités de l’angevin Grelier. En 2016, c’est le groupe britannique Aviagen Turkeys qui avalait le couvoir Le Sayec, à Caudan, dans le Morbihan.

La dinde comme fil conducteur

Aux côtés de ces trois mastodontes de la volaille, Le Helloco Accouvage, basé dans les Côtes-d’Armor, à Loudéac, est désormais le dernier acteur dans l’Hexagone à se prévaloir d’une indépendance capitalistique et financière. « Cette dimension, impulsée par mon père Pierre Le Helloco, fait partie de notre ADN, précise Estelle Tanguy-Le Helloco, désormais à la tête de la PME qui emploie 160 salariés et réalise 25 millions d’euros de chiffre d’affaires. Régulièrement, je suis sollicitée pour un rachat de l’entreprise. J’ai toujours dit non et je continuerai à le faire car l’entreprise se porte bien et je pense qu’un acteur indépendant a toute sa place dans un marché, certes en recul et bataillé, mais qui offre encore de véritables promesses de croissance. »

Pour Estelle Tanguy-Le Helloco, la raison principale de la pérennité des activités de Le Helloco Accouvage, depuis 50 ans, est à chercher du côté d’une volonté, chevillée au corps, d’investir par tous les temps, même dans les périodes les plus difficiles. « L’exemple typique de notre stratégie est la construction, en 2005, d’un couvoir ultramoderne à Loudéac que nous avons agrandi deux fois, en 2010 et en 2015. C’est au total un investissement de 30 millions d’euros auxquels s’ajoute, chaque année, une enveloppe d’investissement de 2,5 millions d’euros. » En 2013, l’opérateur costarmoricain a même pris un risque supplémentaire en reprenant les activités de son voisin France Dinde, basé à Uzel, placé en redressement judiciaire.

Estelle Tanguy-Le Helloco, PDG de Le Helloco Accouvage à Loudéac, mise sur une croissance à l'export et un maintien de ses activités en France. — Photo : @DR

La clé de voûte des éleveurs

Ces efforts financiers, couplés à une décision de rester concentré sur le marché de la dinde, sans volonté d’aller chercher des relais de diversification sur d’autres espèces (poulet, pintade, etc.) ont assis les fondations de Le Helloco Accouvage. « Mes parents m’ont vite inoculé l’envie de m’engager dans l’entreprise, ajoute Estelle Tanguy-Le Helloco. La question de la transmission, et des risques inhérents de déstabilisation qui vont avec, n’a jamais été problématique contrairement à d’autres acteurs de la filière. »

Le Helloco Accouvage peut aussi compter sur une stratégie de filière qui lui permet aujourd’hui de compter 27 élevages en propre et 26 élevages indépendants en intégration, basés dans le grand Ouest. « C’est un maillon stratégique aussi bien pour les sites de pontes d’œufs que pour ceux d’élevage des futurs reproducteurs, précise Estelle Tanguy-Le Helloco. Nous y avons collectivement monté, année après année, le niveau d’exigence sanitaire, environnemental et qualitatif. »

Dernier exemple fin 2019 avec la mise en service de l’élevage de Ploeuc-L’Hermitage pour lequel un million d’euros a été investi. « Le bâtiment de 3 000 m² accueille 6 000 pondeuses et développe de nombreuses innovations techniques pour faciliter la vie des salariés et optimiser le bien-être animal, précise Yan Huby, responsable de production chez Le Helloco Accouvage. Je pense au système d’aération ou au convoyeur des œufs pondus vers la salle de conditionnement. Cette politique d’investissement en amont du couvoir va se poursuivre car nous devons, aujourd’hui, accélérer le renouvellement de notre parc. »

L’export en ligne de mire

Avec 450 000 œufs à couver de dinde produits chaque semaine, Le Helloco Accouvage est aujourd’hui un acteur reconnu dans le monde entier. « L’excellence de l’agriculture française, notamment la biosécurité de la filière, est une véritable carte de visite à l’export, confirme Estelle Tanguy-Le Helloco. Aujourd’hui 60 % de notre production est dédiée au marché hexagonal sous forme, majoritairement, de dindonneau d’un jour vendu à des industriels du secteur comme LDC, via des organisations de producteurs. Le solde est destiné à l’export via des transferts en avion ou en camion pour finir leur incubation dans les couvoirs des clients. »

Avec un marché national en recul, l’international représente, pour Le Helloco Accouvage, le principal relais de croissance de l’entreprise. De 13 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2013, la PME a atteint 22 millions d’euros en 2016 et 25 millions d’euros en 2019. « Nos marchés naturels, par leur proximité, sont l’Europe et la Russie, précise Estelle Tanguy-Le Helloco. Nous avons également développé, depuis quelques années, des relations avec des partenaires en Iran ou en Égypte. »

L’opérateur breton n’entend toutefois pas abandonner, en chemin, ses clients français. « Je veux reconquérir des parts de marchés en France car je défends la dinde française. Certes, nous pourrions accélérer à l’export mais il faut mesurer les risques engagés, par exemple au niveau géopolitique avec un pays qui se peuvent se fermer du jour au lendemain. Je mise davantage sur un mix bien équilibré des activités de l’entreprise. Nos clients français nous assurent des achats réguliers et cette régularité est importante car nous avons du cheptel à placer toutes les semaines. À nous aussi d’aller capter des marges en étant encore plus productifs, ce qui passe, là encore, par des investissements toujours plus nombreux dans les années à venir. »

Encadré

Le marché de la dinde reste chahuté

Depuis quelques années, les Français boudent la dinde. Alors qu’elle se situait proche de 7 kg par an jusqu’en 2008, la consommation de cette catégorie de volaille s’établit désormais autour de 4,7 kg (source Agreste). Ce recul, qui s’est ralenti en 2018, s’effectue dans un contexte de stabilité pour la filière volaille de chair actant, chez le chaland, un phénomène de substitution au profit essentiellement du poulet dont la consommation augmente tous les ans. En amont, la filière de l’accouvage de dindonneau est directement impactée. De deux millions d’œufs produits chaque semaine en 1999, la production est descendue à 750 000 œufs par semaine, en se concentrant, sur la même période, autour de quatre grands acteurs dont un seul indépendant (Le Helloco Accouvage).

Pour pallier cette désaffection, les professionnels du secteur, rassemblés au sein du Comité interprofessionnel de la dinde française (Cidef), veulent inscrire la filière dans la démarche « Volaille française », de plus en plus plébiscitée par les consommateurs. La production de dinde est relativement bien engagée dans cette démarche avec 22 Label Rouge et une appellation d’origine protégée, la dinde de Bresse. « La problématique de la dinde est qu’elle reste un marché historiquement dominé par le premier prix, précise Estelle Tanguy-Le Helloco, PDG de Le Helloco Accouvage. Des tentatives de segmentation existent, au-delà des signes de qualités, comme le bio mais cela reste des niches qui ne pourront pas nourrir tout le monde. »

La consommation de dindes est en recul depuis 20 ans au profit du poulet et d'autres types de viandes. — Photo : @DR
# Agroalimentaire # Investissement # International