Moselle
"L'idée du plan de relance, c'est que le meilleur gagne"
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Laurent Touvet préfet de la Moselle "L'idée du plan de relance, c'est que le meilleur gagne"

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Mardi 6 juillet, le préfet de la Moselle Laurent Touvet présentait les chiffres concernant les aides apportées par l’État aux entreprises du département. À ce jour, elles sont 81 à avoir bénéficié d’une subvention à l’investissement industriel dans le cadre de France Relance. Au total, ce sont 54 millions d’euros d’argent public qui ont été versés aux lauréats du territoire. Qu’ils soient dans le besoin. Ou non.

Le 6 juillet 2021, le préfet de la Moselle Laurent Touvet a fait le point sur le déploiement de France Relance dans le département, dix mois après son lancement officiel — Photo : Lucas Valdenaire

Parmi les 81 entreprises soutenues en Moselle par France Relance figure ArcelorMittal (63 Md€ de CA en 2019). Cette dernière est d’ailleurs lauréate de deux appels à projets ("Modernisation automobile" et "Relocalisation dans les secteurs critiques"). Quel est l’intérêt d’octroyer des subventions publiques, sans aucune contrepartie, à de tels grands groupes ?

Laurent Touvet : Il n’y a aucune raison de les traiter différemment, s’ils ont des projets qui permettent de relocaliser des activités de production ou de favoriser la recherche et le développement d’investissements en France. Ce sont aussi des entreprises qui font vivre un grand nombre de salariés : ArcelorMittal, c’est plus de 3 000 emplois sur notre territoire. Dans le plan de relance, il y en a pour les artisans, les travailleurs indépendants mais aussi pour les entreprises déjà installées qui ont des projets de croissance et qui font rayonner, par leur sous-traitance, tout un bassin économique. Je ne vois pas en quoi leur octroyer des subventions ne serait pas pertinent. Même si on peut se dire que, comme elles font un chiffre d’affaires de je ne sais combien de milliards, elles en ont peut-être moins besoin. Mais elles concourent aussi au soutien de l’économie nationale.

"Je ne vois pas pourquoi les grandes entreprises seraient écartées du soutien public à l’économie."

Vous l’avez dit, ces grandes entreprises en ont "peut-être" moins besoin. C’est même une certitude puisqu’elles ont les moyens de déployer de gros investissements sans aucune intervention publique. Aurait-il été plus judicieux de flécher tous ces millions d’euros vers des structures plus petites qui, elles, en ont réellement besoin ?

Laurent Touvet : Les grands groupes connaissent aussi des difficultés. Regardez Air France et la SNCF qui ont reçu des subventions très importantes pour les aider à franchir cette période très difficile. Je ne vois pas pourquoi les grandes entreprises seraient écartées du soutien public à l’économie. D’autres pays pratiquent de même et c’est souvent grâce à ces grandes entreprises qui rayonnent sur tout un bassin économique qu’on arrive à créer de l’activité et donc à maintenir de l’emploi. Aussi, ces grandes entreprises ont plus facilement accès au marché mondial dont les commandes permettent de dynamiser l’activité locale.

Les grandes entreprises, dont les projets d’investissements sont généralement plus ambitieux, reçoivent de fait, des subventions plus importantes. C’est généralement l’inverse pour les PME. Est-ce, là encore, un calcul pertinent ?

Laurent Touvet : Je ne pense pas que le pourcentage soit toujours le même. Et parfois, une subvention relativement modeste par rapport au projet est une marque de confiance de la puissance publique qui déclenche d’autres interventions et notamment le soutien des banques. Même si le soutien est modeste au départ, il permet souvent de réunir les financements nécessaires.

"L’objectif est de dépenser l’argent du plan de relance avant la fin 2022. L’idée, c’est que le meilleur gagne. Premier arrivé, premier servi."

Mettez-vous en place un dispositif de contrôle pour vérifier comment la subvention publique est effectivement dépensée par l’entreprise ?

Laurent Touvet : Normalement, nous avons vocation à contrôler tous les lauréats. Cela ne veut pas dire que tout le monde sera contrôlé mais cela veut dire que tout le monde peut l’être. C’est comme pour un contrôle fiscal. S’il y a une mauvaise utilisation de l’avantage accordé, il y aura une sanction dissuasive.

Y a-t-il une enveloppe globale "France Relance" dédiée à la Moselle ?

Laurent Touvet : L’objectif fixé par le gouvernement est de dépenser l’argent du plan de relance avant la fin 2022. Mais il n’y a pas d’enveloppe départementale. L’idée du plan de relance, c’est que le meilleur gagne. Premier arrivé, premier servi.

Y a-t-il une date butoir pour candidater ?

Laurent Touvet : Il n’est pas trop tard pour monter son dossier. Des appels à projets sont encore disponibles dans différents secteurs économiques.

"Une subvention, ce n’est pas pour la mettre sur un livret d’épargne. La relance, c’est maintenant."

Certaines collectivités locales ont, elles aussi, bénéficié de subventions. Les investissements annoncés, notamment dans le BTP, ont-ils été lancés ?

Laurent Touvet : Oui et d’ailleurs, c’est un des critères de l’attribution des subventions : que le projet soit prêt à démarrer. Une subvention, ce n’est pas pour la mettre sur un livret d’épargne. Elle doit être dépensée le plus vite possible. Et cela, je le dis aussi aux chefs d’entreprise. La relance, c’est maintenant, ce n’est pas dans deux ans. Mais ce que nous disent les collectivités locales, c’est qu’elles font face aux mêmes problèmes que les entreprises. Les devis effectués il y a six mois se retrouvent difficiles à respecter sauf à mettre en difficulté les entreprises qui se sont engagées sur un prix mais qui, dans l’intervalle, ont connu des hausses de prix de matières premières très significatives. Je vais donc voir avec mes équipes pour augmenter très légèrement le taux de la subvention pour que le reste à charge de la collectivité locale ne soit pas trop élevé et reste à peu près ce qu’elle avait prévu au départ.

Par ailleurs, parmi toutes les autres entreprises mosellanes qui n’ont pas bénéficié de France Relance, combien ont déjà été contraintes de cesser leur activité ?

Laurent Touvet : Je n’ai pas d’indication chiffrée. Les contacts que nous avons avec les tribunaux judiciaires montrent qu’il y a très peu d’activité de redressement et de liquidation. En revanche, c’est sans doute dans les semaines et les mois qui viennent que nous risquons de découvrir des entreprises qui auront du mal à repartir quand les aides viendront à s’éteindre. Dans une économie de marché, on ne peut pas vivre en permanence sous perfusion d’argent public. La vie normale va devoir reprendre. Et c’est maintenant qu’on va le redécouvrir. À la demande du ministre de l’Économie et de la Relance, nous avons mis en place un comité départemental de sortie de crise avec les partenaires bancaires et les organismes consulaires pour étudier la situation des entreprises qui auront des difficultés et voir comment les aider à redémarrer. Mais malheureusement nous ne pourrons pas toutes les sauver.

D’autant que la plupart doivent encore rembourser leur PGE (7 000 entreprises mosellanes ont contracté un total d’1 milliard d’euros de Prêt garanti par l’État, NDLR). Cela va-t-il aggraver la situation ?

Laurent Touvet : Nous ne savons pas très bien ce que ça va donner. Des entreprises vont y arriver mais pour rembourser, ce qui est sûr, c’est qu’il faut créer de l’activité et certaines auront sans doute du mal. Il y aura donc des arbitrages à faire avec le secteur bancaire en fonction des situations. Si l’entreprise mérite d’être aidée encore davantage, plus longtemps ou sous d’autres formes. Ou si elle n’a plus d’avenir économique viable. L’objectif zéro disparition est totalement irréaliste mais nous essayons toujours d’en sauver un maximum.

Moselle # Services de l'Etat # Conjoncture # Politique économique