Les universités et écoles angevines en plein boom
Enquête # Organismes de formation # Politique économique

Les universités et écoles angevines en plein boom

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Angers accueille aujourd'hui 43 000 étudiants, soit 13 000 de plus qu'il y a 20 ans... Un boom qui s'explique par l'augmentation de la population. Mais pas seulement. L'attractivité des formations et du territoire ainsi que la demande des entreprises accélèrent encore l'essor du monde académique.

À l'image de l'école d'ingénieurs Esaip, dont l'effectif angevin a bondi de 350 à 950 étudiants entre 2014 et 2020, les grandes écoles et universités ont connu un formidable essor dans la préfecture de Maine-et-Loire — Photo : ESAIP

Un chiffre suffit à marquer les esprits : entre 2000 et 2020, le nombre d'étudiants a bondi de 45 % sur Angers. Environ 43 000 élèves essuient actuellement les bancs des facs et grandes écoles. Pourquoi un tel phénomène ? L'enseignement supérieur a pris ses quartiers dans la ville il y a longtemps déjà. Depuis son bureau du quatrième étage, le président de l'Université d'Angers (UA), Christian Roblédo, surplombe presque 700 ans d'histoire. Fondée au Moyen-Âge en 1337, l'université d'Angers fut l'une des premières ouvertes en France, après Paris, Orléans, Toulouse et Montpellier. Supprimée après la Révolution, elle réapparaît en 1971. Avant d'exploser : de 7 000 étudiants en 1981 à 26 000 aujourd'hui.

Baby boomers de l'an 2000

Un essor en partie mécanique. « Le nombre d'étudiants ne cesse d'augmenter suite au baby-boom des années 2000 », relève Christian Roblédo. L'amélioration progressive du taux de réussite au baccalauréat en France (95,7 % d'admis en 2020 contre 88 % en 2019) renforce encore l'afflux de jeunes.

Mais ces tendances nationales n'expliquent pas tout. « En nombre d'étudiants à l'Université rapporté à la taille de l'agglomération, Angers fait partie du Top 5 français », calcule Christian Roblédo. À titre de comparaison, la ville du Mans abrite 13 400 étudiants d'après les chiffres du ministère de l'Éducation Nationale, la Vendée 6 600. La préfecture de Maine-et-Loire n'a pas non plus à rougir face à Nantes et ses 62 000 étudiants, répartis sur une métropole deux fois plus grande.

L'attractivité locale joue aussi. « Angers reste toujours bien classé dans les enquêtes sur les villes universitaires où il fait bon vivre », constate Pascal Richomme-Peniguel, vice-président de l'Université. Cette bonne note tient également à la performance des établissements de formation. « L'Université d'Angers affiche le meilleur taux de réussite en licence sur 3 ans », rappelle son président, qui met aussi en avant la politique d'accueil et les nombreux services aux étudiants, des bibliothèques universitaires aux services de santé. La richesse de la formation séduit également. Avec une offre qui s'étend largement au-delà du vaisseau amiral de l'UA et de l'Université catholique de l'Ouest, sa voisine qui compte plus de 12 000 étudiants et vient d'ouvrir un sixième campus à Niort. Une constellation de grandes écoles, souvent issues de leur giron, gravite tout autour, dont une foule d'écoles d'ingénieurs (Eseo, Esaip, Arts et Métiers Paristech, Polytech Angers, ESA, Agrocampus Ouest, Istom...), des écoles de commerce (Essca, IAE Angers...), de tourisme (Esthua), etc.

Des profils d'ingénieurs qu'on s'arrache

Cette offre large inclut des formations très recherchées. Comme la formation « ingénieur généraliste des nouvelles technologies » de l'Eseo (1 500 étudiants), qui touche à la fois à l'électronique, l'informatique, aux télécoms, aux questions d'énergies, etc. « 99 % de nos étudiants obtiennent un CDI dans les six mois qui suivent leur diplôme. 85 % ont même déjà trouvé un travail avant la fin de leurs études !, a chiffré Frédéric Huglo, son directeur général. Ce qui montre bien que les entreprises ont besoin de nos ingénieurs. » À l'Esaip, les deux diplômes phares de l'école débouchent sur des métiers en tension : ingénieur du numérique (spécialisé en IA, cybersécurité ou big data) et ingénieur en gestion des risques et environnement. Un second profil que les entreprises se sont arraché lors de la crise du Covid. « À l'issue du confinement, elles ont eu besoin d'ingénieurs Qualité-Hygiène-Sécurité-Environnement pour remettre les usines en route dans de bonnes conditions sanitaires » raconte Christophe Rouvrais. Pendant un mois, le téléphone a sonné et l'école a reçu 150 offres d'emploi, en particulier en logistique et grande distribution. L'anecdote révèle le lien étroit qu'entretient l'Esaip avec les entreprises. Et qui se resserre aujourd'hui, dixit son directeur. « On reste à leur contact pour connaître leurs besoins et identifier les filières émergentes. L'école passe son temps à renouveler ses programmes, à ajouter des spécialités. C'est d'autant plus important que 80 % des métiers de 2050 n'existent pas encore », détaille-t-il. Exemple d'adaptation, le Bachelor en « cybersécurité en internet des objets », qui verra le jour à la rentrée 2021, a été créé à la demande et avec le soutien de 35 entreprises de la région, dont Specinov, Empreinte digitale, la Société Nationale des Objets Connectés, Odo-via Smart Systems, iBoo Technologies, Sigma... Cette demande des professionnels explique en partie l'essor de l'école. À l'arrivée de l'actuel directeur en 2014, l'Esaip comptait 350 étudiants sur son seul campus angevin, ils sont 1 100 aujourd'hui (950 à Angers, 150 sur les sites d'Aix-en-Provence et Reims). À noter que l'Esaip a également élargi sa formation à partir du niveau post-bac (et non plus seulement bac + 3) et séduit par son contenu pédagogique agrémenté de trois voyages à l'étranger et d'un projet citoyen à réaliser. L'association investit actuellement 12 millions d'euros pour agrandir ses locaux de Saint-Barthélémy d'Anjou de 5 000 m² à 9 500 m² d'ici début 2022.

Une croissance qui n'est pas sans rappeler celle de l'Essca et ses 1 900 étudiants à Angers (contre 1 500 en 2016). L'école de management a annoncé l'an dernier vouloir investir 100 millions d'euros (dont 15 M€ en Anjou) d'ici 2024 pour intégrer le top 30 des business school en Europe. Et porter ses effectifs de 6 500 étudiants à 8 200 à cette échéance, tous campus réunis, de Budapest et Shanghaï à Angers, Cholet, Paris ou encore Aix-en-Provence, Bordeaux et Lyon (ces trois derniers créés en 2016). Quasiment chaque Français trouve aujourd'hui un site de l'école à moins de 3 heures de route de chez lui. Un argument notamment auprès des familles françaises, mais aussi des entreprises, avec qui elle cherche à renforcer ses liens. « Je dis aux parents d'élèves : ni vous, ni vos enfants, n'êtes les clients de l'école. Parfois, ça choque un peu... Mais le client final, c'est la société en général et les entreprises en particulier, confie Jean Charroin, directeur général du groupe Essca. Le but reste qu'un étudiant trouve un emploi qui réponde à un besoin. » Dans cet esprit, l'école a notamment obtenu un statut de CFA en avril dernier. « Nous devrions dépasser les 800 étudiants en apprentissage et contrat de professionnalisation dans trois ans », estime son directeur. Autre symbole, l'Essca structure peu à peu sa recherche autour de laboratoires « dont l'un des critères de performance sera la part du financement issu des entreprises ou pouvoirs publics », comme une preuve que l'école met le doigt sur des attentes économiques et stratégiques de terrain. Si le boom des écoles et des facs s'explique bien sûr par une myriade de facteurs (attractivité du territoire, qualité de formation, besoin d'étoffer son maillage territorial, d'obtenir une taille critique...), le rapprochement du monde de l'entreprise en est aussi l'une des clés.

Nouvelles passerelles UA-entreprises

Située à deux pas, l'Université d'Angers multiplie aussi les ponts avec le monde économique. En témoigne, la récente création d'une fondation de l'UA autour de mécènes allant de Scania, du Crédit Mutuel Anjou et du cabinet comptable Sorex à Angers Loire Métropole et au Conseil départemental, qui soutiennent des projets de la recherche et d'insertion professionnelle, notamment. Avec pour ambition d'atteindre un million d'euros de budget dans les prochaines années.« Les liens avec les entreprises se resserrent aussi à l'UA. Cela contribue à faire grandir l'Université, observe Pascal Richomme-Peniguel. De plus en plus de professionnels interviennent pour donner des cours ou des conférences avec partage d'expérience, l'alternance et la recherche pour les entreprises se développent... » Indicateur parlant, il existe aujourd'hui « 70 formations en apprentissage à l'Université d'Angers, contre une poignée il y a 5 ans », note Christian Roblédo. La formation continue a vu son chiffre d'affaires (4 M€) plus que doubler depuis 2016. Les recettes liées à la recherche en lien avec les entreprises ont atteint le million d'euros en 2020. Un niveau jamais atteint. Ce qui inclut les prestations de services des laboratoires et équipes d'enseignants-chercheurs mais aussi les laboratoires communs débouchant sur une propriété intellectuelle partagée (brevets, copyright, etc.). Une option qui plaît notamment aux PME comme l'Angevin Nor-Feed (40 salariés, 8,4 M€ de CA) qui produit des additifs naturels à base de plantes pour l'alimentation animale, en vue d'améliorer leur santé et de réduire les antibiotiques. Ses recherches avec le Sonas, un laboratoire de la faculté de pharmacie, lui ont permis de connaître très précisément la composition de ses extraits de raisin pour standardiser le produit, de mieux comprendre les mécanismes de ses extraits de citron sur la flore intestinale, ou encore de réaliser des tests sur des vers de farine en vue de réduire les tests sur les poulets pour des questions de bien-être animal et d'économies. Un apport précieux pour percer sur un marché européen aux exigences sanitaires élevées. « Jamais nous n'aurions été capables de réaliser ce travail scientifique seuls. Cela nous a rendus très crédibles sur notre marché », confie Pierre Chicoteau son dirigeant.

Logement étudiant en surchauffe

L'essor de l'enseignement supérieur angevin devrait se poursuivre, avec une hausse d'effectif attendue jusqu'en 2026, au moins. Mais gare au risque de surchauffe. Le logement a déjà du mal à suivre. Faute de place, l'an dernier certains élèves ont dû être hébergés au camping puis au centre d'hébergement d'urgence du 115, destiné aux SDF. La solution passera par la livraison de nouveaux logements étudiants ou encore par le développement des sites universitaires de Cholet et Saumur, pour arriver à desserrer la pression.

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