Bas-Rhin
Les coups d’avance de Jérôme Scalia
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Jérôme Scalia dirigeant d'Awaken Les coups d’avance de Jérôme Scalia

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Jérôme Scalia se destinait à devenir joueur professionnel d’échecs jusqu’à ce que la technologie surgisse dans son sport et l'amène vers d'autres chemins. Aujourd’hui âgé de 34 ans, il déploie son sens de l’anticipation pour développer Awaken, une start-up alsacienne qui conçoit des boîtiers connectés pour les véhicules afin de sauver des vies.

Jérôme Scalia, fondateur et PDG d’Awaken — Photo : Alban Hefti

Racontez-nous votre passion pour le jeu d’échecs…

J’ai commencé à 9 ans au club d’Obernai (Bas-Rhin). J’étais 9e joueur français quand j’avais 16 ans. J’ai effectué une norme de maître international (le grade qui précède celui de grand-maître international, distinction ultime décernée par la Fédération internationale des échecs, NDLR) mais j’ai rapidement fait le choix de ne pas continuer à haut niveau. Parce que c’était très dur et qu’il y avait une obligation de résultat. Lorsque vous êtes malade, il n’y a pas de salaire. Il faut beaucoup voyager, ça coûte cher. Ce n’est pas comme dans d’autres sports, tel le football, où on peut jouer dans des divisions inférieures et bien gagner sa vie. C’est totalement impossible aux échecs. L’intrusion de la technologie m’a également dégoûté de ce sport.

Pour quelles raisons ?

Sur internet, il existe des bases de données qui répertorient les parties que vous avez jouées à un certain niveau. À la veille des rencontres, mes adversaires n’avaient plus qu’à les étudier pour apprendre par cœur les suites de coups qu’ils récitaient le lendemain. J’avais l’impression de jouer contre une IA. J’aurais pu faire la même chose et utiliser l’ordinateur toute l’après-midi pour étudier mon adversaire mais je n’aimais pas ça. Je préfère le face-à-face de nos cerveaux, de notre créativité, notre intuition ainsi que notre réflexion au lieu de la technologie. J’ai arrêté la compétition en 2010, à l’âge de 20 ans, pour travailler dans le web et le marketing avant de lancer Awaken, en 2015, après l’accident de voiture de ma mère. C’était un dimanche matin, sa voiture avait fait des tonneaux avant de finir dans un champ. Elle était restée inconsciente près d’une demi-heure. Quand elle s’est réveillée, elle a marché jusqu’au village et c’est là que des témoins l’ont vue ensanglantée et ont appelé les secours. Aujourd’hui, elle est en bonne santé et n’a pas de séquelles. Avec les technologies existantes, via nos smartphones notamment, j’avais trouvé intolérable qu’on soit obligé d’attendre qu’il y ait un témoin pour sauver les accidentés de la route. J’ai donc eu l’idée de créer un dispositif qui se branche très facilement sur n’importe quel véhicule, comme une clé USB à un ordinateur, et qui permet d’avertir en temps réel les secours lorsqu’un accident est détecté. Aujourd’hui, nous sommes une quinzaine à travailler à Strasbourg pour un chiffre d’affaires qui devrait atteindre 1,2 million d’euros en 2024.

"À haut niveau, les échecs, c'est de l'anticipation. Il faut calculer 8, 10, 15 coups à l'avance si on veut avoir une chance de gagner. C'est pareil dans le monde de l'entreprise".

Votre passé de joueur d’échecs vous sert-il pour le développement d’Awaken ?

Dans une partie d’échecs, on se met à la place de notre adversaire pour essayer de deviner ses stratégies. Quand on s’adresse à un client ou à un prospect, il faut qu’on se mette dans ses chaussures et qu’on comprenne ses besoins, voire ses problèmes, et qu’on axe notre discours sur comment l’aider. C’est le b.a.-ba. À haut niveau, les échecs, c’est de l’anticipation. Il faut calculer 8, 10, 15 coups à l’avance si on veut avoir une chance de gagner. C’est pareil dans le monde de l’entreprise. Il faut définir un plan d’action afin de décider de la stratégie la plus pérenne et trouver le chemin le plus court pour aller vers quelque chose qui reste fidèle à nos valeurs et qui, en même temps, génère du chiffre d’affaires pour payer les collaborateurs, investir, créer de la valeur, etc.

Est-ce que vous continuez à jouer avec vos collaborateurs ?

Plus vraiment même s’il y a des joueurs d’échecs dans l’équipe. Ils jouent énormément en ligne mais ne font pas de compétition. Ils jouent aussi à la pause de midi sur un vrai échiquier. Parfois, ils veulent m’affronter alors je me prête au jeu mais c'est rare.

Un candidat doit-il mentionner qu’il est joueur d’échecs s’il postule auprès d’Awaken ?

Forcément, cela va me parler et faire un trait commun. Je sais aussi les vertus que possède ce jeu dans la réflexion, le calcul et la créativité. Mais ce n’est pas une condition sine qua non, il y a de nombreuses personnes qui n’ont jamais joué et qui sont chez nous.

Awaken fait partie du dispositif Scal’E-Nov, accélérateur des start-up du Grand Est, c’est quoi le coup d’après ?

J’ai encore énormément à apprendre surtout de la part des autres. Il faut éviter de rester cloisonné dans son coin. Le dispositif Scal'E-Nov permet de rencontrer d’autres entrepreneurs à l’échelle du Grand Est. Il peut y avoir des synergies et de l’entraide en plus des subventions dont on bénéficie. Le coup d’après ? Les marchés allemand et canadien où on souhaite s’installer. On va aussi imbriquer une nouvelle technologie dans notre plateforme afin d’offrir davantage de services pour les transporteurs et leur permettre de digitaliser les relevés de leurs chronotachygraphes. On souhaite développer ce système avec les constructeurs de poids lourds et de véhicules légers, ce qui peut constituer une énorme opportunité en termes de marché.

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