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Le transformateur de véhicules Dangel prend de l’avance sur les nouvelles motorisations
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Le transformateur de véhicules Dangel prend de l’avance sur les nouvelles motorisations

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Pour anticiper les nouvelles exigences en matière de normes environnementales et travailler sur l’électrique et l’hybride, Dangel, le transformateur alsacien de véhicules utilitaires en 4x4, investit dix millions d'euros en recherche et développement. Une ambition qui s’accompagne d’un déploiement à l’international.

— Photo : © DR

Tout est parti d’une passion pour la mécanique. Quarante ans plus tard, un chiffre illustre cette activité artisanale en passe de prendre un tournant technologique. L’entreprise Dangel, située à Sentheim dans le Haut-Rhin, a transformé 50 000 véhicules utilitaires deux roues motrices en 4x4. L’histoire a commencé par la transformation du modèle 504 de la marque Peugeot. Aujourd’hui, Dangel transforme trois types d’utilitaires de 130, 150 et 160 chevaux provenant des constructeurs Peugeot, Citroën, Opel, Toyota et Fiat.

La PME industrielle, qui emploie 113 salariés et 37 intérimaires, a progressivement changé de dimension depuis l’arrivée de son nouveau PDG, Philippe Hébert, en 2017. Cet ancien cadre dirigeant du groupe PSA voit Dangel comme « un artisan au départ, avec les compétences d’un grand constructeur ». Après avoir évolué professionnellement pendant vingt ans dans le groupe PSA, Philippe Hébert a quitté en 2015 son dernier poste de directeur de l’usine mécanique de Mulhouse. Et a ensuite été amené à dispenser des formations chez Dangel. Si bien qu’en 2017, l’ancien dirigeant Robert Lacker, sur le point de prendre sa retraite, propose à Philippe Hébert de reprendre la direction de Dangel. « Pour avoir travaillé auparavant chez PSA, je connaissais bien de l’intérieur l’entreprise avec qui Dangel opérait. J’ai reçu la bienveillance de PSA, et les acteurs financiers comme les banques et Bpifrance ont suivi le projet de reprise. Robert Lacker a accompagné la transition jusqu’en fin d’année 2017 et j’y ai distillé un mode de fonctionnement PSA », se souvient Philippe Hébert. Ses axes prioritaires : « donner de la visibilité, changer la culture, basculer vers l’électrique et développer une zone internationale ».

De l'artisan au grand transformateur

Une des premières choses instaurées dans l’usine, qui transforme 3 500 véhicules par an pour une

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capacité de 5 000, est d’avoir créé une deuxième équipe de 20 personnes pour augmenter les volumes de production. Dix véhicules supplémentaires ont ainsi pu être produits par jour. Aujourd’hui, il sort des lignes de Dangel 25 véhicules transformés quotidiennement. Première stratégie gagnante puisqu’en 2018, la PME haut-rhinoise a remporté un appel d’offres lancé par la Poste autrichienne pour fournir 600 véhicules PSA. « Le petit Dangel s’est réveillé », sourit Philippe Hébert. Un réveil qui se matérialise dans la progression de chiffre d’affaires, passant de 18 millions d’euros en 2017 au moment de la reprise à 25 millions d’euros en 2018.

Face à un secteur de l’automobile en crise, cette croissance a de quoi donner le tournis… et interroger. La recette, selon Philippe Hébert, « c’est un marché de l’utilitaire qui se porte mieux que celui du marché des véhicules des particuliers. Le cycle de vie des utilitaires est de l’ordre de dix ans. Le changement de modèle n’est pas aussi rapide que sur le marché des particuliers. Actuellement, nous pouvons compter sur deux modèles neufs très performants, fruits d’un développement abouti en 2017 ».
Philippe Hébert confie également « qu’un travail auprès des réseaux de concessionnaires a été réalisé pour se faire connaître ». Sur les 3 500 distributeurs potentiels, Dangel vise la constitution d’un réseau de 300 à 400 experts formés auprès de l’entreprise pour distribuer les véhicules transformés. « La stratégie est de renforcer notre présence car tous les pays européens ont besoin de 4x4 », précise le dirigeant. Entre avril 2019 et janvier 2020, le chiffre d’affaires de Dangel était réalisé à 39 % en Norvège, à 28 % en France, à 6 % dans chacun des trois pays tels que l'Autriche, la Russie et la Suisse, le reste en Italie, Suède, Bulgarie, République tchèque et Espagne.

Si PSA représente près de 80 % des volumes de véhicules transformés par la PME alsacienne, « Toyota monte en puissance » estime Philippe Hébert. Le constructeur japonais vient en effet de signer un contrat de collaboration pour lancer deux modèles 130 et 150 chevaux en Norvège, en Finlande et en Allemagne. Dangel reste discret quant aux objectifs de volumes à réaliser avec cet accord. En 2018, le transformateur avait déjà commencé à accompagner Toyota à travers ses importateurs pour les marchés néerlandais, autrichien et suisse.

« L’objectif d’ici 2025 est d’avoir basculé vers l’hybride et l’électrique »

Cap vers les nouvelles motorisations

Outre l’ambition d’expansion par marque et par marché, la stratégie de Dangel est de travailler sur les nouvelles motorisations. « L’objectif d’ici 2025 est d’avoir basculé vers l’hybride et l’électrique », estime Philippe Hébert, dont l’entreprise lancera d’ici décembre la fabrication de pièces pour un organe du train arrière électrique du modèle 508 Peugeot sport engineering. 20 000 unités doivent être produites en cinq ans. Pour ce projet, Dangel a réalisé un investissement machines de deux millions d’euros.

Pour accompagner la révolution verte qui se trame dans le monde de l’automobile et se diriger vers l’hybride et l’électrique, Dangel prévoit un plan d’investissement de 10 millions d’euros en recherche et développement en deux phases d’ici 2025. Une vague d’investissements a déjà été lancée à partir de 2017 et les premières homologations sont attendues pour 2023.

« La problématique est d’être capable de faire évoluer les technologies pour être prêts en 2025. Le politique impose des contraintes en matière de normes environnementales mais il oublie les temps de développement et d’amortissement endurés par les constructeurs et les transformateurs », estime Philippe Hébert. Pour autant, le dirigeant n’oublie pas de poser les jalons d’une transformation encore plus profonde. À l’aune du Plan hydrogène lancé par le gouvernement, Dangel envisage de mettre le cap vers cette technologie à l’horizon 2030 au plus tard. Il s’y prépare en répondant d’ores et déjà à des appels à manifestation d’intérêt pour solliciter des aides.

Une première implantation internationale en Espagne

Et même si la crise sanitaire liée à l’épidémie de Covid-19 frappe durement l’industrie automobile, la situation n’a pas entaché la détermination de Dangel, qui lance des projets à l’international. « Après une période d'arrêt au début du confinement du printemps, le protocole sanitaire que nous avons appliqué a permis aux équipes de revenir travailler. Nous ne recevions plus de véhicules de PSA donc nous avons travaillé sur les stocks. Même si depuis juin nous avons repris plein pot, nous allons enregistrer six millions de pertes entre février et octobre. Mais les partenaires financiers nous font confiance. Nous devrions boucler l’année à 22,5 millions de chiffre d’affaires », estime Philippe Hébert, qui voit ses carnets de commandes remplis jusqu’en février 2021 pour le moment.

Le dirigeant tourne son regard vers l’Espagne, pays dans lequel Dangel s’apprête à lancer un atelier de montage pour transformer une gamme trek, c’est-à-dire en deux roues motrices. L’entreprise investit 1,5 million d’euros dans un atelier installé à Vigo, en Galice, au pied de l’usine PSA. « Sur ce type de transformation d’entrée de gamme, la valeur ajoutée est moindre, donc nous avons un intérêt à transformer sur place les véhicules directement sortis de l’usine espagnole et destinés au marché ibérique et méditerranéen plutôt que de les acheminer vers l’Alsace », explique le PDG haut-rhinois. Si ce projet constitue la première implantation en propre de Dangel à l’international, l’Alsacien opère depuis 2019 un partenariat avec l’usine PSA de Kaluga, en Russie. Les éléments de transformation sont fabriqués chez Dangel puis envoyés en kits en Russie où ils sont assemblés sur les lignes de PSA sous licence de partenariat. Dangel a investi 2 millions d’euros dans ce projet.

Une envergure internationale que l’artisan niché dans le sud de l’Alsace n’avait pas osé déployer jusqu’à présent. Et l’esprit de conquête ne s’arrête pas là, Philippe Hébert rêve de planter son drapeau sur les terres d’Amérique latine, pourquoi pas avec le constructeur italien Fiat, très présent sur ce continent.

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