Laurent Le Mercier (Abibois) : « La rentabilité d'une forêt se mesure sur 50 ans »
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Laurent Le Mercier membre du bureau d’Abibois Laurent Le Mercier (Abibois) : « La rentabilité d'une forêt se mesure sur 50 ans »

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Abibois, l’association bretonne interprofessionnelle du bois, présente la particularité, unique en France, de regrouper l’ensemble des acteurs de la filière. Pour Laurent Le Mercier, membre du bureau depuis sa création et patron de Sylva Expertise à Rostrenen (Côtes-d’Armor), cette organisation collective est un atout.

Membre fondateur d'Abibois, l'interprofession des professionnels de la forêt et du bois en Bretagne, Laurent Le Mercier estime que la filière doit poursuivre ses efforts de pédagogie et de communication pour mieux faire connaître ses atouts et ses métiers — Photo : @DR

Abibois est un cas d’école unique en France avec une union de l’ensemble des professionnels de la filière, de l’amont à l’aval. Comment expliquez-vous cette situation ?

Laurent Le Mercier : Abibois a été fondé en 1990 autour d’une logique simple : celle de valoriser la filière bois en Bretagne. Nous présentons cette particularité, dès le départ, d’avoir compris qu’une dynamique collective permettrait de mieux se faire entendre des pouvoirs publics. 30 ans après sa création, l’association a démontré toute sa pertinence, à la fois pour défendre les intérêts de tous les acteurs mais aussi pour se positionner comme un véritable outil de formation et de services (voyages d’études, rendez-vous techniques, etc.). Abibois compte aujourd’hui 300 adhérents, dix permanents pour un budget annuel de 700 000 euros.

Que pèse la filière bois en Bretagne ?

L. L. M : La filière forêt-bois régionale est particulièrement vertueuse tant du point de vue économique, que social et environnemental. Réalisée en 2018, l’analyse de l’Insee et de la Direccte Bretagne estime son poids à 15 000 emplois pour 3 000 établissements. Entre la gestion des forêts, le bois construction, l’emballage, la transformation et le négoce ainsi que le bois énergie, le chiffre d’affaires cumulé dépasse les 2 milliards d’euros.

Comment se caractérise la filière bois en Bretagne ?

L. L. M. : Elle se caractérise par une ressource forestière limitée en taille. L’activité sylviculture et exploitation forestière ne constitue ainsi que 3,6 % des emplois salariés de la filière régionale contre 10,2 % au niveau national. Toutefois, nous avons su développer une activité de transformation à partir de la ressource régionale mais aussi de matières premières importées d’autres régions de France et d’Europe. La forêt bretonne présente également la particularité d’être morcelée. C’est une chance pour le maintien de la biodiversité mais une faiblesse, en comparaison avec d’autres domaines en France, puisque la rentabilité est moins importante.

Et au niveau des essences ?

L. L. M. : 75 % de la forêt bretonne est constitué de feuillus comme le chêne, le bouleau, etc. C’est une véritable particularité bretonne qui explique notamment la construction historique des filières de valorisation. Aujourd’hui, les résineux ont le vent en poupe avec l’essor des constructions bois. Du côté des experts forestiers que je représente, nous préconisons d’aller vers un schéma de forêt mixte alliant résineux et feuillus afin de prévenir tout aléa climatique ou maladie, d’augmenter la rentabilité et de permettre à de nouveaux débouchés d’émerger, etc.

Quelles sont les priorités pour Abibois ?

L. L. M. : La priorité est aujourd’hui de dynamiser le marché du bois dans la construction. Les outils de production ont une capacité à répondre et la part de bois locaux dans la construction ne peut que se développer.

La région Bretagne vient d’annoncer un nouveau programme visant à planter 5 millions d’arbres en 2025. Qu’en pensez-vous ?

L. L. M. : C’est une bonne nouvelle car nous en avons besoin. Pour mettre les choses en perspective, la forêt bretonne n’est pas la plus imposante de France mais elle couvre tout de même 400 000 hectares, soit 14 % du territoire. C’est encore très loin du taux de boisement moyen de plus de 30 %. À l’échelle nationale, elle progresse de 1 % à 2 % chaque année. Pour reboiser la région, un programme baptisé Breizh Forêt Bois avait été adopté en 2015, permettant la plantation d’environ un million d’arbres. Cette dynamique va s’accélérer avec ce nouveau plan. Notre filière bénéficie d’une dynamique environnementale forte, en termes de captation des gaz à effet de serre, de développement de la biodiversité ou d’action sur la qualité de l’eau.

La forêt est-elle un placement rentable ?

L. L. M. : Investir dans une forêt se mesure sur le long terme, sur une période de l’ordre de 50 ans puisque la rentabilité annuelle dépasse rarement 3 %, grâce notamment à un régime fiscal clément. Les deux revenus à tirer d’une forêt sont la vente du bois ou la location du droit de chasse. En tant que gestionnaire de forêt pour le compte d’autrui, je distingue quatre types de propriétaires de forêts : les patrimoniaux qui veulent transmettre à leurs enfants, les investisseurs chasseurs, les jardiniers forestiers et ceux qui veulent du bois de chauffage pour leur autosuffisance énergétique. Alors, certes, on assiste à une inflation à l’hectare, passée de 2 000 euros à 4 000 euros en 20 ans, mais penser que l’on va faire un coup financier avec un bois est à mon sens une erreur.

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