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L'association d'entrepreneurs CroissancePlus craint la fin de "la politique de l’offre"
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L'association d'entrepreneurs CroissancePlus craint la fin de "la politique de l’offre"

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L’association de chefs d’entreprise CroissancePlus pointe du doigt les points de blocage au développement des entreprises et à la réindustrialisation. Dans sa ligne de mire : la suppression de certaines aides aux entreprises, l’apparition de nouvelles charges, les complexités administratives et la concurrence américaine.

Pour Audrey Louail, présidente de CroissancePlus : "Des tas de petites mesures fiscales ont fait finalement augmenter les charges des entreprises" — Photo : ALEX BONNEMAISOM

"Maintenir la politique de l’offre", qui a été "bénéfique, avec beaucoup d’effets positifs". C’est le souhait d’Audrey Louail. La présidente de CroissancePlus, association réunissant 500 dirigeants d’ETI et de grosses PME, regrette que les chefs d’entreprise fassent face à un "manque de visibilité" dans les mesures prises dernièrement par le gouvernement.

Des aides aux entreprises disparaissent, des charges apparaissent

Premier motif d’insatisfaction de l’association d’entrepreneurs : "La suppression de certaines exonérations", pointe Audrey Louail. En cause notamment, la fin du "bandeau famille". La suppression de cette mesure qui consiste à alléger le poids des charges pour les salaires au-delà de 2,5 smic pourrait être "préjudiciable au coût des salariés à valeur ajoutée", juge Édith Letournel, membre du comité directeur de CroissancePlus. "Pour conserver une politique de recrutement forte et soutenir la réindustrialisation, on a besoin de soutenir ces salaires-là", insiste Audrey Louail. "La plupart de nos sociétés adhérentes embauchent sur ces salaires moyens", précise-t-elle.

Malgré "des messages positifs en faveur d’une politique de l’offre, des tas de petites mesures fiscales, - sur la taxe foncière, la CFE - ont fait finalement augmenter les charges des entreprises. Même s’il a été annoncé partout que l’on restait à isopérimètre. En réalité, ce n’est pas le cas", regrette la présidente de CroissancePlus. L’association patronale avait également vu d’un mauvais œil l’été dernier l’annonce du report de la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).

La nécessité de simplifier la vie du chef d’entreprise

La simplification des normes et des relations avec l’administration constitue une deuxième revendication de CroissancePlus. L’association, qui a participé à la consultation gouvernementale sur la simplification administrative, a avancé plusieurs préconisations.

Dans la ligne de mire des chefs d’entreprise : les relations avec l’Urssaf. "Nos adhérents se plaignent de difficultés à communiquer avec l’organisme et d’un nombre d’erreurs incroyables en termes de prélèvements et de remboursements qui tardent et qui bloquent complètement les process. Un adhérent nous a ainsi signalé une erreur de prélèvement de 500 000 euros remboursé par l’Urssaf tardivement et en deux fois. Pour un autre, une telle problématique avec l’Urssaf a bloqué les documents lui permettant de répondre à des appels d’offres. Ce sont des erreurs qui bloquent le business", raconte Audrey Louail.

La taxe carbone, accélérateur de délocalisations

Les règles régissant le commerce international provoquent aussi des inquiétudes. Le secrétaire général de CroissancePlus, Laurent Vronski, pointe du doigt la partie normative de la simplification, avec "le télescopage entre plusieurs couches de normes". Même si la France reste le pays européen captant le plus de projets d’investissements portés par des capitaux étrangers, il prévient que le risque est la délocalisation, soit d’être tenté d'"aller produire dans des pays où il n’y a pas cet environnement normatif".

Certaines normes ont, selon lui, des effets pervers. Y compris celles censées protéger les entreprises françaises. Pour Laurent Vronski, il faut ainsi revoir la taxe carbone aux frontières de l’Europe, qui serait "un accélérateur de délocalisations".

D’une part, à cause des réactions des autres pays : "Il va y avoir des mesures similaires, voire un protectionnisme déguisé, qui vont voir le jour et avoir un impact sur les entreprises européennes", assure-t-il.

D’autre part, à cause des incohérences d’un dispositif très complexe : "Quand vous importez des matières premières, vous êtes taxé aux douanes. En revanche, si vous importez le produit fabriqué avec ces mêmes matières premières, il n’y a pas de problème", poursuit le secrétaire général de CroissancePlus.

Craintes liées à l’Inflation Reduction Act aux États-Unis

"Pour 90 % des entreprises françaises à l’étranger, il n’est pas question pour l’instant de relocaliser", assure Laurent Vronski. Ce dernier estime qu’elles ne le feront que si elles bénéficient d’une "incitation économique et d’un environnement compétitif". Autre argument de taille qui pèse dans la balance, l’Inflation Reduction Act (IRA), ce plan de réformes écologiques et sociales aux États-Unis, qui pourrait, selon le secrétaire général de CroissancePlus, favoriser la fuite des clients de l’autre côté de l’Atlantique. "Globalement, au niveau de l’Europe, par rapport à l’IRA, on ne fait pas le poids", admet-il. Alors qu’il constate de plus en plus de "défiance et de rejet de l’Europe, on va courir le risque d’un recroquevillement sur nous-mêmes" alors même que l’on "a jamais eu autant besoin d’Europe au niveau économique".

Appel d’air financier

Reconnaissant que les entreprises sont "confrontées à beaucoup d’investissements", il insiste sur la nécessité d'"un appel d’air financier pour les entreprises. Ce n’est pas le moment de nous coller des taxes en plus". Ce que confirme Audrey Louail : les entreprises ont besoin d’investir. "Bloquer les innovations, ce serait complètement obérer le développement des entreprises et leur business plan sur la durée", souligne-t-elle.

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