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Labeyrie Fine Foods concocte une nouvelle marque végétale
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Labeyrie Fine Foods concocte une nouvelle marque végétale

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Touché, comme tout le secteur agroalimentaire, par une baisse des ventes ces dernières années, le groupe landais mijote une nouvelle recette pour alimenter sa résilience. Labeyrie Fine Foods, numéro 1 du saumon fumé et du foie gras en France, va lancer une marque de légumes cuisinés. Il entame dans la foulée une stratégie de conquête du grand export.

Selon Jacques Trottier, président de Labeyrie Fine Foods, la résilience du groupe tient à sa diversification, tout en conservant son identité : le premium — Photo : studio-alterego.com

La variété : telle serait la clé de la résilience pour le groupe Labeyrie Fine Foods à en croire son président Jacques Trottier. Variété de productions, de canaux de distribution, de territoires, de typologie de clients. En conservant son identité haut de gamme. Implantée depuis sa création en 1946 à Saint-Geours-de-Maremne, au cœur des Landes, l'entreprise anciennement familiale Labeyrie devenue Labeyrie Fine Foods (LFF) reste d'abord associée aux mets premium qui ont nourri sa réputation : le saumon fumé et le foie gras. Le groupe en est même le leader en France. Si le poisson alimente encore l’essentiel de son chiffre d’affaires (53 %), le canard ne représente plus que 10 %, au sein d’autres "produits du terroir". "Ce n'est pas que l'activité canard a baissé, ce sont nos autres branches qui se sont largement développées", analyse Jacques Trottier, le président de Labeyrie Fine Foods. À côté des crustacés (22 %), les apéritifs frais montent en force (15 %).

Labeyrie Fine Foods prévoit le lancement d'une marque de légumineuses et légumes rôtis d'ici un an — Photo : Labeyrie Fine Foods

"La variété nous aide. Comme l’ensemble de l’industrie agroalimentaire, nous avons été confrontés à la baisse de 7 % de la consommation en 2022 et 2023. Nos marques ont néanmoins gagné des parts de marché mais sur un marché en régression", considère le dirigeant. En attendant que la consommation redécolle en France (64 % du CA) comme c’est le cas au Royaume-Uni (principal pays à l’export) depuis déjà six mois, le groupe (1 M€ de CA) poursuit une politique de diversification. Au menu : une nouvelle marque prévue en 2025. Elle s'ajoutera aux huit actuelles : Labeyrie, Blini, Atelier Blini, Delpierre, Père Olive, The Real Sea Food Company (au Royaume-Uni), et les marques pour restaurateurs Alain François et Inspire.

Accélérer sur le végétal

D’ici un an, LFF commercialisera - via la grande distribution et les restaurateurs - des légumineuses et des légumes rôtis. "Du végétal gourmand, sublimé. Vendu en format barquette, il fera gagner du temps au consommateur et répondra à la demande", détaille Gaëlle Ouari, directrice des marques et de la communication. Trois produits seront proposés, dont des falafels.

Le végétal est un marché porteur. Le segment apéritif frais (Blini, L'Atelier Blini, Père Olive) est en forte progression. Il représente déjà 15% du chiffre d'affaires — Photo : Labeyrie Fine Foods

"Factuellement, la consommation alimentaire mondiale se 'flexitarise'", constate Jacques Trottier, qui enregistre un fort développement du portefeuille végétal déjà investi par le groupe. Les apéritifs frais (tartinables, olives et bouchées, via ses marques Blini, L'Atelier Blini, Père Olive) pèsent 170 millions d'euros de chiffre d'affaires. "Ces rayons auparavant marginaux sont aujourd’hui un marché porteur."

La nouvelle marque sera produite en Normandie, sur le site aujourd’hui dédié à Blini et L’Atelier Blini et dont le service R et D (40 personnes à l’échelle du groupe) peaufine les recettes.

Développer le grand export

Labeyrie souhaite aussi entrer dans une nouvelle aire géographique. Distribués dans 48 pays, les produits à l’export sont très largement destinés au marché européen, notamment au Royaume-Uni, qui abrite les deux seuls sites de production non français. "Nous faisons des produits frais, donc qui se prêtent moins aux grandes distances. Par ailleurs, ils ne sont pas culturellement dans les habitudes alimentaires", justifie le dirigeant. Mais les temps changent. "Les modes de consommation s’occidentalisent. Des pays montrent des appétits grandissants pour la French Food, un art de vivre à la française. C’est le cas notamment au Moyen-Orient et Extrême-Orient." Labeyrie Fine Foods a ainsi lancé la commercialisation de saumon fumé et foie gras à Dubaï fin 2023. Ici, point de légumes. "La marque Labeyrie (saumon fumé et foie gras) est la clé d’entrée à l’international", assure le dirigeant, les yeux rivés désormais vers l’Arabie saoudite.

Un bureau a aussi été ouvert à Singapour en octobre. "Le grand export n’a pas vocation à représenter 40 % du chiffre d’affaires. Nous visons 5 % à horizon cinq ans, avec l’Asie et le Moyen-Orient. C’est déjà 50 millions d’euros."

Abandon des sushis

En revanche, Labeyrie Fine Foods a arrêté la production de sushis en février, en fermant son site de Boulogne-sur-Mer (35 salariés) dans le Pas-de-Calais qui alimentait depuis 12 ans la marque Comptoir Sushi vendue en grande distribution. "L’activité a souffert du Covid, puis de l’inflation", résume Jacques Trottier. Les ventes ont chuté de 65 % entre 2020 et 2022.

Ce début d’année Labeyrie FF a aussi ouvert une rupture conventionnelle collective en France et au Royaume-Uni pour une centaine de salariés (77 en France), uniquement sur des fonctions administratives. "Si la conjoncture avait été différente, nous ne l’aurions pas fait. Mais il nous appartient de réfléchir à la meilleure organisation pour demain."

Le retour du canard

Fortement impacté par les épisodes successifs de grippe aviaire, le canard - fourni à Labeyrie par la coopérative basque Lur Berri (actionnaire à 46 % de LFF) - est de retour… progressivement. "Ça ne se fera pas du jour au lendemain. Une partie des restaurateurs l’avaient retiré de leur carte faute d’approvisionnement sécurisé. À Noël, il nous a manqué du foie gras. Il y a une certaine inertie ; cela ne m’étonnerait pas que le retour prenne entre 18 et 36 mois."

Frappé par plusieurs épisode de grippe aviaire, le canard est enfin de retour... progressivement — Photo : Labeyrie Fine Foods

"La plus belle usine de crevettes" à 15 millions d’euros

L'actualité du groupe tournera aussi cette année autour de la branche "crevettes". C'est elle qui bénéficiera du plus gros investissement, parmi les 20 à 30 millions annuels classiquement consacrés à la modernisation.Fin juin, une usine flambant neuve sera inaugurée sur le site de Saint-Aignan-de-Grandlieu, près de Nantes (Loire-Atlantique), déjà dédié à la préparation et au conditionnement des crustacés. Pour 15 millions d’euros "c’est la plus belle usine de crevettes", promet le président. "L’activité seule de la crevette n’aurait pas suffi à financer le projet. Preuve, une nouvelle fois, que la diversification permet d’être plus résilient. De la petite entreprise gastronomique du Sud Ouest, nous avons élargi la clientèle et les points de contact, entre la grande distribution et la restauration, nos marques et les marques distributeurs."

Fin juin, le groupe inaugurera sa nouvelle usine de crevettes à Nantes. Un investissement de 15 millions d'euros — Photo : Labeyrie Fine Foods

"Nous parions que la RSE sera un levier pour le consommateur"

Depuis 2020, Labeyrie FF s'impose de passer au crible de la RSE toute son offre. Le groupe en a même fait son slogan : "partager un hédonisme engagé" : moins d'ingrédients par produits, moins d'emballages (avec pour objectif 100 % de recyclés en 2025), rassurer le consommateur sur le bien-être animal. "La conscience des consommateurs est montée crescendo. Si nous n'y arrivons pas, nous serons disruptés par les circuits courts."

En pratique, les arbitrages se confrontent parfois aux contradictions du consommateur - en quête de vertueux mais sensible à un emballage premium - ou se heurtent à la logique du business. Exemple avec les intercalaires entre les tranches de saumon : "C'est une innovation qui facilite grandement le service. Faut-il l'enlever ?" interroge Gaëlle Ouari. La direction a tranché : ils vont disparaître, c'est en cours. "Ce sont des tonnes de plastique en moins."

L'emballage carton en revanche restera, sans excès. "Si la RSE n'était pas au cœur de notre stratégie, on privilégierait le business, reconnaît Jacques Trottier. Un packaging plus large garantit une meilleure place dans les rayons." Une meilleure place alors que - encore un paradoxe - les distributeurs se montrent de plus en plus exigeants pour davantage de vertu. "Le rapport au packaging a déjà changé en Angleterre. Nous parions qu'à terme la RSE sera un levier pour le consommateur. C'est une opportunité pour nous d'être prêts avant les autres pour gagner des marchés."

En chiffres

1 milliard d'euros

Chiffre d'affaires 2023 du groupe, dont 53 % via le poisson, 22 % les crustacés, 15 % les apéritifs frais et 10 % les produits du terroir dont le canard. Labeyrie Fine Foods est détenu à 46 % par la coopérative basque Lur Berri, le fonds PAI Partners (46 %), et une centaine de cadres du groupe.

64 %

Pourcentage du chiffre d'affaires réalisé en France. L'export, majoritairement en Europe, est essentiellement à destination du Royaume-Uni.

50 %

Part de l'activité réalisée au global pour le compte de marques distributeurs. En France, la proportion est de un tiers, au Royaume-Uni quasiment de 100 %.

3 600

Nombre d'équivalents temps plein répartis sur 13 sites de production (deux au Royaume-Uni), dont environ 1 100 à Saint-Geours de Maremme (Landes), et 250 à Came (abattoir de canards dans les Pyrénées-Atlantiques).

3 000

Nombre de références produits, pour huit marques : Labeyrie, Blini, Atelier Blini, Delpierre, Père Olive, The Real Sea Food Company (au Royaume-Uni), et les marques pour restaurateurs Alain François et Inspire.

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