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La Normandie roule vers un tourisme plus responsable
Enquête Normandie # Maritime

La Normandie roule vers un tourisme plus responsable

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Le territoire normand aime les touristes qui se pressent, tout au long de l’année, dans ses cinq départements. Mais la région veut aujourd’hui privilégier un tourisme plus responsable et faisant une belle place au respect de l’environnement. Aussi, de nouvelles initiatives sont mises en place pour amener les professionnels et les visiteurs à prendre conscience des enjeux sociaux et environnementaux du tourisme.

Le slow tourism, à vélo, est de plus en plus prisé par les visiteurs français et étrangers sur le territoire normand — Photo : Grégory Cassiau-Les Escapades

Le tourisme de masse n’a plus la cote, ni auprès des vacanciers, ni auprès des professionnels. Aujourd’hui, les politiques touristiques des régions françaises misent sur un tourisme "durable et plus responsable". Défini par l’Organisation mondiale du tourisme (OMT) comme un tourisme "qui tient pleinement compte de ses impacts économiques, sociaux et environnementaux actuels et futurs, en répondant aux besoins des visiteurs, des professionnels, de l’environnement et des communautés d’accueil", le tourisme durable est un secteur en forte croissance. D’après l’association ATR (Agir pour un tourisme responsable), il progresse en moyenne de 20 % par an en France. Et c’est sur cet axe que la Normandie a choisi d’orienter sa prochaine politique touristique. Écotourisme, tourisme solidaire, slow tourism… autant d’options qui sont proposées aux touristes pour la nouvelle saison 2023. Des orientations qui ont permis à la Normandie d’être distinguée en 2022 par l’organisation internationale Green Destinations, par deux fois : à travers la candidature des Offices de Tourisme Normandie (OTN), qui fédère les 62 offices de tourisme normands et les 178 bureaux d’informations touristiques du territoire, mais aussi pour la ville thermale de Bagnoles-de-l’Orne (Orne), qui a décroché le niveau Or du Label Green Destination. Ce sont les deux seules destinations françaises à avoir été récompensées pour leur action en faveur de la conservation de la nature et du patrimoine, la gestion des déchets, l’énergie et le climat.

Prendre conscience des enjeux sociaux et environnementaux du tourisme

La ville thermale de Bagnoles-de-l’Orne a décroché le niveau Or du Label Green Destination — Photo : Bagnoles de l'Orne

Plus concrètement, la ville Bagnoles-de-l’Orne a ainsi mis en place un dispositif baptisé #GourdeFriendly en partenariat avec l’appli costarmoricaine Hoali pour réduire la consommation de bouteilles plastiques et permettre aux touristes de trouver facilement des points de remplissage pour leurs gourdes dans des lieux publics ou privés. "Le prix Gold Award Green Destinations représente le 3e palier sur 5 avant la certification complète. Nous avons deux ans pour passer au niveau supérieur, le niveau Platine, ce qui nous oblige à être dans l’action avec, par exemple, le renforcement des circuits consacrés au vélo, à la marche nordique ou au trail afin de développer les pratiques sportives et les mobilités douces sur l’ensemble du massif des Andaines", précise Didier Simon, directeur de Bagnoles-de-l’Orne Tourisme.

Les CCI de Normandie ont également mis en place une nouvelle évaluation des entreprises du tourisme avec "NQT responsable" (Normandie Qualité Tourisme), "une nouvelle étape pour optimiser la qualité de l’accueil touristique, en pleine conscience des enjeux sociaux et environnementaux du tourisme dans les années à venir", comme l’explique Anaïs Gosset, coordinatrice régionale du dispositif NQT. L’objectif premier de la démarche "Responsable" est de faire un état des lieux des établissements touristiques, pour engager leurs responsables dans un processus d’amélioration de leur outil de travail, en orientant les professionnels vers les aides ou dispositifs publics, mais aussi vers l’accès à des labellisations nationales (Clef Verte) ou internationales (Écolabel européen) dès que cela est possible. L’état des lieux concerne 14 thématiques, telles que l’utilisation de produits d’entretien écolabellisés ou de la récupération de la ressource d’eau… Initiée dès le mois d’avril 2023, la démarche d’audit a déjà concerné une centaine d’établissements et d’ici à la fin de l’année 2023, l’intégralité des 550 labellisés normands devrait avoir réalisé le diagnostic.

Privilégier les mobilités douces

Le Centre Juno Beach, à Courseulles-sur-Mer, a installé un vélo-parking couvert, des bornes de recharge électrique et aménagé une piste cyclable sur la route d’accès au musée — Photo : Centre Juno Beach

Les musées normands eux-mêmes se mettent à la page du tourisme responsable : ainsi, le centre Juno Beach, le musée canadien des plages du Débarquement à Courseulles-sur-Mer (Calvados) cherche à concilier "mémoire, développement durable et tourisme plus responsable". "Depuis quatre ans, nous avons engagé une stratégie globale pour optimiser nos engagements RSE et faire entrer l’écoresponsabilité à tous les niveaux opérationnels du musée. Nous avons pu bénéficier du soutien du FEDER REACT-EU et de la Région Normandie qui ont financé la totalité des quelque 80 000 euros d’investissement d’aménagement", précise Nathalie Worthington, directrice du Centre Juno Beach. Pour encourager les mobilités douces, l’établissement a ainsi installé un vélo-parking couvert, des bornes de recharge électrique et aménagé une piste cyclable sur la route d’accès au musée. L’objectif du musée est de réduire son empreinte environnementale, à raison de 5 % de ses émissions tous les ans à horizon 2050. Le musée a également mis en place, depuis 2021, un tarif "bas carbone" très incitatif (qui peut aller jusqu’à moins 33 %) pour les visiteurs venus en train ou en bus en partenariat avec la SNCF et Keolis. "De même, les gens qui arrivent au musée à vélo ont juste à se prendre en photo avec leur vélo et à la montrer à l’accueil du musée pour bénéficier du tarif bas carbone. La première année, 300 personnes ont bénéficié de ce tarif bas carbone et la 2e année, nous en avons compté plus de mille", confirme la directrice qui aimerait que cette initiative soit reprise dans d’autres musées normands. "Les installations dédiées au vélo sont aujourd’hui un véritable facteur d’attractivité pour des touristes qui voient notre musée comme un point-relais écologique sur le territoire."
D’une façon générale, on parle désormais de "slow tourisme" dans la promotion du tourisme normand, en mettant l’accent sur les randonnées aquatiques en kayak ou en paddle le long de l’Orne, ou en invitant les touristes à parcourir le territoire à vélo avec la création régulière de nouvelles véloroutes et vélomaritimes.

Des croisières plus écologiques

À Caen, les bateaux privilégient des équipements avec de meilleurs rendements énergétiques et moins polluants — Photo : Gregory Wait

Les croisiéristes privilégient également de plus en plus des paquebots bénéficiant des dernières technologies et équipements limitant leur impact écologique tant en mer que dans les destinations visitées. À Caen comme au Havre, les bateaux disposent désormais de moteurs et d’équipements avec de meilleurs rendements énergétiques, moins polluants, ainsi que de traitements innovants des eaux usées et des déchets limitant les rejets en mer.

À Caen, le club Caen-Ouistreham Normandy Cruise (regroupe la communauté urbaine et l’Office de tourisme de Caen la Mer, Ports de Normandie, la Chambre de Commerce et d’Industrie Caen-Normandie et l’agence d’attractivité Calvados Attractivité), capitalise sur l’engouement vis-à-vis de ce mode touristique, et a mis à disposition des visiteurs, de nouveaux services "plus responsables" tels que le prêt gratuit de vélos pour les passagers et les membres d’équipages pour visiter la ville, des navettes électriques, concerts à quai…

Un axe écologique sur lequel la compagnie Brittany Ferries surfe également, avec la commande, pour 2025, d’un nouveau navire hybride fonctionnant au GNL et à l’électricité pour relier Ouistreham à Portsmouth : "Le nouveau ferry hybride permettra une réduction de 5 % à 10 % de quantité d’énergie nécessaire à la propulsion et jusqu’à 15 % de réduction des émissions de CO2, sans oublier une diminution de l’impact sonore aérien et sous-marin", confirme Christophe Mathieu, président du directoire.

Réduire la pollution

De son côté, le territoire havrais mène un grand projet d’aménagement pour porter le développement des croisières. Avec une enveloppe de près de 100 millions d’euros au total, et la construction d’un nouveau terminal croisière, la Ville et ses partenaires institutionnels veulent être en mesure de doubler le nombre de passagers en transit dans le port du Havre d’ici 2030. Une démarche qui se veut raisonnée, en prenant en compte les réalités environnementales : "Le port de croisière doit devenir une nouvelle fierté pour notre cité océane par sa fonctionnalité, sa beauté et son souci de limiter autant que possible l’impact environnemental des croisières", selon Édouard Philippe, maire du Havre et président de la Métropole. Et si Le Havre veut accueillir plus de croisiéristes, ce n’est pas au détriment de l’environnement assure le président de la Métropole havraise. "Notre objectif est de réduire la pollution pour les Havrais, avec des escales sans fumée, des bâtiments passifs et des espaces rendus à la nature". Une ambition environnementale indispensable au projet selon Hervé Morin, le président de Région. "La Région soutient ce projet car il permettra notamment de répondre à la nécessaire transition écologique de ce secteur en prévoyant par exemple le raccordement électrique à quai des navires afin d’éviter les émissions polluantes pendant leur durée d’escale". Ainsi, l’ensemble des quais dédiés à la croisière maritime sera électrifié avant fin 2025 pour permettre le raccordement des navires, avec une puissance électrique délivrée sera de 10 MW par quai, permettant d’éviter 100 tonnes de CO2 et 2 tonnes d’autres émissions polluantes durant les 12 heures d’escale d’un navire. De plus, les nouveaux bâtiments seront à énergie positive grâce notamment à l’apport d’une vaste toiture photovoltaïque, et les procédés de construction employés seront bas carbone.

Réduction de la consommation, mobilités douces, ou encore croisières durables… Nouveaux objectifs prioritaires en Normandie, la sobriété énergétique et la neutralité carbone donnent le "la" de la nouvelle offre touristique du territoire : une pierre à ajouter dans la lutte contre le réchauffement climatique…

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