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La maison de champagne Pol Roger dévoile un nouveau site de production à 50 millions d’euros
Marne # Agroalimentaire # Investissement

La maison de champagne Pol Roger dévoile un nouveau site de production à 50 millions d’euros

À Épernay, dans la Marne, la maison de champagne Pol Roger a dévoilé son nouveau site de production, résultat de quatre ans de travaux et de l’implication de nombreuses entreprises régionales.

Pol Roger compte désormais la totalité de ses activités réceptives, œnologiques et de production en plein cœur de l’artère la plus riche et effervescente du monde : l’avenue de champagne d’Épernay — Photo : Michael Boudot

Près de dix ans après les premières réflexions et quatre après les premiers coups de pioche, la maison de champagne Pol Roger (60 salariés, 54 M€ de CA) vient d’inaugurer son nouveau site de production. Un beau cadeau de 50 à 55 millions d’euros que l’entreprise familiale s’est offert pour son 175e anniversaire.

Sur l’artère la plus effervescente du monde

Une prouesse industrielle et urbanistique, même, puisque désormais, la maison de champagne compte la totalité de ses activités réceptives, œnologiques et de production en plein cœur de l’artère la plus riche et effervescente du monde : l’avenue de champagne d’Épernay sous laquelle dorment quelque 200 millions de flacons. À côté de Moët & Chandon (groupe LVMH) et de Perrier-Jouët (groupe Pernod-Ricard), la situation de Pol-Roger, une des dernières entreprises familiales de champagne, s’avère unique pour une maison de cette taille. "Une fierté", se réjouit Hubert de Billy, représentant la cinquième génération, mais aussi le résultat d’un "véritable travail d’équipe".

Laurent d’Harcourt est le président du directoire de Pol-Roger — Photo : Michael Boudot

Le rôle facilitateur des collectivités

À commencer par l’accompagnement des collectivités. "Rien n’aurait été possible sans l’accord du maire Franck Leroy (désormais président de la Région Grand Est, NDLR) il y a dix ans." Choisir de conserver l’outil industriel à Épernay, où Pol-Roger est installé depuis 1851, en plein centre-ville d’une commune de près de 23 000 habitants, à proximité directe du lycée général et du lycée professionnel, nécessitait quelques aménagements urbains.

D’abord pour assurer la sécurité de tous pendant la circulation des poids lourds, mais aussi pour réduire leur passage sur l’avenue (pavée) de champagne où déambulent chaque année quelque 450 000 personnes.

Un site raccordé au chauffage urbain

Outre l’aspect facilitateur, le lien avec la Ville a permis à Pol-Roger de finalement se raccorder au chauffage urbain (prochainement en biomasse), plutôt que d’investir dans une chaudière à gaz. Le choix de l’architecte rémois Giovanni Pace, par ailleurs membre du conseil scientifique de la mission Unesco en Champagne, a permis d’établir un lien de choix avec l’architecte des Bâtiments de France dans l’intégration environnementale et esthétique de l’outil, afin de respecter le classement des Coteaux, Maisons et Caves de Champagne au patrimoine mondial de l’Unesco. "Nous sommes sur une conception verticale de la terre jusqu’au ciel", depuis les caves jusqu’au quatrième et dernier niveau de l’édifice, courant sur 18 000 m2 de plancher.

Les fondations ont été réalisées avec 298 pieux, dont les plus longs descendent à 35 mètres de profondeur pour 'porter' le bâtiment — Photo : Maison de champagne Pol Roger

298 pieux de 35 mètres pour les fondations

Le projet a, de plus, représenté un défi certain au niveau des fondations. Pour comprendre l’enjeu, il faut remonter à 1900 dans l’histoire de la maison de champagne. Deux mois plus tôt, Maurice et Georges ont pris la relève de leur père Pol Roger, le fondateur. À ce deuil succède un coup dur : l’effondrement d’une partie des celliers ainsi que des bâtiments annexes, entraînant dans l’oubli 500 tonneaux pleins de la quasi-totalité de la vendange 1899 et 1,5 million de bouteilles. Cet éboulement permet alors à la famille de détenir une réserve foncière de 20 000 m2.

C’est donc à proximité immédiate de ce terrain sinistré que le nouveau site de production a été construit. "Un radier a été créé et une toile a été tirée pour éviter l’affaissement, décrit Laurent d’Harcourt, président du directoire de Pol-Roger. Surtout, les fondations spéciales ont été effectuées avec des pieux." 298 au total, au-dessus des caves de la maison, "dont les plus longs descendent à 35 mètres de profondeur pour porter le bâtiment sur ce terrain capricieux et fragile".

Pour mener à bien ce chantier, les équipes de CICAL, spécialiste strasbourgeois de l’ingénierie industrielle et la maîtrise d’œuvre, et de KS Groupe, expert alsacien de la construction, ont œuvré avec une quarantaine d’autres entreprises du bâtiment, 27 entreprises process et lots techniques, 16 prestataires de services et de nombreux compagnons. Une large majorité de structures locales et régionales.

Hubert de Billy, représentant de la cinquième génération au capital de la Maison de champagne Pol Roger — Photo : Serge Chapuis

Alléger le travail des salariés grâce à la robotisation

Le site de production n’avait pas été touché depuis 1968, année où un bâtiment de 4 200 m2 avait été construit pour le dégorgement, l’habillage et les expéditions. "Pour l’époque, le bâtiment était moderne, assure Hubert de Billy, mais peut-être pas suffisamment abouti."

Contrairement à ce nouveau site, pensé et financé pour des décennies. L’investissement de plus de 50 millions d’euros est constitué en majorité de fonds propres ; le restant, par des emprunts contractés en 2019, avant le Covid et les crises actuelles. Une aubaine pour les taux d’intérêts.

"Plus personne ne porte un carton"

Outre l’impressionnante coquille, parée de 3 800 m2 de briques posées à la main, l’édifice permet surtout à Pol-Roger d’offrir de meilleures conditions de travail et des outils modernes, sans compter l’ouverture des postes de travail à la lumière naturelle. "Plus personne ne porte un carton", assure Laurent d’Harcourt. Pol-Roger a investi dans des robots autoporteurs et des lignes automatisées qui soulagent considérablement les salariés, comme cette ligne d’emballage achetée auprès du groupe Schubert, leader du marché des machines d’emballage numériques, capable de visionner les bouteilles, de les replacer dans le bon sens et de les prendre et de les poser dans leur carton d’emballage.

87 % des ventes à l’export

Depuis une quinzaine d’années, la maison Pol-Roger, labellisée Entreprise du Patrimoine Vivant depuis trois ans, a dépassé 1,5 million de bouteilles expédiées pour atteindre quelque 2 millions de cols (87 % à l’export) et vend sous allocation. Mieux dimensionné, plus ergonomique et optimisé, ce nouvel écrin "n’a pas pour vocation première d’augmenter les volumes", mais bien d’apporter souplesse, réactivité, qualité et confort de travail.

Les planètes se sont donc particulièrement bien alignées pour Pol-Roger, qui démarre avec cette inauguration les festivités autour ses 175 ans. En juin, l’installation d’une statue de Sir Winston Churchill dans la cour, en présence de la famille de l’homme d’État britannique, constituera un autre événement puisque 2024 marque le 150e anniversaire de sa naissance. Pol-Roger, qui lui a dédié dès 1975 une cuvée, "Sir Winston Churchill", chaque fois présentée à ses descendants, était en effet son champagne favori. Il en était client dès 1908.

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