Meurthe-et-Moselle
La dynamique retrouvée de Dr Fischer Europe enrayée par la flambée des coûts
Meurthe-et-Moselle # Industrie # Conjoncture

La dynamique retrouvée de Dr Fischer Europe enrayée par la flambée des coûts

S'abonner

Les épreuves se succèdent pour le fabricant de lampes Dr Fischer Europe. Après un redressement judiciaire de plus d’un an, c’est une augmentation historique des coûts de production qui frappe l’usine de Pont-à-Mousson. À cela s’ajoute la guerre en Ukraine et son lot d’incertitudes économiques et énergétiques. La direction fait le dos rond, en espérant des jours meilleurs.

Dr Fischer Europe, unique usine française du groupe allemand, réalise 70 % de son chiffre d’affaires à l’export, essentiellement en Europe — Photo : Dr Fischer Europe

Les voyants étaient à peine repassés au vert que la pandémie et la guerre en Ukraine sont venues saper les efforts de l’entreprise Dr Fischer Europe (CA 2021 : 14,7 M€ ; 140 salariés) à Pont-à-Mousson (Meurthe-et-Moselle). Avant cet enchaînement de crises internationales, le fabricant de lampes, unique filiale française du groupe allemand, retrouvait enfin des couleurs après plusieurs mois de redressement judiciaire. En cause ? L’interdiction en 2018 des ventes de lampes halogènes, au cœur de l’activité du fabricant lorrain. Malgré plusieurs tentatives de diversification, Dr Fischer Europe encaisse une perte de plus de 5 millions d’euros de chiffre d’affaires. La décision du tribunal de commerce tombe en octobre 2019 et le redressement judiciaire est prononcé. "Nous avons entamé un plan social et supprimé une trentaine de postes, raconte le directeur Philippe Douglade. Cela nous a permis de baisser nos charges salariales et de rebondir vers de nouveaux marchés".

De nouveaux marchés à conquérir

La fin du redressement judiciaire, prononcé en février 2021, marque une renaissance pour cette usine fondée à Pagny-sur-Moselle en 1899 avant de déménager à Pont-à-Mousson en 1981 et de rejoindre la maison mère allemande en 2010. Désormais, Dr Fischer Europe fabrique essentiellement des lampes UV destinées aux milieux médicaux et à la purification de l’eau, des lampes infrarouges pour du chauffage de confort ("confort heating") sur les terrasses et les patios, des dispositifs pour souffler des bouteilles en plastique ("bottle blowing") ou encore des lampes industrielles notamment dédiées au thermoformage. L’usine meurthe-et-mosellane, qui réalise 30 % de son chiffre d’affaires en France et qui compte deux antennes en Corée du Sud et aux États-Unis, se lance également dans la production de systèmes intégrés. Un an après la fin du redressement judiciaire, les résultats sont là. "Nous avons réalisé une bonne année 2020 et une très bonne année 2021, reconnaît Philippe Douglade. Nous avions même commencé à recruter des commerciaux et des ingénieurs. Mais c’était sans compter cette nouvelle donne internationale qui nous inquiète fortement."

D’énormes surcoûts énergétiques

Flambée du coût des matières premières, de l’énergie et des transports : la société mussipontaine fait désormais face à une triple menace. Les conséquences économiques de la guerre en Ukraine amplifiant les difficultés liées à la pandémie, notamment sur le plan énergétique. "Nous sommes un très gros consommateur de gaz, explique le directeur. Évidemment, la situation en Ukraine nous préoccupe d’autant que les tarifs n’ont pas attendu la guerre pour entamer leur flambée." Et la facture de gaz n’est pas la seule à s’envoler : les prix de l’électricité, de l’hydrogène et de l’azote sont, eux aussi, en train d’exploser. Pour s’en sortir, le directeur répercute la hausse sur ses clients mais dans une bien moindre mesure. "Quand nous avons fait nos négociations de prix en décembre dernier, nous ne pensions pas avoir affaire à une telle augmentation, lâche-t-il. Nous nous sommes fait surprendre. Alors, nous tentons de résister tant bien que mal avec le peu de marges que nous avons. Mais si cela continue, nous allons devoir retourner vers nos clients plus vite que prévu. Ou alors nous devrons arrêter certaines productions car elles ne seront plus rentables du tout."

Des containers sept fois plus chers

Du côté des matières premières, même tendance : le tarif du quartz importé de Chine et utilisé dans les ateliers de Pont-à-Mousson a augmenté de 20 % en moins d’un an. "Cela fait 20 ans que je travaille avec les Chinois et nous arrivions toujours à faire baisser les prix entre 5 et 10 % chaque année, déclare Philippe Douglade. Mais sur les trois dernières années, nous n’avons réussi qu’à les maintenir. Cette année, c’est la première fois que cela arrive, ils nous ont dit que c’était +20 %, à prendre ou à laisser. Il n’y a même pas eu de discussion." Sans compter le coût des transports qui, lui aussi, est en train de flamber. Le container facturé 2 500 dollars en 2020 se paie désormais près de 17 000 dollars, soit sept fois plus. "Il existe bien une entreprise de quartz en Europe mais ses prix sont prohibitifs, glisse Philippe Douglade. Alors, nous essayons tant bien que mal de négocier avec les transporteurs pour des envois groupés. Le problème est que nos matières achetées en Asie ont une valeur très faible mais leur volume et leur poids sont très élevés. Sur une valeur marchande de 2 000 euros, nous en avons pour 1 700 euros de frais de transport."

L’ensemble de ces surcoûts, non prévus par l’entreprise, obligent la direction à prendre de multiples mesures d’économie comme la baisse notable des dépenses en énergie et notamment en éclairages. D’autant que le remboursement du redressement judiciaire court toujours et que de nouvelles menaces planent sur l’activité comme une éventuelle interdiction des dispositifs de chauffages en terrasses.

Des clients historiques de retour

Malgré ce contexte de hausse générale des coûts de production, Dr Fischer Europe poursuit sa politique d’investissements. Deux machines dédiées au développement des marchés de l’infrarouge et de la lampe UV sont attendues dans les prochains mois pour un montant total de 400 000 euros. Pour soutenir cette nouvelle dépense, la direction n’a pas manqué de solliciter le plan France Relance et en espère un retour prochain. "Si nous baissons nos investissements, c’est la mort assurée, prévient Philippe Douglade. D’autant que sur l’infrarouge et l’UV nous sommes en train de prendre des parts de marché à nos concurrents. Nous confirmons ainsi nos bonnes performances et nous devons accentuer le mouvement." Il faut dire que les clients se font de plus en plus nombreux. Et le directeur lorrain y voit l’unique effet positif de la pandémie. "Plusieurs de nos clients historiques, qui étaient partis en Chine pour y trouver de meilleurs prix, sont revenus car l’Asie n’arrivait plus à les fournir. Ils se sont dit qu’il fallait peut-être réinternaliser certaines productions. D’ailleurs, les grands groupes s’en rendent compte : quand on décide de tout externaliser, on finit un jour par le payer. Mais attention, comme je le dis souvent, on apprend vite et on oublie vite. Si la situation redevient comme avant dans peu de temps, qui dit que nos clients ne repartiront pas ?"

Meurthe-et-Moselle # Industrie # Banque # Commerce # Conjoncture # International
Fiche entreprise
Retrouvez toutes les informations sur l’entreprise DR FISCHER EUROPE