Comment s’est construite la succession de Vakom, que vous avez créé en 1989, votre société de conseil en ressources humaines, recrutement, coaching et formation ?
Jean-Louis Fel : Anne-Claire a commencé par faire des stages en alternance après son bac, et à chaque fois on s’est posé la question de sa venue chez Vakom (100 salariés pour 10 M€ de CA, NDLR). Puis, elle a fait des études en licence RH et Master gestion d’entreprise à l’EM Normandie. Elle avait, là encore, besoin de trouver un stage en alternance mais c’était difficile.
Anne-Claire Fel : J’ai vraiment compris ce que faisait Vakom au cours de mon Master, avec l’envie de devenir consultante RH. Et pouvoir réaliser cette alternance chez Vakom a été une révélation pour moi.
J-L F : À la fin de son cursus, je me suis posé la question : est-ce que je dois priver Vakom du talent et de l’enthousiasme d’Anne-Claire, sous prétexte qu’elle est ma fille ?
A-C F : On tournait un peu autour du pot tous les deux pour ma venue dans l’agence. Lui n’osait pas me le proposer et moi non plus. Alors, pour plus d’objectivité, c’est le manager des consultants de l’équipe Rouen / Le Havre qui m’a recruté en 2016.
Quel modèle de management avez-vous choisi ?
J-L F : Nous avons choisi de nous associer, avec le rachat par Anne-Claire de 20 % des parts de la société. Une démarche pour laquelle elle n’a pas hésité à emprunter, ce qui prouve son esprit entrepreneurial. L’idée, c’est qu’elle monte au capital petit à petit. Mais Anne-Claire n’est pas la seule à avoir rejoint l’aventure familiale, il y a également mes deux autres enfants, Édouard et Tanguy qui travaillent dans l’entreprise. Lors d’une réunion familiale en 2021, c’est Anne-Claire qui a été la première intéressée par la reprise de l’entreprise, et cela s’est imposé comme une évidence par la suite.
A-C F : J’ai pris la direction générale en 2021, mais jusqu’ici nous fonctionnions avec une direction à deux têtes, avec Jean-Louis. Et puis, en 2022, il y a eu passation car il y a eu un déclic de la part de nous deux. On a réussi cela grâce à une grande confiance et une belle communication entre nous.
Y a-t-il déjà eu des changements notables avec ce nouveau fonctionnement ?
J-L F : Oui, je vois déjà les changements opérés par Anne-Claire. Elle arrive à coupler son professionnalisme avec plus de rationalité que moi, mais avec toujours beaucoup d’enthousiasme et un grain de folie qui caractérise l’entreprise. Pour moi, l’une des erreurs des cédants, c’est de vouloir céder son entreprise à quelqu’un qui ressemble au dirigeant. Pour que cela fonctionne, il faut quelqu’un de différent avec de nouvelles idées, de nouvelles envies pour poursuivre le développement de l’entreprise.
A-C F : J’ai pris le poste de responsable de la franchise Vakom (43 implantations en France, NDLR) en 2018, et je me suis formé sur le terrain en matière de recrutement, de commercial et de formation. J’ai d’abord consacré 50 % de mon temps à la formation et l’autre moitié au recrutement pour la franchise. Puis j’ai proposé un nouveau projet pour la direction de la franchise car Vakom se développait et il fallait revoir notre fonctionnement. Grâce à cette transformation, on a gagné en professionnalisme dans l’accompagnement des franchisés. Depuis deux ans, nous avons stabilisé le nombre de franchisés pour mieux les soutenir dans leurs développements.
Quelles difficultés avez-vous rencontrées au cours de cette transmission ?
J-L F : Être présent sans être étouffant, sans empêcher. Et ce n’est pas facile car j’étais dirigeant de Vakom depuis 35 ans. Mais à présent, je suis ravi de voir les perspectives qui s’ouvrent et j’ai encore ma place dans les grands mouvements de l’entreprise. Et puis, cela m’a libéré du temps sur la R & D.
A-C F : Être de taille pour assurer la relève. J’ai beaucoup d’admiration pour Jean-Louis, mon père. On dit qu’on devient adulte quand on descend ses parents de leur piédestal, eh bien moi je l’ai remis dessus en rejoignant Vakom et en voyant sa présence et son charisme dans son métier, sa capacité à développer son entreprise, d’être toujours consultant sur le terrain, et en même temps d’arriver à s’occuper de sa famille. Mais c’est vrai qu’au début j’ai vécu des situations difficiles pour arriver à m’imposer au niveau relationnel, avec des franchisés qui m’attendaient au tournant. L’enjeu a alors été celui de la conduite du changement. Comment questionner tout ce qui a été fait pour ensuite l’améliorer tout en conservant nos valeurs. Garder l’héritage de Vakom et apporter des réponses à notre développement.
Quelle est votre ambition pour la suite de Vakom ?
J-L F : Nous voulons nous développer en propre sur le reste de la Normandie, à Caen et dans l’Eure (Vakom à son siège à Rouen et une agence au Havre, NDLR), au cours du premier semestre 2024. Le siège de Rouen se développe aussi grâce à des produits exclusifs comme la méthode OPR (méthode de management, de vente, de gestion des ressources humaines et des relations interpersonnelles développée par Jean-Louis Fel, NDLR), et la vente de ces produits sous licence de marque, ce qui représente aujourd’hui un tiers de notre chiffre d’affaires, et c’est en expansion. Et puis, Vakom cherche toujours à être en avance pour répondre aux évolutions des entreprises. C’est pourquoi dernièrement, nous avons développé un produit à base d’intelligence artificielle. Nous voulons aussi donner plus de place aux dirigeants d’entreprises. Les entreprises sont tournées vers l’accompagnement des équipes, des managers et collaborateurs, mais on oublie trop souvent le dirigeant. L’idée c’est de sortir un bilan du dirigeant pour se poser les bonnes questions avec lui.
A-C F : Nous visons une centaine d’implantations d’ici 5 ans, en mix agences et franchises. Nous avons aussi des ambitions en dehors du territoire national, en visant plus particulièrement les pays francophones dans un premier temps. Notre développement nous donne de la crédibilité pour gagner des comptes clients nationaux, grâce à notre maillage d’implantations. Le développement des licences de marques est aussi une priorité (Vakom compte plus de 60 licences de marque, NDLR) car les sociétés accompagnées avec ces licences se tournent ensuite naturellement vers nous lorsqu’elles rencontrent d’autres besoins.
