Lancement en fanfare pour le premier camping sous enseigne Huttopia à Deqing, dans la province du Zhejiang, en Chine. Pour son ouverture, début octobre, le site implanté au cœur d’une bambouseraie de 16 hectares affiche complet. À deux heures de Shanghai, ses 103 hébergements (tentes, cahutes et chalets) s’organisent autour d’un centre de vie incluant petite restauration, spa forestier, une piscine Desjoyaux de 200 m² et même une salle de réunion pour les séminaires. Montant de l’investissement : 9 millions d’euros, financés par son partenaire chinois, l’entreprise d’équipements de camping Hen Feng.
Le camping devient tendance en Chine
"Comme nous ne pouvions pas nous rendre sur place à cause de la crise sanitaire, ni faire venir nos interlocuteurs chinois en France, nous avons dû procéder à distance en faisant, par exemple, des vidéos pour expliquer comment monter une tente ou un chalet", raconte Philippe Bossanne, le dirigeant d’Huttopia (700 salariés l’hiver et 1 600 l’été ; 94 M€ de chiffre d’affaires de septembre 2021 à septembre 2022), basé à Saint-Genis-les-Ollières (Rhône). Hormis ces inconvénients pratiques, source de retards, la crise sanitaire a renforcé la demande des Chinois pour le camping haut de gamme, surtout les urbains désireux de se ressourcer en pleine nature après une succession de confinements stricts.
"Le camping correspond à une évolution vers une forme de tourisme plus individualisé, dont le budget est accessible aux jeunes classes moyennes", appuie Philippe Bossanne. Les jeunes Chinois en font un marqueur d’innovation sociale, dotée d’une pointe de glamour ("glamping"). Selon Ctrip, la première agence de voyages en ligne chinoise, le nombre de touristes pratiquant le camping a été multiplié par cinq cette année.
Investissements mesurés
Le gouvernement chinois lui-même souhaite développer cette forme d’hébergement, vecteur de croissance pour le tourisme intérieur stagnant. Flairant le bon filon, les entreprises chinoises recherchent des partenaires occidentaux expérimentés, comme Huttopia qui n’en est pas à son coup d’essai dans la troisième puissance mondiale. Déjà, en 2015, le groupe rhônalpin a installé le premier camping international en Chine, à Dujiangyan, dans le Sichuan, sous la marque Indigo, via une joint-venture avec une entreprise hôtelière publique. Le partage des missions est clair : la société française conçoit le lieu, surveille les travaux et exploite le camping de 200 emplacements ; les Chinois financent.
"Contrairement à ce que nous faisons d’habitude - en finançant nos propres projets -, nous avons toujours souhaité prendre des risques mesurés en Chine", commente le dirigeant. Intuition salvatrice car, deux ans plus tard, le site est revendu par son partenaire à un promoteur immobilier, qui démonte les hébergements. Fin de l’expérience.
À la recherche d’un nouveau projet, Huttopia s’associe en 2017 à une entreprise publique du tourisme pour ouvrir un second camping à Huashan, dans la province de Shaanxi. La marque exploite le camping pendant quelques mois avant de reprendre son indépendance pour s’allier en 2018 à Hen Feng, un poids lourd du secteur des équipements de camping. Issus de la même génération, les dirigeants, tous deux à la tête d’entreprises privées, parlent le même langage.
S’associer sans céder sur l’essentiel
L’entente est immédiate, d’autant qu’entre-temps Philippe Bossanne s’est familiarisé aux usages chinois dans les affaires lors de ses deux précédents projets. "Il faut être patient, ne pas imposer sa conception d’emblée en jouant la carte de la concertation avec beaucoup de détermination", résume-t-il. Car pas question pour Huttopia de lâcher sur ses fondamentaux : l’adaptation au site naturel tel qu’il est, en l’aménageant avec des constructions en bois légères et démontables, sises sur un nombre limité d’emplacements pour préserver le calme. De leur côté, les Chinois ont parfois tendance à considérer le camping "comme un hôtel à plat, avec des fondations en béton", sans attention particulière à la qualité de l’environnement. Tout l’inverse de la culture Huttopia, qui a étudié une douzaine de terrains avant de craquer pour la bambouseraie de Deqing. Mission accomplie puisque le dirigeant estime que "le site est un showroom parfait à deux heures de Shanghai" pour de futurs projets.
