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Hôtel Le Negresco : « Le mois d’août a été une très bonne surprise »
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Lionel Servant directeur du Negresco Hôtel Le Negresco : « Le mois d’août a été une très bonne surprise »

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Établissement emblématique de la Promenade des Anglais, à Nice, le Negresco est l’un des derniers grands hôtels français encore indépendants à ce jour. Ses cinq étoiles ne l’ont évidemment préservé ni du confinement ni de l’absence des touristes internationaux, mais l’excellence du service et le savoir-faire de ses équipes, dirigées par Lionel Servant depuis octobre 2019, lui ont permis de sauver sa saison.

Lionel Servant dirige le prestigieux hôtel niçois le Negresco depuis octobre 2019 — Photo : O. Oreggia

Comment s’est passé l’été pour le Negresco (180 salariés, CA 2019 : 22 M€) ?

Lionel Servant : La reprise s’est faite calmement. Nous avons d’abord rouvert le restaurant et le bar, puis l’hôtel le 19 juin. Il y a ensuite eu une montée en régime jusqu’à connaître un vrai succès. Notre restaurant la Rotonde a enregistré une hausse de 40 % de son chiffre d’affaires comparativement à 2019. En juillet, le taux d’occupation de l’hôtel était 40 % et a doublé en août. 80 %, c’est un peu moins que d’habitude mais on ne s’y attendait pas. Tout s’est fait quasiment du jour au lendemain. Le premier vendredi d’août, nous avons eu 27 arrivées sans réservation. Du jamais-vu ! C’est vraiment réconfortant, cela veut dire que nous pouvons peut-être rebondir plus vite que prévu. Le mois d’août a été une très bonne surprise. Nous avons par ailleurs développé une fidélisation de nouveaux clients français qui seraient peut-être partis à l'étranger en dehors de ce contexte et qui ont décidé de venir sur la Côte d’Azur.

Comment expliquez-vous un tel succès dans ce contexte compliqué ?

Lionel Servant : Par plusieurs phénomènes. Il y a eu un gros travail fait par les équipes avec une refonte de la carte du restaurant, une offre avec des plats à partager, une mise en avant très marquée des fournisseurs locaux… Nos équipes ont été très solidaires. Un matin notre concierge est allé aider pour le petit-déjeuner car nous étions un peu débordés. Je leur avais dit qu’il allait falloir s’entraider, que ce serait la clé du succès et cela a vraiment bien fonctionné. Tout s’est très bien passé grâce à cela et cet esprit de service.

« En matière sanitaire, nous devions être irréprochables, il en allait de notre survie. »

Et je pense surtout que l’image du Negresco, avec le respect des protocoles sur lequel nous avons beaucoup communiqué, a su être rassurante pour nos clients locaux. Nous devions être irréprochables, il en allait de notre survie. Il ne fallait surtout pas avoir un cas de Covid dans l’hôtel.

Vous avez même suivi une formation dédiée au Covid-19 ?

Lionel Servant : Oui, dispensée par notre ingénieur qualité qui a une formation « hygiène et sécurité ». Il a travaillé avec certains collaborateurs et moi-même sur l’ensemble des protocoles, il y en avait une vingtaine au total. Nous avons par exemple bien appris à nous laver les mains. Nous n’avons depuis cessé d’entretenir cette rigueur. C’est l’avantage d’être un hôtel indépendant, nos collaborateurs (180 salariés permanents, NDLR) sont « imprégnés », engagés, ils ont vraiment envie que notre belle maison ne soit pas entachée. Ils ont tous été très loyaux en la matière et responsables. Je pense que c’est un peu différent lorsque vous êtes dans un grand groupe international.

Lionel Servant, directeur de l'hôtel cinq-étoiles niçois Le Negresco — Photo : Olivia Oreggia / Le JDE

Quelles perspectives avez-vous à ce jour pour les mois à venir ?

Lionel Servant : Septembre reste une question délicate. C’est encore très calme en réservations mais nous espérons réaliser le même taux d’occupation qu’en juillet. Notre clientèle est à 80 % internationale, Américains et Russes en tête, et de loisirs. Les 20 % restant relèvent du tourisme d’affaires ou d’incentive (séminaires d’entreprise notamment, NDLR). Ce volet business représentant peu pour nous, j’ai de l’espoir pour cet hiver car ce segment sera en forte baisse dans les mois à venir.
Grâce à notre marque et notre nom, j’espère que nous pourrons développer de l’activité. Et je pense que nous aurons une clientèle de deuxième, troisième, quatrième âge auprès de laquelle nous devons rester irréprochables.

Quelle offre pouvez-vous développer pour renforcer votre attractivité ?

Lionel Servant : J’ai créé des groupes de travail pour « brainstormer » sur la question. Nous avons plein d’idées : un spa éphémère, la mise en avant de l’art (De Renoir à Niki de Saint Phalle, le Negresco renferme une collection de 6 000 œuvres d’art, NDLR), de l’événementiel à travers une école de cuisine… Nous retiendrons les quatre ou cinq idées les plus viables.

« Ma priorité est d’assurer la trésorerie. Beaucoup de grands hôtels indépendants ont disparu pendant le Covid. »

Aujourd’hui, ma priorité est d’assurer la trésorerie pour traverser cette période et sauvegarder notre entreprise. Beaucoup de grands hôtels indépendants ont disparu pendant le Covid, comme le Métropole à Bruxelles, ou le Richemond à Genève. Nous avons la chance d’avoir réalisé trois exercices précédents comptables et financiers positifs, nous avions une belle trésorerie en début d’année. Comme beaucoup, nous nous sommes endettés avec le prêt garanti par l'État, que nous avons sollicité davantage par sécurité selon l’hiver que nous vivrons. C’est cette absence de visibilité qui est difficile à gérer pour un chef d’entreprise. Parmi les scénarios élaborés, il y en a un qui implique la fermeture entre novembre et février. On ne sait pas. Le Covid va-t-il empirer ? Le tourisme sera-t-il complètement à l’arrêt cet hiver ? Ce qui est sûr est que j’ai prolongé le chômage partiel jusqu’au 31 décembre.
Nous avons réalisé l’an dernier un chiffre d’affaires de près de 22 millions d'euros. Il devrait être en baisse de 60 % cette année, si l’automne et l’hiver le permettent.

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