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Gilles Mabire (Continental) : « Nous devons investir plus dans les start-up françaises »
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Gilles Mabire président de Continental Automotive France Gilles Mabire (Continental) : « Nous devons investir plus dans les start-up françaises »

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A Toulouse, le pôle R&D de l'équipementier Continental Automotive France (3 000 collaborateurs dont 2 200 à Toulouse ; CA 2017 : 1,02 milliard d'euros) a embauché 180 personnes en deux ans pour s'imposer comme le plus grand centre de recherche mondial sur le véhicule connecté et autonome (Intelligent Transport System). Gilles Mabire, président de Continental Automotive France depuis le mois de mars, partage l'état d'avancement de ce pôle et donne sa vision de l'écosystème local.

Gilles Mabire est président de Continental Automotive France depuis mars 2018 — Photo : Continental

Le Journal des Entreprises : En quoi Toulouse est-elle légitime comme berceau du véhicule du futur ?

Gilles Mabire : Toulouse est un vivier technologique très riche de ses entreprises, instituts de recherche technologique, grands groupes et du soutien des collectivités. Ces acteurs sont capables de s'asseoir autour d'une table et de travailler ensemble. On sent une réelle envie, ce qui n'est pas nécessairement le cas dans toutes les régions.

Par ailleurs les équipementiers automobiles ne pourraient pas développer le véhicule autonome sans l'aide des start-up, qui entrent dans le détail, avec simplicité de fonctionnement et rapidité d'exécution. C'est pourquoi nous avons signé, en mai, un partenariat avec le Village by CA et allons organiser notre 2e "Continental start-up challenge" début 2019.

Vous êtes en poste depuis mars 2018. Quelles sont vos priorités stratégiques?

G. M. : Jusqu'à présent, Continental a investi dans des entreprises et start-up étrangères. J'aimerais que plus soient françaises et le start-up challenge est un moyen de les attirer. Je souhaite aussi renforcer l'alchimie de l'innovation entre nos différentes business units et les faire travailler ensemble de façon encore plus efficace sur des sujets complexes d'avenir comme le pneu connecté. Que ce soit en BtoC ou en BtoB avec la branche Automotive France, mon objectif est de perfectionner l'expérience utilisateur et de garantir sa sécurité.

Le véhicule connecté est sur toutes les lèvres. Où en est-on en 2018 ?

G. M. : La plupart des grands constructeurs automobiles ont annoncé que 90 % des flottes seraient bientôt 100 % connectées, avec une liaison véhicule-infrastructure pour remonter des données d'utilisation et descendre des mises à jour logicielles. La 5G permettra de faire du point à point - connecter le véhicule aux voitures et piétons environnants - même sans couverture réseau. Ces données seront triées de manière intelligente et normalisées afin de faciliter l'expérience utilisateur.

Et le véhicule autonome ?

G. M. : La connectivité et l'autonomie sont complémentaires. Radars, lidars, vision tête haute... Les technologies sont prêtes pour offrir une vision de l'environnement proche du conducteur. Par exemple, il est aujourd'hui possible de déclencher les essuie-glaces d'un véhicule si ceux des 100 voitures à 1 km devant sont activés parce qu'il pleut.

« Dans le futur, on vendra de la mobilité, du kilomètre, et non plus simplement des véhicules. »

Mais l'autonomie nécessite de voir au-delà, grâce à une connectivité très haut niveau et surtout un partage des données. Il faut positionner l'utilisateur avec une extrême précision, de l'ordre du centimètre - contre 10 mètres aujourd'hui - pour voir sur quelle voie il se trouve, si une bretelle d'autoroute est en travaux, etc. À cet effet, nous testons le couplage avec des caméras embarquées.

Qu'en est-il de la sécurité de toutes ces données?

G. M. : C'est un aspect fondamental. Pour nous aider à atteindre nos objectifs dans ce domaine, nous avons acquis la société Argus il y a un an. Cette entreprise de 70 collaborateurs a les compétences que nous recherchons, en matière de vérification de la robustesse des systèmes informatiques et de veille d'infractions.

Pensez-vous que les revenus de l'écosystème digital vont à terme dépasser les ventes de véhicules ?

G. M. : L'amélioration de l'expérience utilisateur débute avec le trafic prédictif, l'intelligence artificielle... Et des technologies nouvelles et plus coûteuses remplacent peu à peu les existantes. Le marché toujours traditionnel est ponctué de nouveaux entrants, comme les services de VTC avec l'américain Uber ou le chinois Didi Chuxing. Ces opérateurs de flottes définissent directement avec les équipementiers ce dont ils ont besoin.

Dans le futur, on peut imaginer que les États feront de même. On va vendre de la mobilité, du kilomètre et non plus simplement des véhicules. La mission des constructeurs sera donc de conserver l'identité de leur marque face aux équipementiers, grâce à une personnalisation des véhicules qui rende l'expérience utilisateur unique.

Parlez-nous de l'avancée de votre projet eHorizon, un système permettant de récolter en temps réel des informations sur l'état de la route, les conditions météorologiques et la visibilité.

G. M. : Lancé fin 2016, eHorizon désigne la possibilité de "donner un horizon à la voiture", lui permettre, grâce aux informations des véhicules en amont et aux bases de données, de voir au-delà de son environnement proche (qui est d'environ 300 mètres). Nous avons déjà des preuves de concept qui roulent, nous sommes en phase pré-industrielle. Tous les grands constructeurs sont intéressés par cette solution et côté public, 500 véhicules Météo France sont déjà équipés. La commercialisation est prévue entre 2020 et 2022.

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