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Get : "Nous voulons être le plus grand groupe de communication indépendant de l'Est"
Interview Moselle # Information-communication # Fusion-acquisition

Thierry Ehrhardt (Get) et Cyrille Boulanger (Synchro) Thierry Ehrhardt (Get) et Cyrille Boulanger (Synchro) "Nous voulons être le plus grand groupe de communication indépendant de l'Est"

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Le dirigeant du groupe Get, Thierry Ehrhardt, vient de boucler le rachat de l’agence Synchro, fondée à Porcelette, en Moselle Est, par Cyrille Boulanger. Une nouvelle opération de croissance externe qui permet à Thierry Ehrhardt de continuer à se développer dans un marché qui reste atone.

Cyrille Boulanger, fondateur de l'agence Synchro, et Thierry Ehrhardt, dirigeant du groupe Get — Photo : Jean-François Michel

Comment deux dirigeants d’agence de communication, potentiellement concurrents, peuvent arriver à évoquer la question d’un rachat ?

Cyrille Boulanger : Nos relations étaient celles de deux confrères, parfois concurrents sur des dossiers, et au-delà de cette relation professionnelle, nous n’avions pas de contacts. Mais je pense que nous avons affaire à un dirigeant, Thierry Ehrhardt, qui est assez malin pour sentir à quel moment il peut être opportun d’initier un premier contact. J’ai eu 62 ans il y a quelques jours et une transmission d’entreprise, ça ne se prépare pas au dernier moment. Pendant des années, j’ai eu cette question en tête. Mais ici, à Porcelette, nous sommes dans un secteur géographique assez isolé, et j’ai autour de moi une équipe très soudée et beaucoup de travail. Dans ces conditions, le temps passe très vite, et au moment où j’aurais dû le faire, ou pu le faire, je n’en avais pas envie.

Thierry Ehrhardt : C’est souvent dur pour quelqu’un comme Cyrille, qui est passionné par son métier, de se dire qu’il faut arrêter. D’un point de vue intellectuel, il faut être capable de franchir le pas. De mon côté, j’ai commencé à m’intéresser à l’agence Synchro il y a quelques années, puisque c’était encore à l’époque de la Région Lorraine, client pour lequel nous avions tous les deux travaillé sur des dossiers. Ma première réaction, c’était de voir un concurrent qui pouvait empiéter sur mes plates-bandes, et j’ai commencé par me méfier de lui, notamment parce que je pensais qu’il pouvait me prendre des dossiers en se servant de la photographie, qui est sa spécialité. Quand je l’ai rencontré, j’ai trouvé un dirigeant pas agressif, avec un rapport simple et bienveillant aux gens. Et j’ai donc commencé à le suivre, de loin, mais comme je suis tous mes concurrents. Ensuite, il faut parfois savoir oser. J’ai eu une info, je savais qu’il songeait à passer la main. Mais la première fois que j’ai contacté Cyrille pour lui parler de rachat, il y a plus de deux ans, il m’a tout simplement dit qu’il n’était pas intéressé.

Cyrille Boulanger : En début d’année 2021, lorsque Thierry Ehrhardt m’a recontacté en me proposant un rachat, j’ai eu une écoute plus attentive. Je n’ai pas dit oui, pas dit non, mais j’ai évoqué la question d’abord avec ma femme. L’idée a fait son chemin, et finalement au bout d’une semaine, j’ai décidé d’aller un peu plus loin. La rencontre avec Thierry Ehrhardt a été décisive, puisque hormis le côté professionnel, humainement, je me suis retrouvé dans le projet qu’il porte avec le groupe Get.

Qu’est-ce qui a été le plus compliqué à négocier ? Les questions financières ?

Thierry Ehrhardt : Par expérience, j’aborde le plus vite possible la question de l’argent pour qu’elle soit réglée et passer à ce qui va vraiment être compliqué. Souvent c’est assez simple, la valeur de l’entreprise est de 100, le vendeur pense qu’elle vaut 200 et l’acheteur pense qu’elle vaut 0. Donc, c’est une histoire de curseurs à bien placer. L’argent est souvent un alibi qui sert à masquer les vrais problèmes.

Cyrille Boulanger : Je ne souhaitais pas faire une vente purement financière, sinon je ne serai déjà plus là. Car je vais rester deux ans dans l’entreprise, pour m’assurer que la transmission se déroule au mieux. Je suis dans une logique de transmission.

Thierry Ehrhardt : Quelqu’un qui vend sa boîte en disant qu’il ne veut pas rester dedans, et veut prendre tout l’argent, tout de suite, on peut s’attendre à ce qu’il y ait des problèmes. La personne qui accepte d’être payée sur 3 ans et qui reste 2 ans dans l’entreprise, comme Cyrille, pour consolider la transmission, on peut s’attendre à ce que ça se passe bien. Moi je veux toujours que les dirigeants s’engagent à rester, pour ne pas racheter une coquille vide et consolider la vente.

Quelle place l’agence Synchro va-t-elle occuper au sein du Groupe Get ?

Thierry Ehrhardt : Quand j’ai commencé à regarder un petit plus en avant les informations financières de Synchro, j’ai été frappé de constater qu’à Porcelette, l’équipe était capable de faire un chiffre d’affaires important. Ensuite, je me suis rendu compte que nous avions des activités complémentaires et un de mes objectifs, c’est d’apporter du "full service" à mes clients, c’est-à-dire que je veux être capable de pouvoir apporter la totalité de la prestation sans sous-traiter, hormis la fabrication. Et assurer une campagne de communication du début à la fin, ça demande des compétences. En ce moment par exemple, nous avons beaucoup de travail, beaucoup de production. Je n’ai pas envie de la sous-traiter. Maintenant, nous faisons jouer l’effet groupe, et ça nous permet d’être plus réactifs, de pouvoir tout produire et en plus, de continuer à faire du volume. Quand un groupe va me demander beaucoup de prises de vues sur site, du fait d’un changement de gamme de produits par exemple, et bien on ne va plus sous-traiter : c’est Cyrille qui va y aller. Les synergies entre les deux agences ont été très faciles à trouver. Ensuite, pour le positionnement du groupe, cela va nous permettre de concentrer les demandes de conseil, pour lesquels il faut une vraie expertise, sans rejeter les clients qui viennent avec des petits budgets pour faire de la production.

Cyrille Boulanger : Stratégiquement, c’est très important. Parfois, on rentre dans une entreprise avec un un petit flyer et on ressort trois ans après avec l’intégralité du budget communication.

Thierry Ehrhardt : Ensuite, on se rend compte que les gens ont besoin de proximité. En 20 ans, je n’ai pratiquement gagné aucun dossier en Moselle Est. C’est comme ça, ici, les clients ont envie de travailler en Moselle-Est. Et il y a beaucoup de boulot : il y a deux belles agences implantées en Moselle Est, quand il n’y en a que trois à Metz. Évidemment aujourd’hui, nous travaillons à distance, mais aller voir les clients toutes les semaines pour les rassurer sur les dossiers, on ne peut pas le faire en visio.

Quelle est la taille du Groupe Get après cette opération de croissance externe ?

Thierry Ehrhardt : Nous sommes 40 personnes et nous allons faire entre 3,5 et 4 millions d’euros de chiffre d’affaires sur l’exercice 2022. Évidemment j’espère que l’activité va reprendre, parce que ça fait quand même deux ans que le niveau d’activité est pourri : ça fait 20 ans que je fais du "plus" chaque année, et depuis mars 2020, c’est rideau. Même au Luxembourg, 50 % des agences de communication estiment que l’activité n’est pas repartie. Sur le mois de janvier 2022, on sent une transition, les affaires commencent à rentrer un peu mieux.

Cyrille Boulanger : Sur le dernier exercice, encore très marqué par la crise, Synchro a réalisé 600 000 € de chiffre d’affaires avec huit personnes. Au mois d’août 2021, il y a eu un rebond dans l’activité et on sent qu’il y a à nouveau de la traction dans le marché. Mais il faut espérer que les choses vont vraiment se débloquer au printemps 2022.

Dans un marché atone, est-ce le bon moment pour faire de la croissance externe ?

Thierry Ehrhardt : J’ai toujours pensé qu’une société qui ne se développe pas est vouée à mourir. J’ai toujours voulu me développer pour être moins important dans le groupe et pour multiplier les clients. J’ai toujours été marqué par la peur de perdre un gros client. Et plus vous vous développez, moins les gros clients sont importants, et si vous en perdez un, ça vous permet de ne pas déposer le bilan. En se développant, on minimise les risques. À cinq ans, mon objectif reste le même : être le plus grand groupe indépendant de l’Est de la France, avec entre 70 et 80 salariés.

Cyrille Boulanger : La stratégie est la bonne. Si j’avais 20 ans de moins, j’aurais racheté Get. C’est quand le marché est faible qu’il faut se renforcer. Tous les autres, autour de nous, sont en train de s’affaiblir. En se regroupant, on devient plus fort. À condition évidemment d’avoir les reins solides et d’avoir envie de progresser.

Thierry Ehrhardt : Le mois de janvier est un bon exemple pour comprendre l’intérêt. Du côté de chez Get, nous avons beaucoup facturé en fin d’année, et on se retrouve avec beaucoup de production à faire. Si l’équipe de Synchro n’avait pas été là, la production que nous avons vendue en fin d’année dernière, j’aurais été obligé de la sous-traiter, et donc de perdre de la rentabilité.

Constituer un groupe solide peut vous aider à recruter ?

Cyrille Boulanger : Au quotidien, je constatais qu’il nous manquait des ressources. Ici, en Moselle Est, nous avons de grosses difficultés pour recruter, notamment du fait d’une particularité : une magnifique route qui nous permet de rejoindre le Luxembourg en trois quarts d’heures. 100 % des webmasters qui ont été embauchés chez Synchro sont ensuite partis au Luxembourg…

Thierry Ehrhardt : Nous ne pouvons pas nous aligner avec les salaires luxembourgeois… Mais je suis persuadé qu’un groupe solide, à l’échelle de la région, peut aider à retenir les salariés. Globalement, il y a deux types de salariés. Ceux qui ont l’ADN du groupe Get. Ils ne viennent pas pour le salaire, ils viennent pour l’ambiance, parce qu’il y a du respect, parce qu’on est des pros, parce qu’il y a des bons clients. Ceux-là ne partiront pas. Les autres seraient tout aussi bien chez le voisin et on ne pourra pas les retenir. Mais l’effet groupe commence à fonctionner : on a des demandes entrantes, des CV, de bons profils qui ont entendu parler de nous.

Le groupe Get veut devenir une référence dans la santé. Le projet est-il toujours à l’ordre du jour ?

Thierry Ehrhardt : Tout à fait. Mais je ne peux pas mener deux dossiers de croissance externe en même temps. À un moment, il y a des choix à faire. Quand Cyrille a commencé à répondre positivement à ma démarche, je me suis concentré sur ce dossier. Maintenant, je vais attaquer ce chantier : cette année, je veux impérativement trouver une agence à acheter dans la santé. À l’échelle de la France, il y a une quarantaine d’agences qui ont une expertise dans le domaine de la santé.

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