Alpes-Maritimes
"Générer du business n’est pas une raison d’être"
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Sébastien Uscher accompagnateur et formateur au sein d’ImmaTerra "Générer du business n’est pas une raison d’être"

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Responsable du développement durable de Décathlon pendant trois ans, Sébastien Uscher a rejoint en septembre dernier la niçoise ImmaTerra, Société Coopérative d’Intérêt Collectif (SCIC) qui accompagne le développement de modèles économiques durables auprès des entreprises. Un thème au coeur de l’atelier qu'il a animé dans le cadre de la Place Business, de la CCI Nice Côte d’Azur.

Sébastien Uscher (ImmaTerra) explique les différents niveaux d’engagement d’une entreprise qui peut être responsable, contributive, jusqu’à régénérative — Photo : Sophie Roussel - CCI NCA

Changer de modèle économique pour aller vers un modèle plus durable, est-ce que cela concerne tout chef d’entreprise ?

Tous les entrepreneurs sont concernés. Il n’y a pas 36 solutions, il n’y en a que deux : soit ils cherchent à créer de nouvelles efficiences, un nouveau modèle économique, de nouvelles coopérations, soit cela leur sera imposé, par le coût des matières qui va augmenter, par les enjeux climatiques, par des changements de modes de fonctionnement sur les territoires. Nous arrivons dans une société contrainte, à bout de souffle, on le sait. À eux de décider s’ils prennent en charge cette transition maintenant ou s’ils veulent la subir dans quelque temps. C’est vraiment choisir ou subir.

Alors par quoi doit commencer l’entreprise ?

Il ne faut pas commencer par le bilan carbone, mais par le "pour quoi ?", à savoir "quel est le sens de mon activité ?", "quelle est ma raison d’être ?". Et à partir de là, alors on peut réfléchir à ce que l’on veut mettre en place sur son territoire. L’objectif n’est pas de vendre des produits mais de rendre un service, une efficacité, un mieux-être. Tout le reste peut en découler : "quelles sont mes externalités ?", "qu’est-ce que je génère de bien sur mon territoire et que je peux capter économiquement ?". Cela oblige alors à coopérer. C’est ça l’économie de la fonctionnalité et de la coopération. Le "pour quoi" et la raison d’être sont vraiment, pour moi, au centre du changement de tout modèle économique. La boussole.

Cela requiert une sérieuse remise en question pour beaucoup alors que le "pour quoi" de l’entreprise est depuis toujours : générer du chiffre d’affaires et créer des emplois…

Oui, cela peut être angoissant de se poser ces questions-là car bon nombre d’entreprises ont été créées avec ce seul modèle et le "pour quoi" n’est parfois pas simple à trouver. Toutes les entreprises n’auront évidemment pas des modèles économiques fonctionnels et coopératifs, ou régénératifs. Et beaucoup risquent de disparaître parce qu’elles n’auront pas un sens profond d’apport à leur écosystème. Générer du business n’est pas une raison d’être.

Sébastien Uscher a animé un atelier intitulé "Comment développer un modèle économique durable pour son entreprise ?" — Photo : Olivia Oreggia

Peut-on aller jusqu’à dire qu’il faut du courage pour entamer ces changements ?

Oui et plus l’entreprise est grosse, plus elle est désalignée, plus cela demande du courage. Une entreprise comme Décathlon avec 13 milliards d’euros de chiffre d’affaires et 100 000 collaborateurs dans le monde, doit avoir beaucoup de courage pour s’engager dans une démarche qui vise sortir d’un système volumique, alors que son ADN est justement le modèle volumique.

Qu’en est-il sur la Côte d’Azur où les entreprises sont parfois très éloignées de ces modèles ? Semblent-elles prêtes à changer ?

En effet, chez nous, nous sommes un peu en retard par rapport à d’autres territoires, mais nos entreprises commencent à se questionner. Elles sont "aidées" en cela par des événements comme le Covid, la tempête Alex, une baisse de la fréquentation touristique. Le monde de demain n’est pas forcément un monde de fatalisme, de désespoir, d’anxiété, mais un monde où l’entreprise a un impact sur son écosystème, où l’on sert des citoyens, qui travaillent, retrouvent du lien avec du vivant, avec la terre, avec l’artisanat… On va voir apparaître de nouveaux imaginaires sur ces sujets. Il y a tout à reconstruire. Ce sera le rôle de chacun, y compris des entreprises.

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