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Fountaine Pajot met le cap sur la plaisance verte
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Fountaine Pajot met le cap sur la plaisance verte

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L’acteur majeur de la plaisance Fountaine Pajot, créé en 1976, lance son premier moteur électrique, qu’elle étendra à tous ses voiliers en 2024. L’entreprise de Charente-Maritime basée à Aigrefeuille d'Aunis présentera en avril une version hybride à hydrogène de son moteur. En parallèle, elle maintient son rythme soutenu de conception de nouveaux bateaux, avec la sortie de son plus gros catamaran, 80 pieds, prévue cet été.

L’Aura 51 est le premier voilier équipé du Smart Electric — Photo : Fountaine Pajot

Fountaine Pajot, qui conçoit et fabrique des catamarans et monocoques de croisière, projette de devenir le pionnier de la transition environnementale dans l’industrie nautique. Objectif numéro 1 : atteindre la neutralité carbone nette en 2030. Une ambition certes noble mais aussi nécessaire, à en croire le groupe. Tant pour répondre aux exigences nouvelles des clients que pour conserver quelques milles d’avance sur le marché et attirer des collaborateurs ancrés dans l’air du temps. Dynamisée par une très forte croissance - 220 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2022, soit + 8,7 % par rapport à 2021, et un résultat d'exploitation en hausse de 10,4% - Fountaine Pajot investit dans la plaisance verte et compte drainer dans son sillage toute la flotte concurrente.

L’appel de la nouvelle génération

"En 2019, nous étions en "slow down" (ralentissement, NDLR), rappelle Romain Motteau, le directeur général délégué. Puis est arrivé le Covid et, derrière, un boom exceptionnel de l'intérêt de la part des particuliers. Les loueurs ont suivi et nous nous sommes retrouvés face à une explosion de la demande. La nouvelle génération est arrivée en force, avec un nouveau mode de consommation, comme pour tout le secteur outdoor."

L’entreprise y répond d’abord par une gamme renouvelée, "la production était la priorité depuis le plan 2013-2020". Depuis dix ans donc, les modèles abondent - encore quatre en 2022 -, "avec un "time to market" (délai de commercialisation, NDLR) de dix-huit mois", précise avec fierté Romain Motteau. Mais cela ne suffit plus. "Initialement les plaisanciers recherchaient de la performance. Puis de la performance et du confort. Puis de la performance, du confort et du design. À cela s’ajoute maintenant le souhait d’avoir un faible impact environnemental. Beaucoup de propriétaires de bateaux à 10 ou 15 millions d’euros nous racontent que leurs enfants ne veulent plus y venir car les bateaux ne répondent pas à leur souci environnemental. Les clients sont prêts à payer pour cela et c’est de là que doit venir notre attractivité."

Le groupe hisse donc une nouvelle voile, en lançant sa plateforme d’innovation OD Sea Lab, dont le bateau de demain doit émerger en agrégeant les savoir-faire. "Nous cherchons auprès de nos fournisseurs, d’autres industriels, des solutions à "mariniser", à adapter à la navigation, pour pousser la décarbonation de la plaisance." Fountaine Pajot travaille ainsi avec l'italien Solbian - spécialisé dans l'ingénierie, la vente et l’installation de panneaux solaires - , Eodev qui conçoit des générateurs électro-hydrogènes (basée à Saint-Malo, 12 M€ de CA en 2021, 59 salariés), et Alternatives Energies (7 salariés et 2 M€ de CA en 2021) qui propose des solutions électriques et hybrides adaptées à la navigation. De cette dernière, dont le siège est à La Rochelle, Fountaine Pajot est devenue actionnaire majoritaire en 2022. Ensemble, les équipes ont développé pendant un an le projet phare : la propulsion électrique.

Le projet phare : la propulsion électrique

Le moteur électrique s’est imposé comme une évidence, au regard d’une étude menée par Fountaine Pajot dont il ressort que 80 % de l’empreinte carbone provient de l’utilisation de ses bateaux, autrement dit des moteurs. "Nous travaillons sur notre phase industrielle, nos matériaux, nos process de fabrication. Mais cela ne représente que 20 % du bilan carbone."

Place donc au Smart Electric proposé en option depuis quelques mois. Il combine moteurs électriques et système de gestion de l’énergie à bord - éolienne, solaire, hydrolienne - pour une navigation en silence et écoresponsable.

Le premier modèle doté de l’option est le catamaran Aura 51, lancé en septembre 2022 lors du Cannes Yachting Festival. "La version Smart Electric sera proposée sur tous nos voiliers en 2024", annonce Romain Motteau, qui compte sur le soutien du poids lourd de la location Dream Yacht, auteur d’une première commande de dix bateaux ainsi équipés.

À terme, l’option sera étendue à la gamme moteurs.

Premier moteur électrique hybride à hydrogène

Sans attendre, Fountaine Pajot pousse d’ores et déjà le curseur un peu plus loin encore en dévoilant officiellement le Smart Electric hybride Rexh2 en avril. "Parce que nous voulons ouvrir toutes les portes, pas uniquement celle de l’électrique", justifie Romain Motteau. Dans les tuyaux depuis trois ans, ce moteur est issu de la collaboration avec la société bretonne Eodev. Le premier moteur électrique hybride à hydrogène équipera les futurs acquéreurs d’un catamaran Samana 59 qui le réclament. "Nous avons des clients qui veulent aller plus loin que l’électrique dans l’éconavigation. C’est notamment le cas de notre client Tradewind", justifie Yves De Kerangat, le directeur des grandes unités.

Le recrutement, nerf de la guerre

La transition environnementale est aussi un enjeu pour l’entreprise elle-même. "Le nerf de la guerre, c’est le recrutement", avoue Romain Motteau, le directeur général délégué. Sachant qu’un bateau appelle 40 métiers. "Nous pâtissons un peu du désamour de l’industrie, d’autant que nous fonctionnons en 2x8. Mais le produit est beau et tous nos collaborateurs sont fiers. Là encore, notre promesse environnementale a son rôle à jouer pour attirer la nouvelle génération qui nous pousse à nous remettre en question."

Fountaine Pajot, qui emploie aujourd’hui plus de 1 300 personnes sur ses différents sites de Charente-Maritime, est en recrutement permanent et forme ses équipiers en interne, dans ses propres écoles diplômantes. "Pour notre prochaine accélération, il nous faut recruter une centaine de collaborateurs d’ici l’été."

Un nouveau bateau amiral de 80 pieds

Parallèlement au vent vert qui souffle en transversale sur toute l'entreprise, Fountaine Pajot met le turbo sur son nouveau - beau - bébé, le New 80. Ce catamaran haut de gamme de 80 pieds est attendu sur les flots cet été. La première coque est fraîchement démoulée de ce mois de mars. Le plus grand catamaran jamais construit par le chantier naval rochelais a nécessité deux ans de préparation, 4 millions d’euros d’investissement pour l’outillage et l’externalisation de la fabrication de tous les bateaux moteurs (soit 15 % du chiffre d’affaires) au chantier naval girondin Couach depuis le mois d'octobre 2022 pour libérer l’espace sur les lignes de production. "Nous cherchions un partenaire expérimenté, il l’est même plus que nous, reconnaît Romain Motteau. Cela nous permet de conserver notre "time to market" en évitant de construire un nouveau bâtiment, ce qui nous aurait pris au moins deux ou trois ans."

Deux unités du New 80 sortiront des lignes de production les deux premières années, puis quatre voire cinq. "Quarante personnes y sont dévolues, une centaine avec le bureau d’études et les sous-traitants, détaille Yves De Kerangat, le directeur des grandes unités. À raison de quatre unités par an commercialisées 6 à 7 millions d’euros, ce projet à lui seul est l’équivalent d’une belle PME", résume-t-il tout sourire.

"Dans un projet comme celui-là, il y a quatre points essentiels : le délai, suivi quasiment à l’heure près, la qualité de fabrication, le poids du bateau qui influence directement ses performances, et le prix" poursuit-il. Peu touchée par la hausse du coût de l’énergie, l’entreprise l’est en revanche par la hausse du prix des matériaux (50 % du coût du bateau). "Nous vendons des bateaux qui seront livrés dans deux ou trois ans ; nous voulons respecter les prix annoncés mais sommes dans le brouillard complet, reconnaît Romain Motteau. Nous devons gérer le grand écart."

S’agissant du New 80, "nous avions passé nos commandes très en amont, explique Yves De Kerangat. Pour les prochaines, il faudra tenir compte des augmentations." Le carnet de commandes est plein jusqu’en 2025.

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